Passé par les écuries de MCDE ou de Andy Hart, le producteur et claviériste australien Harvey Sutherland mélange jazz, house et disco pour obtenir une musique ultra raffinée et feel good. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la sortie de son nouvel EP « Expectations » et de son passage remarqué aux Nuits Sonores.
J’ai lu que tu avais choisi ton nom en référence au « claviériste dans un groupe dont personne ne se souvient », c’est vraiment comme ça que tu te vois ?
Oui, exactement. L’idée était de rendre hommage aux musiciens qui restent en arrière plan, qui soutiennent l’artiste. C’était un peu la revanche du geek qui a enfin son moment de gloire.
Mais justement, maintenant que tu joues en trio avec ton groupe Bermuda – avec le percussionniste Graeme Pogson et le guitariste Tamil Rogeon – tu as repris ta place de « sideman » en quelque sorte.
Voilà. Tamil, mon violoniste, est au milieu de la scène, c’est lui la star.
Ta musique est très organique. C’est ce que tu recherches en premier lorsque tu composes ?
J’écoute beaucoup de vieux albums de disco et de jazz, donc mon inclination naturelle va vers ces textures-là et ces instruments-là. Ensuite j’essaie de marier ça avec de la musique de club.
Les artistes travaillent souvent d’abord des versions studios et les adaptent pour leur live ensuite. Dans ta musique, j’ai l’impression que c’est l’inverse. Je me trompe ?
Je commence dans le studio à chercher des idées avec mon batteur. On joue, on improvise des trucs. Ensuite, on passe au processus de production, d’arrangement. Et enfin, on ramène ça en live pour jouer sur scène. Ça prend forme au fur et à mesure qu’on répète les morceaux. Les versions live sont donc différentes des versions studios, qui elles-mêmes sont différentes des premières versions live qu’on avait au début.
Sur scène, tu joues maintenant avec Bermuda. Participent-ils aussi à la composition ?
Oui, maintenant ils sont impliqués dans la composition. Ça me permet d’ouvrir mon projet à de nouvelles personnalités. Je suis toujours celui qui dirige mais les gars sont vraiment de très bons musiciens. Donc ça m’apporte beaucoup.
Et pourquoi avoir choisi un batteur et violoniste pour t’accompagner ?
Déjà je savais ce que je ne voulais pas avoir ! Je ne voulais pas de bassiste, par exemple, parce que je voulais que ça reste un projet « dance ». Je joue en live mais je veux garder l’esprit dj, et garder cette atmosphère de club. Avoir une basse séquencée – et rigide en quelque sorte – permet de garder cet esprit. Ensuite, pourquoi j’ai choisi un violoniste ? Tout simplement parce que Tamil est un ami et que c’est une excellent musicien. J’ai toujours eu envie de travailler avec lui. Un jour je lui ai demandé d’enregistrer des cordes pour un projet et il a accepté. Il n’a pas fait exactement ce que j’avais demandé, mais ça m’a plu.
À propos de tes influences, tu dirais que tu es plus un enfant de la musique électronique qui s’est ensuite intéressé à la soul, la funk ou le disco. C’est l’inverse ?
Tout ça fait partie d’un même monde, je ne les mets pas dans différentes catégories. Tout ça, c’est de la « dance music ». J’ai toujours écouté de la musique électronique mais j’ai aussi toujours joué du jazz. Donc ce que je fais aujourd’hui, c’est un mélange de tout ça. Et pour l’avenir j’aimerais bien continuer à explorer de nouveaux aspects de cette musique, peut-être en allant vers des choses plus jazz. En tant qu’artiste c’est important de sortir de sa zone de confort. Et puis de tout façon c’est ennuyeux de ne pas explorer de nouvelles choses.
Tu as créé ton propre label. Ça a changé ta façon de composer ?
En fait, j’ai créé le label après avoir composé la musique que j’ai sortie dessus. Donc ça n’a pas changé ma musique pour l’instant. Par contre ça a vraiment changé la façon dont je veux présenter les choses. Je travaille beaucoup avec un designer pour les visuels du label. Il apporte sa vision pour la direction artistique. Son travail est très minimaliste et je suis pas mal inspiré par cette esthétique en ce moment. Et puis tout ce que je fais aujourd’hui, je le fais en gardant les objectifs du label en tête.
Ça te permet aussi de travailler avec d’autres artistes, c’est quelque chose de nouveau pour toi ?
C’est en cours justement. Je suis en studio avec des artistes de Melbourne, je les aide à enregistrer leur album. Je travaille sur la production, le mix. C’est une nouvelle façon de faire de la musique, et ça me plait de guider des artistes sur le plan esthétique. Et puis ça me plaît aussi de ne pas être le centre du processus créatif, mais de simplement donner des idées et d’ajouter une petite touche personnelle.
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