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H-Burns : « J’aime me rapprocher du travail d’un romancier »

Son précédent disque, il l’avait enregistré à Chicago chez Steve Albini, l’homme au CV délirant (Nirvana, Pixies, PJ Harvey, etc). Quant à Night Moves, son sublime et lumineux nouvel album qui lance définitivement 2015, il a été produit par Rob Schnapf, à qui l’on doit les disques d’Elliott Smith. Il aurait pu être américain et même s’offrir les tournées mondiales que son talent mérite. Mais Renaud Brustlein, aka H-Burns, est français, vient de Romans-Sur-Isère et il est l’une des rares raisons d’être, un peu, patriote sur la mappemonde du rock. Rencontre avec un mec humble mais déterminé, qui a fait de son rêve américain une aventure réelle et naturelle.

Sais­-tu à quand remonte, gamin, ton premier souvenir lié aux Etats-Unis ?

(Il réfléchit longuement) C’est difficile à situer. J’ai toujours baigné dans cette culture américaine. Grâce à mes parents et aux disques qu’ils m’ont fait écouter, c’est devenu un tout dans ma pré-adolescence, ça m’a tout de suite attiré. C’était à la fois musical et géographique. Après, je ne suis pas dans une fascination totale. Fasciné par les Etats-Unis, je l’ai été. Non pas que je ne le sois plus aujourd’hui, mais c’est désormais devenu concret pour moi, avec le fait d’y travailler. Ce n’est pas comme y aller pour voyager. Par exemple, on est resté deux semaines à Chicago pour le disque précédent, mais on a bossé. Et quand tu es dans un studio, il pourrait être n’importe où dès lors que tu restes enfermé dedans. Cela n’a pas démystifié le tout, mais j’y suis surtout allé pour chercher des compétences humaines. En fait, le terrain de jeu que sont les villes me servait davantage pour l’écriture des textes.

Le précédent enregistrement avec Steve Albini, c’était à Chicago. Tu avais voulu t’imprégner de la ville avant d’entrer sans son studio. Là, Rob Schnapf était à Los Angeles. Le processus fut le même ? 

Oui, j’y suis resté un mois. Mais sur un mois, on est resté 23 jours en studio.

C’est beaucoup plus long qu’avec Albini, ça…

Ah oui, avec Albini, en 12 jours, tu as enregistré et mixé 18 titres.

Donc cette fois, tu es rentré rincé ?

Non, bizarrement. Je suis surtout rentré content. Il faut se faire au rythme de Los Angeles. Il y a une sorte de coolitude là-bas. Rien ne se passe avant 13 ou 14h. Par contre, à minuit, tu y es encore. Une fois que tu rentres dans ce rythme, tu es détendu.

H-Burns – Nowhere to be

Pour ton précédent disque, tu avais ce fantasme de bosser avec Steve Albini. Tu disais que le simple fait de vouloir travailler avec lui influençait tes compositions. Tu avais ce même fantasme particulier de collaborer avec Rob Schnapf ?

J’ai adoré ses disques, notamment ceux d’Elliott Smith. Either/Or est un disque de chevet, avec son côté faussement lo-fi. Tu as l’impression que les compos viennent de sa chambre. C’était le cas, d’ailleurs. J’aime l’idée d’amener en studio les morceaux composés chez toi, qui ne sont pas professionnels mais qui possèdent ce charme et cette intimité que tu ne peux pas avoir en studio. Construire ensuite autour de ça, c’était la bonne méthode pour ce nouveau disque. On y retrouve donc des prises de voix enregistrées chez moi. Mais tous les disques d’Elliott Smith sont imprégnés dans mon patrimoine musical. Et puis j’ai également découvert un artiste qui s’appelle AA Bondy. Son album Believers est absolument sublime. La production est folle. C’était exactement le genre d’ambiance que j’avais en tête. Et en cherchant à savoir qui avait produit ce disque, je revois le nom de Rob Schnapf derrière. Je me suis  dit : « OK, je dois bosser avec lui« .

Il a répondu facilement ?

Non, ça a été beaucoup plus long qu’avec Albini. Déjà, sur son site web, il n’y a pas de contact. Il a fallu établir le contact et ne pas être stressé. Le mec est Californien, il peut mettre un mois à répondre à tes mails. On a mis six mois à établir un véritable contact.

Ce qui t’a laissé le temps d’activer d’autres pistes, peut-être ?

Non, j’avais arrêté mon choix. J’aurais vécu toute autre piste comme un plan B. Et je n’aime pas les plans B. Ensuite, on s’est parlé. Il m’a demandé si j’étais près à passer jusqu’à deux mois sur place, pour aller au bout des chansons, sans être pressé par le temps. Bon, accepter de faire ça à Los Angeles, il y a pire… (rires)

Dans tes disques, il y a toujours un fil conducteur. We go way back était autobiographique. Sur le Off the map, le thème était la cartographie. Et là ?

En fait, c’est un fin mélange des deux. Il y a de la cartographie et de l’autobiographie. C’est presque une synthèse. Le processus d’écriture évolue au fil des disques. On trouve des trucs qui marchent. Les métaphores, ça aide. Mais le terre-à-terre, ça aide aussi. J’ai ses deux côtés-là. J’adore écrire de façon à y voir plusieurs niveaux de lecture. On peut y voir ce qu’on veut. D’un point de vue satellitaire, purement cartographique. Mais on peut aussi  y mettre de l’humain, si on le souhaite. Dans Off The Map, il y avait ça. C’est aussi ce que j’ai essayé de faire sur ce disque.

