Le duende est un état d’esprit extatique, un souffle de génie auquel aspirent les cantadores flamenco. Cet aura magique qui fait que le temps n’est plus ce repaire linéaire inaltérable. Il n’est plus le concept que nous connaissons ; il est à la fois suspendu et accéléré, enchevêtré. “On ne sait jamais s’il va venir”, aime à raconter Diego el Cigala. “C’est inexplicable”. Dimanche soir, il était la. On a tenté de vous raconter l’inracontable.
Le prince des gitans se fait rare dans la capitale et une importante communauté hispanophone semble s’être donnée rendez-vous – en témoignent les jaleos (pour toute interrogation sur le mot, voici le Vocabulaire du flamenco) d’approbation ponctuant les phrases d’el Cigala et de son guitariste, Diego del Morao.
Les deux Diego interprètent Vuelve el Flamenco, récent hommage à Paco de Lucia. Ces tête-à-tête profonds sont vivement récompensés. Mais sur scène, les formations musicales alternent. On voyage dans sa discographie : le gitan est venu avec sa bande sud-américaine.
En duo avec son pianiste, il reprend quelques titres de Lagrimas Negras. Cet album en duo avec le cubain Bebo Valdes paru en 2003 et qui rafla quantité de prix est aujourd’hui l’album de flamenco le plus vendu dans le monde.
Quand tous les complices s’amusent ensemble, c’est pour nous régaler d’extraits de Dos Lagrimas et Cigala & Tango. La contrebasse et les congas donnent une touche latin jazz, entre bolero, salsa et tango.
Mais le cantaor est résolument flamenco. Sa voix est toujours flamenco : fragile, passionnée, ardente. Les claquements précis de ses mains et pieds sont flamenco. Sur scène, il est un dandy bling bling. D’un geste délicat de sa main bardée de bagues en or, il replace ses soyeuses mèches brunes et ondulées derrière l’oreille. Son port de tête est haut. Son regard fuyant perce nos corps de fantômes.
Le cante jondo résonne dans une dernière complainte tandis que la guitare ferme la phrase. Diego el Cigala descend de son tabouret. Il nous regarde. Il sourit généreusement. Abasourdi, on reprend nos esprits. Les applaudissements grondent. Bravos. Hourras. Encores.
Le Festival d’Ile-de-France a tenu ses promesses et nous a fait voyager en cette édition 2015. Une certitude, on sera là l’année prochaine pour souffler avec eux 40 bougies.
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