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Jacco Gardner : « Mes rêves sont impossibles à traduire en mots »

En rentrant dans son hôtel parisien, on trouve le regard amusé de Jacco Gardner se poser sur les tableaux accrochés aux murs du salon. Malgré sa tête d’enfant sage, on comprend vite qu’il regarde avec insistance la série de photos érotiques qui jonchent la tapisserie. A l’aube de la sortie de son nouvel album Hypnophobia, sorte d’expérimentation pop de ses rêves, on est allé chercher la petite bête loin au fond de son esprit. Sommeil, drogues, musique, mystère, on catalogue tous les catalyseurs d’états altérés.

J’ai entendu dire que tu préférais ta vie dans tes rêves. Comment peut-on préférer un monde absurde qu’on ne contrôle presque pas ?

C’est une façon de le voir. Dans un sens, la réalité et le rêve sont tous deux réels. Quel que soit le sentiment que tu ressens quand tu rêves, il existe aussi dans la réalité. C’est parce que je me sens la plupart du temps bien dans mes rêves que je préfère y vivre. J’aime la surprise et le mystère qu’il y a dans tous mes rêves. C’est fascinant.

A quel niveau intervient le rêve dans ta musique ?

Quand je me réveille, j’essaie de me rappeler les émotions et l’état d’esprit dans lequel j’étais plongé. Le nouvel album a beaucoup plus d’instrumentations que les anciens parce que je me laisse plus aller en dormant. Mes rêves sont impossibles à traduire en mots. Uniquement en musique. Dans un sens, c’est un travail de recherche sur mes rêves.

Dans tes paroles, on oscille entre réel et rêve.

J’en ai certaines qui parlent d’ouvrir une porte vers un autre monde, ou essayer d’expliquer la période de transition entre l’état d’éveil et de plongeon dans le sommeil. C’est possible de parler en analogies, pas de façon littérale.

Jacco Gardner – Find Yourself

Quel est le sens d’Hypnophobia, le nom de ton nouvel album ?

J’ai eu une expérience un jour. J’étais réveillé et m’endormais, dans un entre-deux parfait. Je pouvais encore bouger mon corps et le voir mais cerveau était déjà de côté. C’était une expérience extrêmement flippante. Le lendemain, j’ai cherché ce à quoi ça pouvait correspondre et j’ai trouvé le symptôme d’hypnophobie. La crainte de dormir, d’être hypnotisé, de perdre le contrôle.

Le monde réel est-il assez inspirant pour nos rêves ?

Totalement. Les rêves n’existent que grâce à la réalité. Et les rêves donnent un sens à la réalité qui, souvent, n’a aucun sens. Nous prenons comme acquis beaucoup de choses sans savoir pourquoi ni comment elles sont faites. Mais il y a toujours des choses mystérieuses qui sont dans notre cerveau.

C’est humain de vouloir tout comprendre, tout expliquer ?

Oui et rêver est une façon d’utiliser notre imagination. Quand tu prends des drogues, ton cerveau fait sortir des choses, mais en fait, ce sont des réactions cérébrales très naturelles. On apprend beaucoup en réfléchissant sur nos rêves. Il est arrivé une fois où j’ai entendu une pièce de musique dans un de mes rêves, que je n’avais jamais entendue avant. C’était hyper bon et j’ai voulu l’enregistrer le jour suivant, mais je l’avais déjà oublié. Ce qui me fascine dans les rêves, c’est le fait que tu ne conserves rien de tes créations. Tu crées en continu mais tu n’es pas intéressé par créer un produit. J’aimerais beaucoup tout laisser filer dans la vie. Créer, construire, et laisser.

Jacc-GardnerCitationSourdoreilleInterview

« Quel que soit le sentiment que tu ressens quand tu rêves, il existe aussi dans la réalité. C’est parce que je me sens la plupart du temps bien dans mes rêves que je préfère y vivre. » Jacco Gardner

Quels sont tes cauchemars les plus affreux ?

La plupart d’entre eux sont bizarres, mais pas nécessairement effrayants. Ceux-là remontent à quand j’étais un enfant.

OK, donc quels sont tes pires craintes dans la vie éveillée ?

Ma pire peur est de perdre mon identité et de ne pas pouvoir la retrouver à nouveau. C’est une chose qu’on peut perdre assez rapidement.

Quelles sont les autres formes d’hallucinations – à part les rêves – que tu as expérimentées dans la vie ?

J’ai pris des champignons hallucinogènes de nombreuses fois. Je n’ai pas vraiment eu d’hallus dans le sens où je n’ai pas vu des choses qui n’étaient pas déjà là avant, mais tout était différent. Chaque arbre avait quelque chose de magique comme dans un conte de fée, tout était joli. J’avais l’impression d’être dans un monde parfait, connecté, où tout est à sa place.

Jacco Gardner – Hypnophobia

La musique, dans la même veine que la drogue ou le rêve, permet de rentrer dans un état altéré ?

Evidemmment, la musique change notre mode de perception. Je joue beaucoup sur le fait qu’avec la musique, on peut contrôler nos émotions et leur donner une direction.

Dans quel état d’esprit te trouvais-tu quand tu as composé Hypnophobia ?

Je suis passé par plusieurs moods. Au début, j’étais incapable d’écrire quoi que ce soit et j’avais besoin d’avoir une nouvelle approche pour revenir à un processus créatif. Je me suis senti comme un explorateur au sein de moi-même.

Tu as déjà lu des ouvrages à propos du rêve ?

En quelque sorte, oui. J’avais un bouquin à propos des mystères, écrit par un Hollandais dans les 70s. Ça parlait des trous noirs, de certaines créatures et l’une d’entre elles évoquait les mystères autour des rêves. On te proposait certaines expérimentations, comme de tenir un objet dans la main avant de plonger dans le sommeil ou de penser fort à un escalier, etc. Très chouette.

Crédit photo : Wendy Redfern
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