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De Pétrole à Ulla, une histoire de groove à Toulouse

Les Toulousains du collectif Pétrole lancent le sous-label Ulla, une nouvelle identité musicale dans cette famille d’amoureux du groove. Après cinq ans à organiser des soirées disco house dans la ville rose ou à Paris, et une quinzaine de sorties à l’actif de son label, dont l’excellente compilation Quarantaine, le collectif Pétrole suit le chemin de redécouverte et de réinvention actuelle de l’italo disco. Rencontre avec deux de ses fondateurs, Sébastien Bouchereau et Alban Narbonne.

Qui s’intéresse un tant soit peu au paysage des musiques électroniques françaises ne pourra passer à côté de l’effervescente scène toulousaine, bastion de rave et terre de production. Un bel exemple de longévité en est le label Karnage Records, spécialisé dans le hardcore, et toujours aussi actif depuis 1998. Dans un tout autre style, le collectif Pétrole a fait son apparition il y a cinq ans et compte désormais parmi les joyaux de la couronne toulousaine.

Toulouse, du Pétrole et des idées

Pétrole, au-delà de son label, c’est une belle aventure humaine, comme souvent chez les indépendants qui font vivre et développent les musiques actuelles. C’est une histoire de copains, de discussions dans les bars de Toulouse, au Nasdrovia par exemple, comme s’en souvient Alban Narbonne, alias Naranja. Et puis ça se lance, un dimanche au brunch, dans un appartement du quartier Arnaud Bernard, un lendemain de soirée. Les objectifs fusent, trois sont retenus. D’abord, sortir un premier projet musical en tant que label. Ensuite, organiser une soirée. Enfin, monter une émission pour Radio FMR, acteur culturel local qui a mis le pied à l’étrier à beaucoup de musiciens toulousains.

En janvier 2016, le premier objectif est rempli avec la sortie d’une compilation d’artistes du collectif, Sediments. Pétrole entame ses activités en s’attaquant directement à la production musicale en tant que label et pour mettre en avant les producteurs du collectif. Alban s’explique de ce pari : « On voulait se lancer avec quelque chose qui nous distingue, marquer le coup en commençant par une sortie musicale. Sur la scène toulousaine à cette époque, il y avait déjà beaucoup de collectifs organisateurs de soirées, moins de labels. En tout cas dans notre style musical disco house, excepté Boussole Records qui était bien en place ».

PETROLE DR

Une première soirée à l’Épisode Café lance la branche événementielle de Pétrole. Sébastien Bouchereau, membre du duo Lananas, et producteur sous différents alias nous raconte. « Vu que le collectif comptait des gens qui pratiquaient d’autres arts que la musique (photo, vidéo, arts plastiques et graphiques), on a rapidement eu envie de créer des événements où on s’approprie au maximum les lieux avec de la déco, des performances, des animations ». Après quelques événements dans les bars toulousains, au Saint des Seins ou Chez Ginette par exemple, ils ont l’opportunité d’inviter des artistes toulousains à l’International, bar-concerts parisien où ils se produisent fréquemment. D’autant plus souvent désormais qu’une partie des membres du collectif sont installés à Paris.

À Toulouse, ils commencent à organiser des soirées au Connexion Live. Sébastien et Alban se rappellent aussi avec émotion leur premier passage au Bikini, ce « baptême du feu » pour les DJs toulousains. Depuis plusieurs années déjà, Pétrole participe également au Pampa festival, une co-organisation qui réunit une dizaine de collectifs toulousains.

Avec les années Pétrole fait aussi son chemin en tant que label, cultivant une identité musicale ensoleillée et légère de house discoïde, à tendance italo disco. Ils enchaînent les sorties de qualité, des compilations d’artistes du collectif ou de proches toulousains, des EP du duo Lananas, de LDM, Naranja, l’excellent 4 P-Boys Use Only du producteur Gems Copy, qui mêle house, disco et hip hop. Pour sa cinquième sortie, en 2017, le label se lance dans l’aventure du vinyle, au débotté, sans y connaître grand chose au pressage ni à la distribution, motivés par ce vieux rêve de musicien de sortir un disque et par les encouragements de Fred, disquaire de la boutique Innerdisc à Toulouse. Grâce notamment à la distribution de Chat Noir, Pétrole a pu presser cinq vinyles à ce jour, profitant du noble support pour inviter des artistes extérieurs : le Slovaque Paradiso Rhythm, leur aîné toulousain Mangabey (« déjà une pointure quand on a osé l’approcher », précise Alban), le Rennais Yann Polewka, le Parisien Chevals. Les artworks colorés et festifs de la graphiste (et musicienne) Popi en font des objets qui raviront les collectionneurs.

