Sentir la sueur d’un cypher en ébullition se mélanger à celle d’un graffeur à cinq minutes de rentrer dans un dépôt de métros de la RATP, ça arrive souvent quand on discute avec le Rennais DJ Marrrtin. Si on ajoute à ce début de parcours dans la peinture vandale vingt-cinq ans à faire de la musique avec des productions et des projets aiguisés comme ma flemme, on a une B.O parfaite pour se refaire le film d’une vie où ces deux mondes se confondent en permanence et où l’empirisme est en tête d’affiche.
« Je connaissais un mec qui allait peindre avec un calibre ! C’était à la période où la RATP attachait des chiens pour protéger les dépôts, notamment ceux qui n’ont qu’une seule voie pour y accéder ! Ils étaient au bout d’une grande chaîne pour empêcher les graffeurs de rentrer et face à des mecs bien timbrés, le chien ne ressortait pas toujours vivant ! »
Derrière ses lunettes rondes, sa barbe grisonnante de quadragénaire et malgré une mémoire élaguée par la weed, DJ Marrrtin ne fait jamais le radin niveau histoires du Paris souterrain des années 90/début 2000. De Gennevilliers à Rennes, du graffiti au break dance, de la soul, la funk, le rap, les samples d’obscurs disques indiens à la house, de la production de ses propres sons, seul ou avec Funky Bijou, Lord Paramour, ou Aktshun, à la production d’artistes comme Estrada Orchestra, The Selenites Band ou Medline sur son label/collectif Stereophonk, ou des Red Bull BC One à la musique à l’image, on est clairement sur le profil d’une personne hyperactive.
Avant de faire tout ça (et dans le même temps l’éducation musicale de pas mal de diggers et de DJ de l’ouest de la France, à travers notamment les soirées Aerosoul puis Stereophonk à l’UBU), son énergie, il la mettait dans la décoration de trains et métros parisiens sous le nom de Dezer. Parlant comme il range sa cuisine, c’est-à-dire sans aucune organisation, à chacune de nos rencontres, il digresse, fait des apartés, revient au sujet avant de repartir sur une histoire qui n’a rien à voir, rebondissant sur un mot de la phrase précédente qui vient d’ouvrir un nouveau tiroir dans sa tête.
Taggez-moi !
En écrivant ces quelques phrases, comme je navigue toujours à vue, je me demande comment je vais réussir à parler de lui sans transformer l’article en une liste de noms et de projets aussi indigestes que du pain dans du pain. Les yeux perdus sur une cafetière qui mérite un coup d’éponge depuis trop longtemps déjà et où tombe un café qui offrirait au peuple italien une raison valable de m’en crever un, je me dis qu’après tout je fais ce que je veux ! Je laverais cette cafetière quand j’en aurais envie. Peut-être qu’un jour, des drones de chez Nespresso viendront me faire chier jusque dans ma cuisine pour ça, mais pour l’instant, je suis encore chez moi.
« Je n’étais pas ‘caillera’ mais comme je suis le produit de mon environnement, j’avais ce côté débrouillard », DJ Marrrtin
Comme le bordel dans son appart’ rennais, DJ Marrrtin semble être partout et on n’aurait pas assez d’un article pour en parler ! Plutôt du genre à mener ma barque (on vient de le voir avec cette histoire de cafetière), j’ai envie de me concentrer sur ses débuts, sur ce qui a fait évoluer l’organisation de ses journées, le faisant passer des dépôts de trains et métros aux bacs de disques et aux cyphers, voir comment il croise les codes de ces deux disciplines et de quelle manière le graffiti fait des apparitions régulières, tant sur le fond que sur la forme, dans son travail. « Marqué à vie ! 30 ans de graffiti « vandal »… », c’est le titre du livre de Comer, graffeur parisien de la même génération, dont la première partie résume parfaitement ce qu’il se passe quand on met le pied dans un truc aussi chronophage et addictif et dont il parle régulièrement au cours de conférences centrées sur le sujet.
Le parcours de Marrrtin résonne donc avec beaucoup d’autres dans ces mondes de niches, comme par exemple Dee Nasty, Fuzi ou encore les NTM, et sa représentativité d’une certaine frange de la musique en France mérite qu’on s’intéresse à cette partie de sa vie. C’est aussi l’occasion pour les breakers, dont j’ai ouï dire que paradoxalement se faire une culture musicale n’était pas une priorité, de savoir d’où vient l’un des producteurs les plus prolifiques en la matière, qui à l’inverse, est incapable de lâcher un pas de danse sans se découvrir un nouveau muscle.
