Un frisson parcourt le dos du plaignant. Son dos est marqué par les projets réussis ou enterrés, par les festivals qu’il a squattés, par sa fâcheuse habitude de dormir dans des campings foireux à raison d’une fois par mois, depuis dix putain d’années, le tout sur son matelas gonflable qu’il n’a, à ce jour, toujours pas eu la bonne idée de gonfler. Ses yeux mi-clos et humidifiés lui rappellent ces innombrables nuits où il a raconté à son pote à quel point il l’aimait alors qu’il le voit chaque jour que Mère Nature a fait. Rideau levé.
Au lieu de présenter Sourdoreille comme on a l’habitude de le faire « Sourdoreille est un média d’humeurs musicales… » Mais ta gueule ! Autant vraiment se mettre tout nu.
Sourdoreille, c’est une bande de mecs et de meufs sympas (quoi ?) dont les principaux sujets de discussion sont la musique, la teuf et les lendemains qui chantent. Le festival est notre fief, car il permet aisément notre réunion. La bière et les tubes de pop ont par la suite suffi à créer des amitiés.
Ensemble et pour notre unique plaisir, nous démarrons en 2006 par la distribution de petits reportages écrits et d’anecdotes en festival, couchés sur du papier et distribués au public. Fiers de cette expérience, une question se pose : « Pourquoi ne pas montrer nos humeurs toute l’année sur le web ? » Habile. Très habile. Et un peu mégalo, forcément. La même année, sourdoreille.over-blog voit le jour et notre street cred monte à 4000 points.
Viendra ensuite l’émission de télé avec-un-vrai-plateau-et-tout, « L’Artiste Sourdoreille ». Une espèce de Taratata low cost, pour défendre coûte que coûte nos petits groupes émergents chéris. Et oui, jeune adolescent Youtubovore, à l’époque, les contenus vidéos online ne courent pas les rues. Cette émission restera marquée par notre refus d’accueillir l’émergent groupe The Dø parce que « c’est sûr que ça va marcher mais nous on n’est pas comme ça… » On s’est mordus quelques phalanges quand même.
Dès 2008, Sourdoreille partira enfin tourner des vidéos en concert ou en festival et continuera à le faire jusqu’à aujourd’hui : interviews, ambiances, lives, acoustiques. Certains membres de l’équipe n’hésiteront pas à se faire accréditer par la Jeunesse Ouvrière Chrétienne pour rentrer sans raquer. Les filous de l’accred. Moche.
2016, quarante festivals plus tard. Le média est toujours debout et a dit depuis longtemps au revoir à Over Blog (salut la plèbe). Toujours aucune pub, pas d’arche de triomphe publicitaire ni de Noé, pas de monétisation de nos vidéos, que de la pop, pas de pop-ups, un peu de nouvelles technologies, beaucoup de techno. On cause toujours à qui veut l’entendre de Jason Lytle, Moderat, Gojira et Action Bronson dans la même journée.
MySpace et les forums sur lesquels on chinait comme des fouines les prog des Charrues ou des Eurocks pour les balancer avant tout le monde sont déjà de l’histoire ancienne, Facebook a droit de vie ou de mort d’une minute à l’autre sur nous et, aujourd’hui, l’heure est à la surrenchère de vidéos musique en ligne. Réinventer constamment Sourdoreille dans le secteur musical et audiovisuel n’est pas tant une façon pour nous d’être fondamentalement différents des autres. C’est une nécessité et un plaisir.
C’est pourquoi, avec notre ton un peu branleur, nos sales manies, notre ligne éditoriale tordue, notre goût prononcé pour la techno qui casse des murs, le rock qui tâche, le hip-hop du futur, la chanson française avec de vrais textes et la folk hypra-déprimante, nous essayons de traduire un sentiment qui nous anime par dessus tout, c’est qu’il ne sert à rien de parler de musique si ce n’est avec ses tripes. Si la musique n’est pas un sujet complètement sérieux, elle n’est pas une vanne non plus. Vive la France et vive la République.
Rideau baissé. Mais relevé juste après. Parce qu’après, il y a after.
LE CREW
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