L’association Fairplaylist a décidé de s’attaquer à une tâche de titan : tenter de rendre le marché musical plus éthique, avec ses règles de bonne conduite certes élémentaires, mais largement oubliées par un pan entier d’une profession qui s’oublie parfois dans les seules contraintes de la rentabilité. Interview.
Quels sont les missions premières de Fairplaylist ?
Notre association a été créée en 2003 et a pour but de soutenir la création et la diversité musicales. Pour remplir cette mission, il nous apparaît indispensable de co-constuire une filière musicale plus éthique et plus solidaire, qui permette à chaque acteur de s’exprimer de manière autonome et de vivre de son métier. Ainsi, nous agissons à l’échelle de la filière, fédérons les initiatives éthiques et solidaires, expérimentons de nouvelles manières de produire et distribuer la musique, sensibilisons les pros et le grand public à l’économie sociale et solidaire. C’est un travail de longue haleine.
Qu’entendez-vous par musique solidaire ?
La musique solidaire, entre autres exemples, c’est quand l’artiste touche plus de 0,70€ sur un CD vendu 17€ à la FNAC ! C’est aussi quand des têtes d’affiches du Festival de Ménilmontant comme Sanseverino acceptent de toucher sensiblement le même cachet que les artistes en train d’éclore. Ou encore, c’est quand les salles acceptent de partager les risques et ne se contentent pas de faire une simple location.
Quelles formes concrètes prend au quotidien cet engagement, aussi artistique que politique ?
Notre engagement passe par une programmation éclectique qui tente de sortir des sentiers battus, avec aussi bien des artistes en développement que des pointures. Tous sont invités à s’engager et à rejoindre le réseau Fairplaylist. Et concrètement, on a mis en place une charte centrée sur le disque, qui va être élargie aux concerts et au numérique. Les acteurs qui la signent acceptent de respecter des critères de transparence économique, de gouvernance, de respect de l’environnement, etc. Au-delà de ça, c’est discuter avec un maximum de personnes, pros, politiques ou spectateurs et les sensibiliser, leur montrer que d’autres modèles sont possibles.
Comment fonctionne ce projet de plate-forme numérique éthique et solidaire ?
Il s’agit d’un site web (music-ethic.org) qui sert de centre de ressources sur les questions de musique éthique et solidaire: base de données d’acteurs, partage de bonne pratiques, débats. Chacun crée son espace perso, répond à un questionnaire pour évaluer ses pratiques et peut ensuite voir les pratiques des autres, participer aux échanges, etc. La plate-forme existe mais a besoin d’un animateur; ça arrive!
Vous semblez très attachés à la notion de transparence dans les relations nouées dans la filière musicale. Contre quels types de dérives luttez-vous ?
Par exemple, il semble y avoir une incohérence dans la politique de soutien public à certaines structures qui, malgré des aides financières importantes, proposent des conditions de mise à disposition d’espace très dures à des associations moins bien loties. Autre exemple, les nouveaux modèles économiques du streaming et le déséquilibre assez injuste dans la répartition des droits entre majors qui contrôlent ces droits et labels indés qui prennent des vrais risques pour soutenir de nouveaux talents.
Parlez-nous un peu de votre évènement, le festival de Ménilmontant (photo).
Au printemps et à l’automne, c’est un évènement qui depuis cinq ans s’inspire de l’histoire culturelle riche d’un quartier magique pour allier musique, fête, débat, développement durable et bonne bouffe (c’est à dire bio et équitable!) avec plein de gens formidables, artistes, salles, coopératives, spectateurs fidèles derrière une même cause. Notre festival est devenu un concept et ne cesse de grandir. Figurez-vous que maintenant, on trouve le festival de Ménilmontant à Nice et à Marseille !
Quel premier bilan tirez-vous de vos actions ? Quels blocages rencontrez-vous ?
Fairplaylist a eu la force d’expérimenter sans cesse et de rallier un véritable réseau d’acteurs. Le monde de la musique ou celui de l’ESS nous connaissent et nous considèrent à présent comme des référents sur les questions de musique éthique et solidaire. Nous en sommes très fiers mais ce n’est pas suffisant. Nous voulons continuer à faire bouger les lignes, à convaincre les politiques et acteurs importants de la filière. A part les blocages habituels du type manque de ressources, nous pensons qu’il n’y a pas véritablement de blocages, seulement des défis à surmonter !
Ça c’est un article qu’il est bien.