Sociologie de comptoir
« Mon rêve c’est que les gens « meurent » sur ma musique. Qu’ils soient près à se « planter », à se « battre », tellement ça les a rendu ouf! ». Cette fois-ci, quand Marrrtin me dit ça à moitié en se marrant, je ne suis pas dans sa cuisine à parler graffiti comme souvent mais en train de regarder l’écran constellé de mon téléphone en mode haut-parleur. Dans ma tête, je repense aux trois bouquins que j’ai dû lire en Licence de Socio et je réfléchis à tous ceux que je connais qui du graffiti vandale sur trains et métros sont passés à une autre discipline pour y mettre le même entrain. Comme s’ils étaient dans une vaine quête des sensations perdues une nuit dans un tunnel ou un dépôt à faire du repérage, à chercher des trappes d’aération, des entrées, des sorties, à peindre dans un temps imparti, repartir avant que l’alarme ne se déclenche et ne pas trouver le sommeil une fois rentré chez soi.
« Le truc qui m’a rendu zinzin dans le tag et le graff, c’est que « t’écris donc tu es ». T’existes ! Je suis passé par là, je suis là », DJ Marrrtin
Juste après, je me dis que je suis aussi crédible en sociologue qu’Afida Turner en jean, mais qu’importe, ça vient bien de quelque part cette volonté d’être dans l’ombre de sa pratique dans une ambiance de bagarre générale et ça, ça mérite d’être raconté. Sans savoir vraiment pourquoi, cette histoire à propos des gens qui doivent mourir sur sa musique, ça me fait penser à cette époque pré-téléphone portable où, mercredi et samedi, Dezer, The Junkadelic Soul (les TJS), une de ses équipes de graffeurs (avec les D77) et d’autres crews parisiens se donnaient rendez-vous dans Paris à parfois plusieurs dizaines pour ensuite partir tagger et peindre dans la rue, sur les toits, sur les réseaux de la RATP et de la SNCF ou encore se servir dans les magasins.
Paris est une quête
Car avant que de tagger et de graffer pour Instagram, ça se mesurait la bite dans la rue. Déjà ce besoin de se réunir pour foutre la merde : « A une période à Paris, il y avait pas mal de bagarres, pas mal de dépouilles, de règlements de comptes… A un moment, c’était chaud ! C’est très parisien, et dans le break c’est pareil, c’est très français la « caillera attitude ». C’était comme ça, ce n’était pas des fausses histoires. Ça se donnait rendez-vous et ça allait dépouiller. Dépouiller des graffeurs, dépouiller des gens tout court. Moi, ça me posait parfois problème. Je me rappelle d’une fois où on était dans un wagon de métro à quinze et il y a une meuf qui a un petit chien, un pitt je crois, et un des mecs voulait aller le voler. Ça allait trop loin ! Dès que t’es en bande, tu te sens pousser des couilles. (…) Une fois, on va à un rendez-vous à Porte de Vanves et on est 15, 20, 30, je ne sais pas. De la sortie de métro jusqu’au lieu de rendez-vous, sur le chemin il y avait un Picard et les mecs rentrent à dix dans le magasin et volent sans se cacher. Ils sortaient avec les pots de glace dans la main en mode en s’en bat les couilles. (…) Je connaissais des mecs qui volaient discrètement et d’autres qui mettaient des coups de pression aux sécus. C’était des mecs déter’. Même si le vigile c’était une grande gueule, quand t’en as dix qu’arrivent sur toi en te disant qu’ils vont te massacrer ta race, t’auras beau être un bonhomme et même si c’est des bouffons, tu vas te faire massacrer quoi qu’il arrive ! »
« On peignait, on taggait beaucoup dans la rue, sur les trains, mais l’aboutissement c’était quand même de faire du métro », DJ Marrrtin
