Même si « Take Me Out » reste un classique incontestable qui continue de hanter nos karaokés les plus fous, ça faisait un moment qu’on n’avait pas eu de nouvel album signé Franz Ferdinand. La sortie d’Always Ascending, cinquième album des Écossais, était donc l’occasion rêvée pour prendre le pouls de la machine à danser.
Vous êtes venus terminer votre nouvel album ici, à Paris, avec Philippe Zdar. Que recherchiez-vous dans cette collaboration ?
Alex: Le meilleur ! (rires)
Julian: Philippe était tout en haut de la liste des producteurs avec lesquels on voulait travailler.
Alex: J’aime beaucoup le son de ses albums. Ils sont tous différents mais ils sonnent tous très bien, ils me mettent de bonne humeur. Il a une très bonne connaissance et compréhension de l’histoire de la musique, et de l’évolution des choses. Il y toujours quelque chose qui sonne neuf dans ses albums. Il a l’habitude de la musique électronique, c’est un DJ, il sait comment on fait de la « dance music », et sur cet album on voulait faire ça avec un vrai groupe en prenant les principes de production de ce style, et en l’appliquant à notre groupe. Et puis, j’ai toujours pensé qu’on pourrait faire un grand album ensemble. Je lui ai envoyé un texto, et il a dit oui.
Donc dès le départ vous vouliez sonner plus électronique ?
Alex: Oui et non. C’est vrai qu’il y a des synthétiseurs mais je ne sais pas si « électronique » est le bon terme parce que ça sous-entend souvent que c’est programmé par ordinateur. Sur cet album il n’y a rien de programmé, tout est joué.
Julian: En écrivant nos morceaux, l’influence électronique est venue d’elle-même et le lien avec notre musique s’est fait naturellement.
Alex: Le plus important dans la musique qu’on fait c’est l’émotion qu’on peut transmettre et recevoir, le reste, c’est accessoire.
Votre album est décrit comme une « renaissance », dans quelle mesure est-ce une renaissance pour vous ?
Alex: Je dirais plus que c’est le commencement d’une nouvelle décennie. C’est une nouvelle ère dans la vie du groupe, notre album précédent était la fin d’une époque. Et maintenant on commence quelque chose de nouveau, avec un nouveau son, de nouvelles idées, une nouvelle attitude.
Après le départ de Nick, où avez-vous trouvé l’envie de continuer le projet Franz Ferdinand ?
Alex: L’idée d’arrêter ne nous à pas effleuré l’esprit, on continue parce qu’on en a envie.
À vous écouter, j’ai l’impression que le processus de création de cet album est très différent des précédents. Vous confirmez ?
Alex: Certaines choses sont restées, on essaye toujours de faire de la musique pour danser avec de la performance live. En revanche c’est vrai qu’il y a plein de petites décisions qui ont rendu le résultat final différent. Par exemple, la construction en 5/4 de « Lazy Boy », la modulation dans « Feel The Love Go », la progression d’accords sans fin dans « Always Ascending », tout ça, ce sont des choses qu’on n’avait jamais fait avant. Donc je ne dirai pas que le processus de création était totalement différent mais il y a des milliers des petites décisions qui ont été nouvelles pour nous.
C’est un petit peu la démarche inverse que celle de l’album précédent.
Alex: Exactement, sur Right Thoughts, Right Words, Right Action, on voulait que ça sonne vraiment comme du Franz Ferdinand. C’était la conclusion de notre première décennie, et c’était très bien, mais pour Always Ascending on voulait changer.
Diriez-vous que cet album est plus expérimental pour vous ?
Alex: Oui et non, encore une fois. Je dirais qu’il est experimental car il y a plein de choses qu’on n’entendait pas sur nos albums précédents. Mais si je dis que cet album est experimental, les gens vont s’attendre à un album difficile à écouter. Bien sûr on expérimente tout le temps, on essaye de faire des choses nouvelles, mais on veut juste que les gens dansent dessus sans faire attention aux détails. Pour résumer : on est très intelligents mais on ne veut pas que vous vous en rendiez compte. (rires)
Julian, comment s’est passé ton intégration dans le groupe ?
Julian: Cela fait très longtemps que je joue de la musique de mon coté, c’est comme ça qu’on s’est rencontrés d’ailleurs. Quand on a commencé à travailler ensemble je ne m’attendais à rien, je voulais prendre les choses comme elles venaient. Je ne me disais pas : « Je fais partie de Franz Ferdinand, et c’est comme ça qu’on joue dans Franz Ferdinand« . J’ai rencontré des gens très intéressants, des bons musiciens, qui essayaient de faire de la pop qui sonne bien, et c’est tout. J’ai essayé de réagir à ça aussi naturellement que possible.
Qu’est-ce qui était nouveau pour toi dans le fait d’appartenir à un groupe ?
Julian: Je n’avais jamais fait partie d’un groupe, mais je me suis pas du tout senti intimidé. Alex est très flexible par rapport à ses idées, et ça a été une bonne leçon pour moi.
Et de ton point de vue, Alex ?