Aborder le seul côté autobiographique, cela te bloquait parfois ?

Non, car c’était assumé. C’était urgent et spontané, car il se passait des choses dans ma vie que j’avais besoin d’écrire. Là, je me sers des métaphores filées des catastrophes naturelles. Je m’y suis beaucoup intéressé pour faire ce disque. J’ai assisté à des séminaires là-dessus, car je voulais connaitre les termes techniques sur la sismologie, les tempêtes, etc. J’aime ça, car ça se rapproche du travail d’un romancier. Quand Houellebecq a  écrit « La carte et le territoire », il a étudié la cartographie et n’a pas copié-collé Wikipédia, comme on le lui reproche parfois. Ensuite tout à commencé à s’imbriquer. On enregistrait à Los Angeles, qui est quand même censé être rayée de la carte d’ici 30 ans car elles est installée sur une faille sismique. Et ma métaphore de catastrophe naturelle peut aussi s’appliquer à des histoires personnelles, à ce que j’ai vécu. Donc c’est au choix, mais tu peux voir Night Moves comme un pur disque météorologique si tu le souhaites (rires).

Donc ce n’est pas vraiment un disque en réaction au précédent, comme tu avais pu raisonner auparavant ?

(Il réfléchit) Il y a forcément un moment où tu te dis : « Que pourrai-je faire que je n’ai pas encore fait ? ». J’essaie surtout de ne pas tomber dans mes automatismes. Ce disque, je l’ai principalement composé au clavier, qui est loin d’être mon instrument premier. C’est une forme de contrainte à laquelle je me suis astreinte. Cela m’a attiré vers de nouvelles mélodies et c’est devenu la tessiture du disque. Chez moi, j’ai un petit orgue avec des sons de flûtes. Du coup, il y une sorte de tapis tout au long du disque.

Comme sur « Radar », par exemple. Avec ces synthés.

Oui. Et cela amène peut-être aussi la couleur plus pop de l’album. Mais c’est aussi une forme d’honnêteté vis-a-vis de l’outil de travail de départ, car le disque a été composé à partir de cet instrument. On n’allait pas virer les synthés et mettre des cuivres. Nowhere to be est ainsi car elle a initialement été composée avec une boite à rythmes et un synthé. C’est sa couleur d’origine, composée chez moi.

D’où l’envie de bosser avec ce Rob Schnapf, qui n’avait pas peur de cette matière première.

Voilà. Il ouvre toutes tes pistes et regarde celles qui ont du charme. C’est très pragmatique mais il a tout de suite une idée globale du morceau et de là où tu veux le mener. En deux secondes, il prend de la hauteur. Et en trois jours, tu vas au fond de la chanson.

H-Burns – Wolves

Comment Troy Von Balthazar atterrit sur le titre « Wolves » ?

C’est génial, c’est un accident. On a une très bonne amie en commun, qui vient de Valence comme moi. Elle vit à Los Angeles et elle est aussi guitariste de Cat Power. Je l’ai appelé quand on a loué une barraque là-bas avec les mecs de So Foot (NDLR : qui produisent ses disques via leur label Vietnam). On fait une fête pour célébrer notre arrivée et elle se pointe. Une heure après, Troy arrive avec son pack de bière et me dit qu’il passerait bien en studio. AA Bondy est également venu. Rob Schnapf avait apprécié que je l’appelle aussi pour l’un de ses disques les moins connus, car il a l’habitude qu’on le sollicite pour son travail avec Elliott Smith ou Beck. Il était étonné que je connaisse cet artiste là, qui est vendeur de planches de surf à Malibu. Rob l’a appelé et il a mis sa planche dans le pick-up pour venir au studio, en short et en tongs. J’étais là-bas en partie grâce à lui et il se retrouvait sur le disque… C’est le supplément d’âme. Ce sont de grands accidents. En plus, ce qu’il a apporté est vraiment super, notamment les nappes de guitares et ambiances sur « Night Moves » et « Radio Buzzing ». Et puis il est reparti faire du surf. (rires).

Par contre, après deux disques enregistrés aux Etats-Unis, une tournée  là-bas pour défendre tes disques là où ils sont nés, cela reste inaccessible malgré tes contacts ? 

C’est hyper compliqué. Il y a un océan entre faire un disque et y retourner pour le défendre. Le marché est tellement saturé de groupes. Les conditions sont très dures. Il faut être sur place. A Los Angeles, les groupes commencent à se faire connaitre grâce à leurs communautés. C’est une nébuleuse, d’Etat en Etat. Aller aux Etats-Unis pour faire bosser les gens, tu trouveras toujours. Mais y aller pour présenter un projet artistique, pour te faire connaitre, et accessoirement être payé pour ça, il faut oublier. On pourrait y aller si j’avais 10.000 euros de tour-support pour jouer en club. A moins d’être invité en première partie d’un autre groupe. Par contre, d’autres pays s’intéressent à nous, comme l’Allemagne. Pour la première fois, on va y aller défendre un disque. Il y a vrai coup à jouer.  Par contre, pour l’Angleterre, je reste prudent. C’est difficile là-bas, également.

Peut-être que certaines nouvelles sonorités présentes sur ce disque vont t’aider pour être repéré là-bas ? 

Malheureusement, j’ai cru comprendre, avec ma petite expérience, que les sonorités ne suffisaient pas. C’est un territoire complexe.

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