C’est con j’avais lu du Bourdieu et en fait, on est plutôt sur Guy Debord ! Preuve en est, le titre et l’intro de son premier album, Dirty Dezer de la Dérive (2002 ?), référence à la technique de la dérive développée par le sociologue. « Je n’étais pas caillera mais comme je suis le produit de mon environnement, j’avais ce côté débrouillard. J’avais cet espèce de mélange entre une vision romantique du graffiti et en même temps un truc dur qui venait du quartier du Luth où je vivais ! (…) Romantique parce que c’est une des dernières expressions où les gens le font pour rien. Le truc qui m’a rendu zinzin dans le tag et le graff, c’est que « t’écris donc tu es ». T’existes ! Je suis passé par là, je suis là. (…) Quand tu te prends conscience de ça, ça devient une putain de drogue ! C’est une balance avec d’un côté ce que t’as à te prouver et de l’autre ce que t’as à prouver à tes pairs, à ta famille, au monde entier… Une fois que c’est équilibré, t’en as plus rien à foutre. (…) Plus l’adrénaline, le sentiment que t’es un chaud même si c’est pas le cas… tout ça mélangé fait que c’est une espèce de bombe, que ça devient passionnel. »
Pas forcément le plus acharné de cette troisième génération des graffeurs parisiens, il n’en est pas moins là quand RAP, FUZI, SEZAM, JUNKY ou encore ZEVS (auxquels il fait référence notamment dans Third Rail Heroes sur Return of Dirty Dezer sorti en 2012) se mettent à rendre fous les services de nettoyage de la RATP et de la SNCF. « Le premier wagon que j’ai peint c’était un train de casse, dans le 95, et mon premier vrai roulant, si je ne dis pas de bêtise, c’était un train de la ligne Saint-Lazare. On le retrouve dans la « Ultimate Video ». C’était l’époque où on faisait des dépôts à quinze et on partait quand il n’y avait plus de bombes ! (…) A cette époque là, il fallait faire du roulant. On peignait, on taggait beaucoup dans la rue, sur les trains, mais l’aboutissement c’était quand même de faire du métro. A cette période, il y avait très peu de trains qui sortaient et encore moins des métros. C’était vraiment un truc de zinzin. On ne vivait que pour ça. Le pic, ça a été 1995 avec les grosses grèves, après je suis parti à Rennes faire mes études. On peignait, on volait… On faisait des trucs pas croyables pour avoir des bombes ! »
Culture hip hop
Et des disques aussi. Car après avoir poncé dans sa prime jeunesse la cassette de la 5e Symphonie de Beethoven (« le M.O.P de la musique classique ! ») et les contes musicaux de Piccolo et Saxo, il se fait une culture musicale et une collection de samples pour ses premières mixtapes (aux jaquettes déjà faites maison) à coup de plusieurs dizaines de disques sortis sous le bras à chaque visite à la Fnac des Halles. « Tout était gratuit et les trucs qui ne « l’étaient pas », c’était pas nous qui les volions mais des voleurs professionnels qui étaient encore un niveau au dessus. J’étais déjà la musique et je volais aussi beaucoup de vinyles. On avait des super plans. (…) On allait voler le samedi, exprès quand c’était blindé. Plus t’as de monde, plus les mecs sont dans le zef. Les vinyles n’étaient pas bipés et c’était n’importe quoi. On les sortait sans sac, juste sous le bras. Si le mec commence à contrôler qu’ils sortent avec un truc alors que ça sonne pas, ce n’est pas possible. Avec tout le respect que je leur dois, les mecs on ne les a pas embauchés pour être les plus malins de la Terre. On leur a dit, tu contrôles quand ça sonne ! »
Croyant comme NTM que tout n’est pas si facile et que la galère faisait des TJS, des frères, DJ Marrrtin emmène cet habitus à Rennes, en 1996, pour intégrer les Beaux-Arts. Avec aussi un peu de shit à vendre, pour s’acheter des platines et un sampleur. Coffré chez lui à faire du son, ne sortant que pour faire des graffs et aller en cours, il digère en Bretagne ce qu’il a intériorisé à Paris. Un capital musical pimpé à coup de nuits passées au studio Piccolo où les Junkadelic (collectif issu des TJS regroupant graffeurs et musiciens dont Junkaz Lou et Malédiction du Nord) côtoient rappeurs, DJ’s et des mecs là pour le business qui pourraient te geler les couilles avec un regard ; d’après-midi à digger chez Urban Music ou LTD ; ou de soirées dans des appartements où il croise « des petites bourgeoises blanches, les pires mecs du du Luth, Busta Flex, Doc Gyneco, Stomy Bugsy et la moitié du rap français qui freestyle ! (…) A Paris, c’était plus compliqué. Ça m’est arrivé aussi de croiser Kool Shen chez Sony et ça me semblait impossible de réussir à vivre de la musique. Ça me dépassait ! En arrivant à Rennes, j’ai vu que je pouvais faire des soirées. Et en plus, je pouvais décliner, faire des trucs qui ne se faisaient pas à Paris. »
