Embarquée du Portugal vers la Belgique, Blu Samu exprime ses mélancolies et ses névroses avec ses cordes vocales. Et puisqu’il n’y a pas besoin de crier pour raconter ses peines, elle a choisi de les exposer aussi crument que calmement, bercée par des instrus funk, hip hop et jazz. Mots doux.
On rattache souvent son entrée dans la musique d’un artiste à un souvenir précis. A chaque découverte musicale sa petite histoire. Un concert imprévu, une confession sur canapé, un texto auto-envoyé, un conseil d’un blog de passionné·e·s.
La découverte de Blu Samu s’est faite pour notre équipe dans ce qu’on appelait encore en Deux Mille Dix Neuf (ère : Antiquité pré-streaming global) un festival de musique. Logé aux Pays-Bas, Eurosonic éclatait par son talent de découvreur de talents émergents. Sorte de réponse à nos Trans Musicales rennaises, il saupoudrait sa prog d’artistes tellement varié·e·s qu’elle pourrait donner le tournis à une bouillabaisse.
Chanceux·ses de pouvoir couvrir à l’écrit et en vidéo l’événement pendant 6 ans, nous nous sommes aventuré·e·s édition après édition dans les méandres d’une multitude d’artistes pas encore dans les radars de l’industrie. Parmi elleux, une artiste fière qui semblait jongler avec les mots et les styles, comme si elle avait digéré 50 ans de jazz, soul, funk, rap et plus encore.
From fado to fricadelles
Salomé Dos Santos passe son enfance au Portugal. Autour d’elle des femmes « fortes » comme elle le confiera par la suite, qui lui serviront de modèles bienveillants. On y joue du fado, mélancolie musicale tellement enracinée dans la culture traditionnelle qu’elle en irrigue le sang de ses artistes depuis deux siècles.
C’est ensuite le voyage pour Anvers, en Flandre, pour y rejoindre sa mère. Dans cette Belgique qui voit l’enfant devenir une ado geek, curieuse et fans de cartoons, elle partage avec maman le goût pour les hits du moment. Sting, Black Eyed Peas et consorts trustent les charts et sont compilés dans des albums annuels… du meilleur goût. Et si tout ça vous apparaît très lointain, c’est simplement parce que le printemps 2020 ayant été supprimé, vous n’avez toujours pas pu écouter le tube estival de Magic System. Mais en réalité, pour Blu Samu, les premières pierres posées sur le chantier de la création arrivent lorsqu’elle découvre, sur le tard, les alliances ô combien logiques de la soul et du hip hop, mais aussi dans ses accents jazz et funk. Par le biais d’un pote, à qui il faudrait penser à payer un coup à l’occasion, débarquent dans sa vie, éclatants de style, les Mos Def, Jean Grae, Lauryn Hill, les Fugees, The Underachievers, Rejjie Snow.
L’artiste chante depuis toujours. A ses 18 ans, époque pendant laquelle elle joue dans des mariages pour se faire son pécule, elle commence à écrire ses propres chansons. Mais c’est avec la poésie rappée, soutenue par les rythmes, qu’elle trouve sa marque, son malin plaisir, son médium rêvé. Et même si la chanson accompagne souvent ses morceaux, elle basera l’essentiel de ses lyrics sur son flow. Parallèlement, l’artiste bidouille sur son ordi lui servant de home studio mais aussi de station de montage, et s’occupe ainsi de la production de vidéos. A ce moment-là, on doit notamment à l’artiste d’avoir appris plusieurs chansons de la chanteuse Sade à laquelle elle rendra plus tard hommage dans « Sade Blu ».
L’ado émancipée deviendra bientôt Bruxelloise aguerrie (voir ci-dessous le clip de « I Run » qui illustre très bien cette époque), aidée surtout par sa colloc avec le 77. Ce groupe de rap bruxellois composé de Fele Flingue, Peet, Morgan, Rayan et Kesar, constituera ce qu’elle appellera « une véritable famille de substitution ». Très influencée par les prods et la philosophie du collectif, elle collaborera beaucoup avec. Suffisamment pour qu’ils constituent une large part de sa patte musicale. Cette « famille », son chemin dans Bruxelles, lui donnent aussi une confiance qui lui manquait jusque-là. Alors, on ne va pas vous faire le coup de la thérapie musicale brandie par les médias qui ont sauté sur l’occasion de la punchline facile, mais cette période a eu l’air de lui faire un bien fou. Pour Fip, elle dira à ce propos : « Je pense que j’ai surtout guéri de cette manie que j’avais de garder les choses pour moi-même. J’ai trouvé dans le rap une porte de sortie où je pouvais exprimer tout ce chaos qu’il y avait à l’époque dans ma vie, en l’écrivant dans des chansons. » Allez, on leur accorde leur titre.
Pour aller plus loin
Finissons-en pour la partie Wikipédia, et place à la passion. Blu Samu a régalé tellement de moments de vie qu’elle a droit à un peu plus qu’une presque bio mal ficelée.
Prods lancinantes et voix tantôt traînante tantôt précise, la musique de l’artiste est un baume bienvenu. Alors, on n’invente pas le fil à couper le beurre non plus, mais qui lui demandait ? Faute de répondre à l’injonction de toujours innover, elle a au moins le mérite de maîtriser parfaitement les codes du groove. Et si le Vingt et Unième siècle ressemble à s’y méprendre à un salon funky sous codéine, elle nous propose une musique populaire et hautement satisfaisante. Ses concerts apparaissent à nos souvenirs comme des moments d’échanges intenses et chaleureux, étrange sentiment de nostalgie. Génération de retraités, vous dites ? OK. Encore et encore, on écoutera Blu Samu.
On vous laisse sur cette session tournée la veille du confinement, en à peine une heure ou deux de répète.
Photo en une : DR
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