Cela fait des années qu’on cherchait frénétiquement la rave la plus folle de cette planète. Ou plutôt, le spot le plus incroyable pour danser jusqu’à l’épuisement. Et puis le nom de « Son Dong » est arrivé à nos oreilles. Il existerait une grotte gigantesque, du côté du parc de Phon Nha-Ke Ban, au Vietnam, qui abriterait une rave éternelle. On a bouclé notre sac à dos en quelques minutes direction l’Asie du sud est. Passez nous voir, on y est toujours, personne n’a prévu de siffler un jour la fin de l’after.
Ceci est une fiction, l’épisode 2 est ici.
Le trajet d’Ho-Chi Minh jusqu’à Dong Hoi nous a un peu crevés. Nos petits poumons d’Européens ne sont pas tellement habitués à la chaleur humide de la saison de la mousson. Nous avions pourtant scrupuleusement écouté plusieurs fois le message de l’infoline, enregistré en Vietnamien et en piètre qualité : il fallait marcher vers le nord ouest, jusqu’à cette butte surplombant la forêt.
De là, on apercevrait l’entrée de « Son Dong », tapie dans la végétation. Durant l’ascension, Anyong nous avait conté l’histoire de cette grotte, sans doute l’une des plus grandes au monde. Un matin de 1991, un paysan l’avait découverte, mais effrayé par le bruit de l’eau qui coulait dans ses entrailles, il avait rebroussé chemin sans même y entrer. Ce n’est qu’en 2009 qu’un groupe de scientifiques y a pénétré, et découvert ce qui est devenu la plus grande grotte au monde. Cinq kilomètres de profondeur, 150 mètres de large, et un écosystème bien particulier.
Après quatre heures de marche, l’entrée de Son Dong se dessine enfin à travers la verdure. Un étrange calme règne, seul les bruissements des palétuviers trouble la quiétude des lieux. Anyong nous fait patienter ; l’un des maîtres de la grotte, instigateur de la rave, doit venir nous chercher. Trois minutes plus tard, le bout de sa trogne sort des buissons. Le visage pailleté, déguisé en flamand rose, San Proper nous souhaite la bienvenue. En guise de cadeau, il nous offre de petites baies roses au goût d’arbousier.
Il nous faut encore serpenter une demie-heure dans la jungle avant de parvenir sous la voûte. Facile d’imaginer que le petit paysan ait pu craindre d’être avalé tout cru par Son Dong. De gigantesques lianes de plusieurs dizaines de mètres barrent l’accès, et on ne distingue pas grand-chose au fond de la grotte, grignotée par des plantes mesurant la taille d’un immeuble. Au loin, on entend des basses qui grondent sous les tonnes roches suintantes qui dominent nos frêles créatures. Le cœur de la Terre semble si près.
« Déshabillez vous ici, nous conseille San Proper. Vous verrez, les vêtements qu’on a confectionnés en bas sont tellement plus agréables ! » En bas ? « Oui, il va falloir s’accrocher à une corde et descendre en rappel sur 80 mètres à travers les arbres ». On s’est alors tous foutu à poil, là, au milieu d’hectares de forêt presque vierge.
Nos meilleurs souvenirs de rave reviennent illuminer nos pensées. Des petits matins au Sisyphos à Berlin, ou dans la cour du manoir de Keroual, à dire bonjour ou au revoir au soleil – on ne sait plus trop. Dans ces moments suspendus, on a toujours rêvé de quitter la civilisation pour aller parler aux plantes, s’étonner devant le plumage coloré d’un oiseau qui se pose devant vous, échanger avec un insecte forcément muet, se regarder dans le blanc des yeux avec cette insignifiante petite pâquerette. Alors quand on s’est retrouvés dans ces baudriers roses avec plus de 80 mètres de vide sous nos pieds, au-dessus de la forêt grouillante de Son Dong bercée par ces basses lointaines, on a ri un peu jaune quand San Proper nous a léché l’oreille en nous invitant à commencer la descente en rappel. Sans vraiment savoir ce qui nous attendait plus bas.
A suivre : épisode 2
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