« Moi, je suis dans les mélodies, et Marrrtin m’a apporté ce côté ‘bagarre’ des battles » DJ Deheb
Et à Rennes, c’est notamment entre le studio le Block (géré par le graffeur Rock) et le disquaire Down Town (tenu par DJ Haze et Selecta Freeze) que ça se passe. Avec déjà les deux pieds dans le milieu du break via notamment Lazer et Reak (danseurs des NTM), l’association Hip-Hop Evolution (Rennes) et les UnVsti (Saint-Brieuc) qui lui permettent de jouer dans des battles d’envergure nationale et internationale, Marrrtin s’y enfonce jusqu’aux genoux avec la rencontre de DJ Deheb au début des années 2000. « Je viens du beatmaking, du turntablism et du milieu du B Boying et avec Martin et Rock, j’ai découvert les vrais mecs qui font du graffiti sérieusement, qui ont un vrai background. Je me rendais aussi compte qu’ils avaient une vibe différente dans la musique. C’était des mecs qui étaient plus pointus, plus mélomanes. Qui avaient une culture musicale hyper chiadée. Ça a été assez formateur de bosser avec Martin. Moi, j’étais plus technique, dans la découpe de sample… c’était mon truc d’autiste ! »
Funky Bijou
Après plusieurs années à squatter le studio et produire de la musique comme du graffiti, c’est à dire avec cette approche DIY, où la démarche compte tout autant si ce n’est plus que le résultat final, ils lancent le projet Funky Bijou en 2007/2008. « On a eu la chance de trouver notre son direct et après on s’en est rarement trop écarté. Il n’y a aucun son qui ne se ressemble mais on a essayé de garder le truc. Le premier morceau a fait kiffer autant les B Boys que les gens qui aiment les sons un peu bizarres, tropiques… avec des sons typiques mélangés avec des breaks ou de l’electro. C’est ça aussi le délire dans lequel on était, c’est que vu que Martin il a cette culture de musique indienne et de break et moi la musique break mais funk, on a mélangé les deux. Au départ, je n’avais fait qu’une quinzaine de prods pour le break. Je ne faisais pas encore des vraies bandes-sons pour des compagnies de danse. Je faisais de la dépanne pour des potes des Côtes-d’Armor. C’est vraiment avec Martin et le Funky Bijou Anthem, qu’on s’est engrainé. Étant plus dans mes mélodies, mes harmonies, Marrrtin m’a vraiment apporté ce côté « bagarre » des battles » explique Deheb. Et avec quatre albums, six 45 tours et trois EP, soit environ une centaine de tracks, plus toutes leurs productions solos, ils en ont cautionné et encouragé des bagarres internationales.
Exemple, en octobre 2010, à New-York, lors de la cinquième édition du battle Evolution, quelques semaines à peine, après la sortie de leur premier 45 tours. Un lustre massif, du parquet, des appliques murales en formes de chandeliers, des cyphers de trois heures, des Puma Suede qui tournent en dessous et au dessus des têtes aussi vite que je me m’assois sur mes démons, une assemblée moite comme l’entrejambe du maitre-chien qui a retrouvé son chien inanimé au bout de la chaîne… pour son premier voyage aux États-Unis, le nantais DJ One Up trouve ce qu’il faut niveau hip-hop et décor des années 60. Il est dans le quartier de Warsaw et ça fait trois jours qu’il est sous Serato, à faire rebondir les danseurs·ses quand il sort un disque qu’il n’a pas eu le temps de ripper. Première fois qu’il le joue et première fois qu’il est joué dans un battle. Trois jours qu’il se retient, qu’il attend les phases finales, à l’affût du moment opportun. Sur le devant de la pochette du premier et tout frais 45T, un Funky Bijou graffé par Dezer sur un dos féminin, au verso, un cul. Référence à Afro-Boul, l’un des deux morceaux avec Funky Bijou Anthem, track qui rend justement rend fou danseurs·ses et public dès que One Up pose la cellule dessus.
