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Hoorsees, une bulle pop-rock

Le désœuvrement a finalement du bon, tout comme ce second opus gentiment régressif, « A Superior Athlete », que propose le combo pop-rock Hoorsees. A une époque où, pour faire du rock, il est de bon ton d’être torturé, intello ou révolté, où la production artistique ne tient qu’à des états d’âme excessifs, faire dans la mesure peut parfois être mal compris. C’est pourtant ce que propose Hoorsees, avec ce titre un brin ironique.

Comme des postures, il en va également des mots. Comme ces mots à ne surtout pas associer, pop, un brin désuet, ne doit pas trop se rapprocher de la planète rock, qui fait montre de gravité. Or, le droit à la mélodie et à ne pas se prendre au sérieux, c’est tout le charme de l’album A Superior Athlete. Merci donc à ce groupe de copains (porté par Alex au chant, Thomas à la guitare, Nicolas à la batterie et Zoé à la basse) d’avoir fait ce petit pas de côté qui nous fait chantonner sous la douche… et nous fait du bien. Un peu comme les feel-good movies, Hoorsees nous met du baume au cœur avec ce feel-good album.

Ce groupe permet d’aborder la vie avec légèreté et autodérision. Comme ce dernier opus le laisse entendre, la société, son culte de la compétition, son goût de la performance et son lot de classements du meilleur… peuvent prêter à sourire dès lors que l’on regarde tout ça bien calé dans son canapé et que l’on décide de vivre sa vie par procuration. Sans savoir à se demander si c’est mal ou non.

Tromper l’ennui est la marque de fabrique de ces dix pépites qui renouvellent le format qu’avait proposé l’album bleu des Weezer : rendre chaque instrument mélodique à l’extrême jusqu’au tempo de batterie qui refuse la lourdeur et nous laisse prendre le temps d’apprécier la moiteur d’une après-midi d’été, comme le font les titres « A Superior Athlete » ou encore « A Real Estate ». Ces titres, tout en fraîcheur, se moquent bien des injonctions à faire plus de bruit et de saturation pour mieux ralentir le rythme, tout en gardant une certaine énergie. L’album A Superior Athlete sonne comme la bande-son idéale de vacances prolongées, écrit en situation de vacances forcées, confinement oblige.

Comme autant de saynètes, inspirées de séquences de films, de plus ou moins bon goût, les morceaux de ce second album retracent les petits riens qui font le sel de l’existence : la référence aux comédies potaches américaines, que l’on retrouve dans le tube en puissance « Week End At Bernie’s », est clairement affichée.

Ce moment charnière où l’on rêve à ce que pourrait être sa vie, avant de se lancer dans le grand bain, est le propre de l’adolescent désœuvré. L’expression anglaise « slacker », désignant de façon spécifique les grévistes puis de façon générale les tire-au-flanc, a permis dans le début des années 90 de désigner ce type de musique prétendument pour ado, le « slacker rock ». Les personnages de cet univers, au départ cinématographique (on pense au film de Jim Jarmush Permanent Vacation qui date de 1980), errent dans un monde bizarre auquel ils ne cherchent plus à trouver sens et encore moins issue. Le temps n’est plus à l’ambition comme dans les années 80, ni à l’engagement politique, on opte plutôt pour la désinvolture et une concentration sur le moment présent.

C’est cette retombée vers un univers où le dépassement de soi n’est plus la norme que raconte un titre comme « Jansport ». On écoute des CD, on se goinfre de TV, de films débiles et de chips « Cream & Onion ». Le monde des ratés qui, rêvant leur vie par procuration, cigares au bec, sur un parcours de golf, oublient qu’ils ont gardé leurs Converse. Cette façon d’observer le monde suffit à ne pas prendre ces stéréotypes, ces storytelling, trop au sérieux pour mieux éviter de sombrer dans la déprime.

Doucement nostalgique d’un monde où le temps s’étire à l’infini, avec ces mélodies minimales mais toujours diablement efficaces, avec seulement les riffs de guitare parfois pour réveiller de l’ennui, comme c’est le cas sur le titre « Memory’s Knife ». On se secoue un peu dans un son noisy pour se mettre au sport-co, toujours en Converse, et on rêve à la performance sportive, sans pourtant en avoir vraiment les moyens.

Ce temps du week-end prolongé appelle forcément une météo clémente, les références au temps californien qu’appelle ce style de musique sont tranquillement décalées et ces Parisiens ne peuvent se départir du toujours probable mauvais temps : c’est ce que chante le très bon morceau « I’m Wearing My Raincoat in Summer » . La nostalgie pouvant conduire à la véritable mélancolie, le quotidien se doit d’être léger et mis à distance. Hoorsees permet de ne garder que l’écume des choses. Ces petits riens que l’on retiendra de la vie ne seront, certes, pas de grandes victoires. Pourtant, ces minutes d’égarement loin des trophées, ces minutes si précieuses nous éloignent de la productivité et du rendement pour nous rendre humains.

C’est pourquoi Hoorsees réinvente le temps long avec ces voyelles qui s’étirent et qui sonnent comme un cri étouffé, afin de rappeler à l’ordre ce monde qui s’emballe.

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