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Fred Nevché – « Valdevaqueros » & « Des Strikes » (Sessions + interview à Marseille)

La poésie vous émeut mais Verlaine vous déprime ? Fred Nevché a la solution. Avec ses chansons slamées en français dans le texte, il part en voyage à l’intérieur et à l’extérieur de son corps ce qui est, si l’on se projette, de l’ordre de la prouesse technique. Nevché tâte le paysage, se questionne pour vivre autrement. A l’occasion de son nouvel EP, on est allés chez lui à Marseille, dans le lieu culturel Montevideo, pour enregistrer deux titres : un nouveau « Des strikes » et un autre, le bien fameux « Valdevaqueros ». Et on vous a glissé une interview du bonhomme, histoire que vous captiez l’univers.

Peux-tu nous raconter comment tu as composé ton dernier disque Valdevaqueros ?

Tout est parti de l’envie d’arrêter les tournées après dix années magnifiques et bien remplies, me plonger dans un autre rythme et provoquer une forme de renouveau intérieur. Il y a eu d’abord l’écriture du poème « Décibel » dont est issu la chanson « Des strikes », puis rapidement le poème a donné lieu à des textes parallèles, qui ont conduit aux chansons de l’album «Valdevaqueros». Cela a pris trois ans de vie, des voyages aussi, au Québec, à Casablanca, puis à Marseille chez moi, souvent la nuit. J’ai ensuite appelé Martin Mey (Ghost of Christmas) pour le travail sur les voix. Puis Simon Henner (French79, Nasser) pour réaliser le disque.
Dès le départ, j’avais mené en parallèle une réflexion sur l’image, je me disais qu’aujourd’hui, le support de la musique, c’est l’image, les gens écoutent en majorité de la musique sur Youtube. J’avais envie de mettre l’ensemble en images, en film, en clips. Un court-métrage pour le poème, des clips pour les chansons. Pour cela, j’ai collaboré avec Vittorio Bettini et l’équipe de Transfuges qui ont produit et réalisé le court-métrage « Décibel » et les clips, formant en réalité un seul film, une même histoire qui traverse l’ensemble sans être particulièrement l’illustration du poème et des chansons. Une sorte de road movie en épisodes. Je cherchais quelque chose de suffisamment ouvert en terme de sens pour que chacun puisse imaginer son propre dénouement. Une sorte de puzzle à composer soi-même. En quelque sorte un miroir où chacun pourrait y trouver matière à rêveries, à souvenirs, à émotions. Le court métrage n’est actuellement visible que pendant mes concerts. Seuls les clips qui sortent en épisodes (on en est à l’épisode 8) sont visibles sur YouTube.

Valdevaqueros est le nom d’une plage andalouse. Peux-tu nous évoquer le souvenir lié à cette plage ?

J’y suis parti en vacances un été, après le bac, avec deux amis et la mère d’un des deux. C’était fantastique. On est descendu en voiture par l’autoroute de Marseille jusqu’à la pointe sud de l’Espagne, un vrai périple, une belle aventure, avec des rencontres marquantes, les premières nuits sur la plage, les dunes, les jours qui se lèvent, à refaire le monde. Beaucoup de situations aussi extrêmement ridicules et tellement drôles. Une crise de fou rire permanent. Ce qu’il s’est passé sur cette plage m’a apporté beaucoup de confiance en moi, beaucoup de libertés aussi, j’ai compris là-bas des choses qui, par la suite, allaient me permettre d’accomplir mon rêve de devenir musicien. Confirmer que tout cela était possible, qu’il fallait y croire, s’accrocher, travailler beaucoup, et puis vivre surtout, vivre au maximum. Je voulais rendre hommage à cette plage. Et de façon peut-être plus intime, cette évocation de l’Espagne m’a permis de rendre un autre hommage plus discret à mes origines espagnoles, celles de ma mère.

« Des Strikes » est issue de ton long poème Décibel, qui est en quelle que sorte ta déclaration d’amour à la vie. Cela traduit-il un changement intérieur par rapport à l’année dernière ou une juste continuité ?

Je ne sais pas. C’est vrai que ce bout de poème issu de «Décibel» offre une forme de déclaration. Celle dont tu parles me va bien. « Ode à la vie, ode à la poésie, ode à la parodie » comme le chantait Alain Bashung. J’ai l’impression que cela s’inscrit dans une continuité même si l’on rêve de chrysalide, au fond on ne fait peut-être que répéter, reformuler le propos de nos obsessions. Je ne sais pas. Dans tous les cas, en ce moment, c’est bien.

À l’heure où la poésie sous sa forme initiale n’a plus vraiment la côte, on a l’impression qu’elle a muté sous de multiples formes, pour certaines très intéressantes. Toi qui te situes dans cette veine, quel est ton regard sur les poésies sorties ces dernières années ?