« Quand Marrrtin et Deheb m’ont fait écouter ce morceau là juste avant mon départ, ça m’a fait vriller. Je l’avais mis de côté jusqu’au dimanche et j’ai dû le jouer sur un quart ou une demie-finale. C’est dingue parce que normalement dans les battles, on ne met pas les intros. Ça part direct, sans se poser de questions. Et là, du fait de le jouer en disque, je l’ai mise et là, ça a turn-up dans toute la salle. La texture de la guitare et la mélodie qui est jouée sont juste incroyables. J’avais l’impression que les gens l’avaient déjà entendu. Comme un hymne ! C’est un moment qui m’a marqué. Je pense que ça a aussi amené à faire connaître ce morceau là, à le porter même si par la suite d’autres l’ont joué. Mais il y a un truc qui s’est passé à ce moment-là. »
« On est les seuls connards à sortir un disque pendant la fin du monde », DJ Marrrtin
A partir de ce moment-là, et grâce aussi à ceux en plus de Marrrtin et Deheb qui l’ont joué ensuite à travers le monde (d’autres tracks suivront la même trajectoire), Funky Bijou Anthem a fait un Fosbury direct sur l’étagère des classiques de la danse debout pour atterrir pas très loin de « The Mexican » de Babe Ruth ou encore de « Apache » de Incredible Bongo Band. « Ça va faire grincer des dents parce qu’il y a mille autres choses mais c’est dans mon top 10. Après, ce 45 tours occulte souvent la sortie de l’album derrière, Funky Bijou 1, qui pour moi est mortel. C’est le meilleur des trois d’après moi. J’espère que Marrtin ne va pas le prendre mal, mais il y a un truc qui est plus organique dans cet album là. Musicalement, tous les morceaux, tu peux les jouer les uns après les autres. Après, oui, le Funky Bijou Anthem prend le dessus mais je ne sais pas, il y a un truc qui est moins séquencé, moins beatmaké. Il y a un truc plus musical dans cet album-là et pour moi ça reste le projet break de Stereophonk sur toutes ces années passées », ajoute DJ One Up.
Fin du monde
En attendant qu’Afida Turner termine tous les niveaux de Photoshop et qu’elle obtienne les 500 signatures, je continue de chercher le graffiti dans la démarche musicale de Marrrtin. Et il n’est pas que dans le break, même si comme le précise One Up, les deux disciplines sont encore très « liées aujourd’hui » par « ce côté rageux ». Il n’y a qu’à voir dans quelles conditions est sorti il y a quelques semaines le premier EP d’Aktshun, quatre tracks entre boogie, disco et house. Autre entité et autre nom (sous lequel il produit avec son pote Rennais, Marotti depuis 2012), brouillant encore les pistes et rappelant une autre pratique courante dans la peinture vandale, l’utilisation de plusieurs alias pour éviter d’accumuler les plaintes sur un seul, faire croire à une mise en retrait, rentrer une action encore plus engagée, faire référence au lieu dans laquelle s’inscrit celle-ci et surtout prendre un nouveau départ à chaque fois ! « On a sorti un disque au pire moment. On est les seuls connards à faire ça pendant « la fin du monde ! Vu que tout s’est arrêté on s’est demandé comment faire même si l’idée de départ c’était de tout faire nous-mêmes, dessiner les pochettes (NDLR : il y en a 7 différentes), les sérigraphier… En mode DIY, en raccourcissant les trajets de production comme au début du hip-hop, de la house… L’objectif, c’est de rester dans l’artisanat » confie-t-il.
Encore une fois, en évoquant cette sortie de projet, difficile de s’empêcher de faire le parallèle avec les plans galère dont le graffiti est un pourvoyeur assidu. Car trouver du matériel pour sérigraphier en plein confinement, c’est comme traverser Paris en vélo la nuit pour aller taper un dépôt de la SNCF, faire la tournée des Norauto et des Carrefour d’Ile-de-France pour remplir le coffre des bombes sans débourser un centime, ou aller peindre un métro avec une chaise rouillée en l’absence d’une échelle digne télescopique de ce nom, il faut être motivé et/ou ne pas avoir le choix.
« Le graffiti, c’est un des derniers médiums où t’as un putain de sentiment de liberté, c’est inégalable. Ce qui pourrait s’en approcher, c’est le monde des braquages. C’est avec grand désespoir que j’ai mis de côté le fait de peindre des trains et des métros parce qu’à un moment j’ai dû faire des choix et je ne voulais pas mettre en péril tous les autres trucs. Ça aussi c’est du romantisme, les mecs qui continuent… Souvent je m’y remettrais bien (NDLR : il a arrêté en 2001), mais si je reprends et c’est là où se fait le lien avec les braqueurs, je devrais mettre tous mes autres projets de côté parce que ça peut que partir en couille. Même si certains passent à travers les mailles, 99% se font péter. Moi, j’ai eu de la chance et c’est quand même une fierté. »
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