PETROLE VINYLE

Quarantaine, un tournant pour Pétrole

En avril 2020, Pétrole crée l’événement dans Toulouse, malgré le confinement. Le label lance un appel à projet pour une super compilation toulousaine. « On devait fêter nos quatre ans au Connexion Live, on avait une jolie date au Bikini après. Et puis le Covid est arrivé, tout est annulé. On voulait quand même faire quelque chose, profiter du confinement pour un projet qui ait du sens, si possible fédérer la scène toulousaine », relate Sébastien.

L’amour du jeu de mot les met au défi de réunir quarante morceaux pour composer Quarantaine, une ode à la créativité de la scène musicale locale. « On a reçu 150 démos !, témoigne encore Sébastien. Elles étaient toutes de qualité, toutes sortables ».

Les quarante morceaux retenus dessinent un éventail de styles riche. En plus d’une house flirtant collé-serré avec le hip-hop, ou à bras levés avec la disco et l’italo disco, chose coutumière chez Pétrole, on y découvre également des sonorités voisines mais nouvelles sur le label : pop électronique dansante, downtempo jazzy, electro smooth. Des territoires plus sombres sont aussi explorés, l’electro acid, la techno, la trance, le break. En résumé, il est peu probable qu’un amateur de musique électronique n’y trouve pas son compte.

Forte en découvertes et en rencontres, même à distance, l’expérience a séduit les membres de Pétrole. C’était, d’une part, l’occasion d’apporter une pierre de plus à l’édifice toulousain des musiques électroniques, et à sa quête de reconnaissance dans le sempiternel déséquilibre français Paris-province. « Depuis quelques années, la scène toulousaine affiche sa volonté de faire corps pour montrer qu’il se passe des choses ici. Certes on n’a pas le potentiel club culture le plus fort en termes de lieux, mais il y a une très forte culture de la teuf, de la rave, historiquement », affirme Alban.

Quarantaine a aussi réveillé l’envie de s’ouvrir plus encore à d’autres artistes. « Jusque-là, on a été beaucoup pourvoyeurs de musique, on sortait nos sons. Maintenant, on voudrait continuer dans la voie que Quarantaine a ouverte et se faire le relais d’autres propositions artistiques », explique Alban. Pétrole continuera donc de produire des artistes toulousains et de proposer des soirées à Toulouse et Paris. Parallèlement, et guidé par cette même envie de mettre en avant le travail d’autres artistes, le collectif s’attaque à un projet de label qui explorera un nouvel univers sonore, Ulla.

Retour vers le futur italo

Ulla, c’est une référence rétro au 3615 Ulla, service de Minitel rose dans les années 90. Ulla, c’est une nouvelle étape dans la trajectoire amorcée par les dernières sorties de Pétrole, le splendide EP de Naranja, Olga, et les deux volumes de Cahiers de vacances, des compilations de remixes de classiques de la pop façon italo énervé, au kitsch assumé, tel l’inoubliable « Montédacid Edit » de « Sous les Sunlights des tropiques » signé LDM. Ulla, c’est un nouvel espace d’expression et de recherche musicale dans le courant actuel de réinvention de l’italo disco. « Pétrole, c’est le côté lumineux, Ulla sera le côté obscur. Quelque chose de plus niché, de plus club, de plus dark », précise Alban.

Avec Ulla, Pétrole s’aventure sur les traces de leur aîné David Carretta, avec pour références d’autres artistes toulousains comme Kendal et Pablo Bozzi (et leur label Ritmo Fatale), ou d’autres en Europe comme Skatebård, Luca Dell’Orso et Señor Chugger qui produisent un son hybride, parfois référencé sous l’appellation indie dance. « On n’est plus dans l’italo très cheesy des années 80, mais dans un bain d’influences EBM, new beat, electro, acid, voire trance », détaille Alban.

La première compilation de Ulla sortira le 30 avril prochain, mais plusieurs des morceaux sont déjà disponibles à l’écoute. On y retrouve deux membres du collectif, Naranja et LDM, réunis sur un morceau espièglement intitulé « Acid Castex » ainsi que deux autres Toulousains repérés lors du projet Quarantaine, Austher et Sporting Club. Le quatrième morceau de la compilation est signé du Parisien Malouane, fondateur du label In Any Case Records.

Amoureux et amoureuses de basslines italo et EBM, de synthés et de TB 303, cette sortie est faite pour vous. Et l’équipe de Pétrole n’a pas fini de nous faire danser : un premier EP Ulla est déjà en cours de préparation…

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