Ahah, la poésie et la côte ! Vaste programme ! Je m’en fous un peu à vrai dire. J’aime aller voir les autres arts de la scène, le théâtre, la danse, le cirque, la performance, bref, et tous à leur façon proposent un travail sur le langage que l’on peut entendre comme poésie. Je suis le travail d’auteurs aussi différents que Ronan Chéneau, Christophe Fiat, Katia Bouchoueva, Joy Sorman, Eva Doumbia, c’est la littérature de toutes les langues françaises, venue du monde entier, qui m’intéresse, et il n’en manque pas. Le roman aussi est plein de vitalité poétique, je pense à Nicolas Mathieu ou encore à Simon et Capucine Johannin, il y en a tant d’autres aussi passionnants. Mais la lecture publique de la poésie ou de textes est très à la mode, non ? Partout on voit fleurir des festivals de littérature qui offrent aux auteurs l’occasion de lire leur texte. Lectures qui sont souvent accompagnées de croisements avec d’autres formes artistiques. Je pense notamment au festival « Le Goût des autres » au Havre, « Les correspondances » de Manosque ou « Oh les beaux jours » à Marseille. La poésie s’est étendue à la notion de texte aujourd’hui. J’ai toujours aimé comparer la poésie à Zorro, le cavalier justicier de la nuit, qui se cache le jour, dans le costume de l’homme de lettres pour ne pas être pris. La poésie, c’est Zorro !

La chanson « classique » comme on l’imagine n’a pas toujours été très tendre avec la modernisation de ses arrangements. L’utilisation de machines électro notamment. C’est de l’histoire ancienne maintenant, selon toi ?

Oui, ce débat n’a plus lieu d’être aujourd’hui, il y a énormément de vitalité et de liberté, et dans tous les styles. La chanson a muté en se renouvelant sous une multitude de formes. J’écoute énormément de rap, d’électro et tout le monde utilise le français sans complexe. C’est trop bien ce qui sort en ce moment. Je pense à des gens aussi différents que Flavien Berger, Malik Djoudi, Bertrand Belin, ou le groupe Catastrophe, ils démontrent tous que l’exigence autour des paroles, de leurs sons et de leurs sens, est essentielle, que la poésie est là, toujours. Dans le rap, que l’on parle de Booba, Orelsan, PNL, Nekfeu, Lomepal, Damso, L’or du commun, etc. j’en oublie beaucoup tant il y a de vitalité et de textes, surtout, de beaux textes. Il y a un amour de la langue dans chacun de ces artistes, c’est évident. Et le public répond présent. Que dire ? Il faut les écouter, les écouter tous, découvrir et faire son tri, aimer ce qui nous parle, nous transperce. Il y a vraiment le choix !

Ton œuvre est intrinsèquement liée à tes voyages, intérieurs et extérieurs. Comment, à l’ère du tourisme de masse – et loin de la figure beatnik du 20e siècle, tu conçois le voyage, ton voyage ?

Je suis aujourd’hui très embêté avec la question du voyage. J’ai eu la chance de beaucoup voyager grâce à la musique, et ces voyages ont donné lieu a beaucoup d’écritures, d’inspirations. Mes disques, ma vie, en portent la trace. Que le voyage soit géographique ou intérieur, le voyage, c’est pour moi, à la fois, la découverte de l’autre, du différent, – et cela m’a fait du bien, je l’ai d’ailleurs beaucoup recherché – et à la fois, la découverte de soi, de ses limites. Le voyage offre tellement, donne plus de libertés, plus de latitudes et permet d’apprendre. Souvent, on n’apprend pas là où on s’y attend. Mais aujourd’hui, le voyage pose une véritable question environnementale: traverser le monde pour un concert avec un bilan carbone déplorable ? On parle d’écologie, de climat, et ce serait pour choisir ses zones de confort et ne pas l’appliquer à tout ? Je me sens en porte à faux dans ma vie quotidienne, d’un côté mes petits gestes pour lutter contre l’industrie et sa pollution, de l’autre, des kilomètres en avion pour jouer de la musique… Certains artistes commence à franchir le pas, comme le chorégraphe Jérôme Bel qui a décidé de ne plus se déplacer en avion et faire jouer ses spectacles sans se déplacer, en employant des danseurs in situ, en utilisant Skype pour communiquer et créer. C’est à réfléchir. Cela offre de nouveaux horizons créatifs, et ça, ça m’intéresse. Il faut, de toute façon, se mobiliser aujourd’hui et de façon radicale, on en est là. Il faut sortir de la sinistrose, de la déprime, se défaire de la menace et de la stupidité de nos dirigeants, et offrir des solutions concrètes. C’est à nous de jouer, nous tous, pas que les artistes.

« Conçu comme un ensemble au moment de l’écriture, « Valdevaqueros » s’accompagne d’autant de clips que de chansons, et d’un poème visuel « Décibel » prenant la forme d’un film projeté sur scène.

Réalisation du film Décibel : Vittorio Bettini / Production exécutive : Transfuges

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Meyer-Denizet 02.10.2019

Le début est tellement inspiré du tube « Oxygène » d’Aout 1972…..

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