Dans la catégorie des grosses performances lives des douze derniers mois, difficile de passer à côté de celles d’Hubert Lenoir. Starifié chez lui au Québec, il a repris les routes hexagonales pendant l’automne pour une série de concerts immanquables. Retour sur son parcours entre quelques coups de provocs, concerts mémorables mais surtout un disque qui a marqué ces deux dernières années.
On l’avait laissé dans le hall 3 d’un mois de décembre aux Trans Musicales de Rennes avant de le retrouver sous les chapiteaux de juillet à Dour. L’énergie est la même, la folie intacte et la musique toujours aussi belle. Celui qui procure autant de pogos que de frissons, Hubert Lenoir – Chiasson de son vrai nom – aura juste changé de coupe de cheveux.
Quand le natif de Québec débarque au mois de décembre 2018 en France, il est accompagné de ses cinq musiciens, mais surtout d’un superbe album Darlène, dans la valise. Un opéra qui oscille entre tubes pop-jazz-rock. Couronné de quatre Félix (l’ADISQ), les victoires de la musique québécoises, il arpente désormais les routes d’Europe. Qu’il connaît déjà. Car ses armes dans la musique ont été forgées avec un autre groupe, The Seasons. Alors âgé de 17 ans, une tournée de deux ans l’emmenait partout dans le monde. Un passage chez Taratata est d’ailleurs toujours disponible en ligne. 17 ans, tournée mondiale, premières parties de Louise Attaque. Précoce.
Né en 1994 à Québec, il grandit dans le quartier de Courville. Il pique les vêtements de ses parents, porte des vêtements de femme à l’école. Bref, il dénote de la normalité. Une scolarité difficile qu’il quitte de manière précipitée. Et entre quelques petits boulots, la musique permet au jeune Hubert de s’évader. Mais les bases sont là : extravagance, marginalité, liberté.
Cette liberté qu’Hubert Lenoir défend sur scène aujourd’hui, on la retrouve dans son album. Revenu de tournée avec The Seasons, il se met à écrire dans un moment de vide : « Je cherchais quelque chose de plus », expliquait-il dans une interview à Sud-Ouest. Un mélange des genres assumé dans cet album aux multiples inspirations : Prince, bien sûr, mais aussi Quincy Jones, ou Bashung. Un fabuleux melting pot qui permet aussi de mieux cerner la personnalité d’Hubert Lenoir, lui-même à la croisée des genres, « androgyne ». Littéralement : qui tient des deux sexes. « Au final, c’est plus que de porter des robes, de mettre du maquillage et de me dire non binaire. Ce que j’aime exprimer est l’étendue des possibilités et de notre liberté », explique-t-il à La Presse canadienne.
Hubert Lenoir a une force : allier son expérience vécue avec The Seasons et cette liberté ancrée dans son corps (avec une belle fleur de lys qui éjacule tatouée sur la fesse par exemple) et dans son esprit. Cela donne sur scène une certaine maîtrise qui n’exclut pas la folie, ou la démence. Quand il s’agit d’énerver la sécurité en grimpant sur les piliers de la scène, de brûler des papiers ou de reprendre « Seven Nation Army » alors que le show est fini depuis 5 minutes, Hubert Lenoir répond présent. Mais aussi et surtout quand il s’agit de slammer à coup sûr dans le public. Amusant d’ailleurs de lire que sur le rider d’Hubert Lenoir est inscrit : « Warning : this performance includes elements considered provocative such as : […] moshpits ». Traduire : cette performance inclut des éléments considérés commence provocants comme : […] des pogos. Pour l’histoire, cette feuille n’a pas été volée. Elle a été simplement récupérée sur le stand du merchandising sur lequel était inscrit le prix des disques, dans la seule optique de décorer mon appartement.
C’est sûrement ça qu’on adore chez Hubert Lenoir. Le don de venir dans n’importe quelle tenue, de finir forcément torse nu et de transmettre une folle énergie à son public. Pour résumer le personnage, un seul mot : « Fuck ». Dans la provoc, Hubert sait y faire. Qu’il s’agisse de sucer les Félix précédemment évoqués, en direct à la TV, ou de briser les étiquettes des genres auxquelles il refuse de se soumettre. S’il évoque une certaine timidité pendant sa jeunesse, Hubert Lenoir a acquis aujourd’hui la liberté qu’il revendique. Mais mieux que lire des choses sur lui, le mieux c’est d’aller le voir.
Crédits photo en une : Noémie Doyon
0 commentaire