Alex: Faire partie d’un groupe c’est comme être dans un gang ou être dans une meute de chiens. J’aime beaucoup la musique de Julian, il y a une fraîcheur et une émotion très intéressante. Je cherchais quelqu’un avec assez de confiance en lui pour exprimer ses idées, et Julian avait assez d’expérience pour ça.
Après le départ de Nick, vous ne vous êtes pas dit que vous pourriez continuer à trois ?
Alex: Je me suis posé la question, ça arrive à de nombreux groupes. Interpol par exemple, ils ont continué avec trois membres principaux et ils ont ajouté deux autres membres mais ils sont très en retrait. Moi je ne voulais pas de ça, t’es dans le groupe ou non, mais il n’y a pas d’entre-deux. Et si t’es dans le groupe, tu dois y être à 100%.
On voit bien que beaucoup de choses ont changé pour vous avec ce nouvel album, nouveaux membres, nouveau producteur, nouvelle ambition, donc qu’est-ce qui fait de cet album un album de Franz Ferdinand ?
Alex: C’est écrit dessus… (rires) Et puis l’ADN ne Franz Ferdinand est toujours là, c’est toujours ma voix, c’est toujours la même façon de penser. Quand j’étais gamin, j’étais obsédé par les Beatles, comme beaucoup de gens, et j’ai toujours été frappé par l’énorme diversité de leur musique. Si tu prends « Help » et « Abbey Road », ce sont des univers différents, et pourtant c’est bien les Beatles, aucun doute là-dessus, ça sonne comme les Beatles. Donc nous c’est un peu pareil, c’est différent mais c’est toujours Franz Ferdinand.
Votre album est aussi décrit comme « simultanément futuriste et naturaliste », comment avez vous travaillé cette dualité ?
Julian: Je pense que le fait de tout enregistrer en live joue un grand rôle là-dedans. Quand on était en studio en Écosse, on a énormément répété les morceaux, jusqu’à ce qu’on les enregistre à Londres. On voulait que tout soit joué, c’est une façon un peu old school de travailler mais c’était vraiment important pour nous d’avoir ce coté humain malgré les sonorités un peu futuristes.
Alex: L’autre jour je discutais avec Felix White, ancien chanteur des Maccabees, et il m’a dit quelque chose de très intéressant – je ne sais pas si c’est de lui ou s’il l’a piqué à quelqu’un – : « Quand tu fais un album, tu l’enregistres et après tu passes un an à apprendre comment le jouer en tournée« . Et pour nous la clé est là, parce qu’on n’a fait l’inverse. On a écrit un album, sans l’enregistrer, ensuite en a passé un an à apprendre comment le jouer, et enfin on l’a enregistré. Felix a raison, à la fin d’une tournée les groupes sont devenus vraiment très bons avec leurs morceaux, et c’est souvent très loin du son de leur album. Mais nous on ne voulait pas ça, on voulait être bon dès l’enregistrement. Et d’ailleurs, c’est souvent pour ça que les premiers albums des groupes sont si bons, c’est parce qu’ils jouent leurs morceaux depuis très longtemps. Tout ça pour dire que cette façon de faire nous a permis d’enregistrer les morceaux de manière très naturelle.
Si je comprends bien, vous n’avez même pas besoin de préparer votre tournée, tout est déjà en place.
Alex: C’est facile pour nous maintenant. On avait l’habitude de prendre au moins semaine entière pour répéter et apprendre à jouer les morceaux avant les premières dates. Donc cette fois-ci on a fait pareil, on a réservé une semaine en studio, mais à la fin du premier jour, on s’est vraiment demandé ce qu’on foutait là, et ce qu’on allait bien pouvoir faire pendant le reste de la semaine.
Julian: On est un vrai groupe live, on joue tout, donc chaque concert est différent, et on enrichit notre musique comme ça.
Alex: Aujourd’hui la majorité des groupes jouent par dessus une bande, mais ok, c’est leur décision. Mais c’est une mauvaise décision… (rires) C’est le meilleur moyen pour avoir l’air d’un con dès que quelque chose se passe mal.
L’année dernière vous avez sorti « Demagogue » qui était directement lié à l’actualité et à la politique, mais dans cet album je n’ai pas trouvé beaucoup de propos politiques.
Alex: Il y en a pourtant, même si ce n’est pas aussi explicite que dans « Demagogue ». Si tu prends « The Academy Award », le refrain fait vraiment référence à des situations politiques contemporaines, notamment sur la sécurité sociale aux États-Unis où Trump est en train de détruire ce qu’Obama avait essayé de faire. Pour moi la sécurité sociale est la base de la civilisation, la société doit prendre soin de chacun. Donc quand on voit ça, on peut se demander si les États-Unis sont vraiment civilisés…
Tournée Franz Ferdinand
– 27 février : Zénith de Paris
– 19 mars : Zénith de Toulouse
– 20 mars : Zénith Sud à Montpellier
– 21 mars : Amphi 3000 à Lyon
– 23 mars : Liberté à Rennes
– 24 mars : Zénith de Caen
Crédits photo en une : DR
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