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Froth, l’écume du rock

Froth, ou la mousse en anglais. Celles des vagues de Californie qui vont et viennent sans cesse sur le sable chaud. Derrière ce nom se cachent aujourd’hui quatre gaillards (l’un d’entre eux a disparu, vite remplacé) venus des banlieues ennuyeuses du coin. Ils ont voulu vivre le grand rêve américain. Celui, bien connu, d’aller à Los Angeles, cette terre sainte du rock, berceau natal d’Hanni El Khatib et Fidlar, et de former un groupe. Retour sur les débuts parfois houleux d’une carrière qu’on leur espère longue et exponentielle.

Froth est un groupe difficile à cerner. Autant d’univers que d’albums, il n’a d’autre but que de brouiller les pistes. Son chanteur, Joo Joo Ashworth, a commencé l’aventure à 16 ans, à peine. A l’époque, pour se marrer et faire parler de leur groupe, ils distribuent des vinyles roses non gravés, lors de concerts qu’ils donnent dans leur jardin. Pas un morceau dessus, mais l’intention était déjà là. Un premier (vrai) album, Pattern, les a fait connaître de la scène rock californienne. On peut alors les voir aux côtés des Growlers ou des Allah-Las sur les affiches des festivals prisés de la côte ouest.

Puis Hedi Slimane, sorte de prophète de la musique indé, leur commande un morceau pour son défilé Saint-Laurent. « General Education » s’érige alors en hymne du lycéen flemmard et marginal tandis que des gringalets se pavanent en fringues de luxe dans un hangar. Froth comme La Femme a réussi à donner au défilé l’insouciance et le juvénile rock’n’roll si cher à la marque.

Pourtant à l’écoute de leurs débuts, les membres du groupe frémissent, « notre premier album sonne amateur, ça s’entend qu’on cherchait notre style » explique le bassiste, Jeremey Katz. Joo Joo surenchérit : « c’est comme regarder une photo de toi au collège, tu sens la honte t’envahir. » Voilà la raison pour laquelle Pattern n’est plus joué lors de leur concerts. Car c’est lorsque la bande fait de nouvelles chansons et qu’elle explore qu’elle est la plus heureuse.

Pourtant écrire de nouveaux morceaux n’est pas de tout repos, l’exigence du chanteur pour les paroles le rend souvent anxieux. « Parfois, plus t’essaies, plus c’est frustrant. Faire partie d’une scène comprenant Thee Oh Sees et Ty Segall qui pondent deux albums par an, ça fout pas mal la pression. T’as vite l’impression d’être fainéant. » Peut-être est-ce là la raison de leur éloignement de cette scène rock garage ?

Derrière leurs rires ingénus et communicatifs et leurs yeux brillants, difficile de deviner que leur train de vie offre aussi son lot de difficultés. « Nothing Baby » en est le témoignage, le clip de ce morceau montre le quotidien de Cameron Allen, le batteur. Celui-ci jongle actuellement entre deux petits boulots en plus d’être dans de nombreux groupes. Cette vidéo transpirant la solitude et l’ennui expose ces non-dits. À ce propos, Joo Joo explique : « on a beaucoup d’amis à Los Angeles, mais quand tu en as tant, peu sont ceux sur qui tu peux réellement compter. » Jeremy a pour sa part laissé toute une vie derrière lui en plongeant dans l’aventure. Il quitte un boulot stable dans la télévision alors qu’il a une femme et un enfant. À trente ans, il avoue que « parfois ça [le] fait flipper de voir si peu d’argent dans [son] compte en banque. » Embarras économique, solitude et anxiété font ainsi partie de leur quotidien mais s’il y a bien une parcelle qui n’est pas affectée par le doute, c’est sur leur carrière musicale : « on ne se demande jamais ce qu’on ferait d’autre parce qu’on sait que ça ne serait pas aussi bien. »

Seulement, les mauvaises expériences sont nombreuses. Pour eux, ce sont les meilleures. Elles les aide à apprécier les moments de succès. Portland par exemple : « on a creusé le fond de nos poches pour y aller. Personne n’est venu. Avec les autres groupes du line-up on a été payé 13$ pour la soirée. Un échec. » Ils en retiennent de bons moments et enchaînent leurs anecdotes gaiement. « Joo Joo cassait les cordes de sa guitare au bout de dix minutes de concert, donc ça devenait vite mauvais » déclame Jeremy tout sourire. Du haut de ses 16 ans, Joo Joo s’est aussi souvent retrouvé coincé dans les loges pendant que les autres buvaient des coups dans la salle. Il nous raconte ses stratagèmes pour contrer ces moments pénibles et nous rassure : depuis quelques mois, enfin, il a 21 ans. Il peut enfin se rattraper.

On connaît bien le cliché des histoires de troisième album comme celui de la maturité, mais il semblerait que Froth ne déroge pas à la règle. « On essaye juste de faire de meilleurs morceaux. Pas de plan spécifique. Jérémy assure, le sourire en coin, qu’il ne s’est jamais dit : « on va s’habiller comme ça et prendre une photo à Hollywood. On espère que ça va marcher comme ça. » Effectivement, si Outside (Briefly) n’a pas la couleur des premiers, il n’en reste pas moins juste, maîtrisé et ramassé. La voix de Joo Joo s’y fait d’une douceur de coton, les instru sont épurées et progressives. Froth entame un flirt avec la dream pop et ce n’est pas pour nous déplaire.

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