Pendant un mois, on fait un focus sur la plus belle ville du monde après Saint-Etienne et Le Mans, l’éternelle Marseille. Comme notre monde ne se satisfait plus de vivre dans le présent (quel ennui, vous me direz), on a décidé – avec l’équipe du Bon Air festival – de pousser un peu les potards dans le futur avec la scène musicale électronique phocéenne. Médias, institutionnels, artistes, programmateurs et activistes, ils ont bien voulu jouer le jeu de notre questionnaire prospectif sur la thématique : la musique à Marseille en 2050.
Après avoir notamment imaginé un monde phocéen post-apo avec le directeur artistique du festival Bon Air et espéré des technologies futuristes dans nos clubs avec le briscard du djing local Jack de Marseille, on commence tranquillement à se poser la question du message. La musique, composée par des machines, inscrite dans un futur que beaucoup pensent nihiliste, aura-t-elle encore un seul point de comparaison avec l’image d’épinal de ce folkeux qui beugle mort aux vaches dans un bar ? Et s’il existe encore, quelle importance aura-t-il ? Comment sera-t-il véhiculé ?
Pour aborder ce point, il est de bon ton de regarder du côté des collectifs d’activistes de la teuf qui peuplent Marseille dont le rôle social et politique est encore trop peu mis en avant que le rôle de divertissement (un rôle social et politique comme un autre, soit dit en passant). Des teufeurs avinés venus débrancher le système, entend-on encore par-ci par-là. Ce qui est sûr c’est que les luttes sociales montrent que les a prioris, les clichés et les tentatives de sourdine ne marchent qu’un temps. Vous aurez beau crier très fort que votre boîte à champagne anti-prolos dont les artistes surpayés passent de la musique sensationnaliste et marketée comme une soupe Knorr est l’unique modèle, bientôt vous serez inaudibles.
Côté message, Vincent Mazer en connaît un rayon. Le chargé de mission / responsable des musiques actuelles à la région Paca est passionné par cette histoire de la musique. Depuis 10 ans, il travaille au sein de la Direction de la culture du Conseil régional sur ce domaine : formation, entrepreneuriat culturel, enjeux du numérique dans les industries créatives, il nous dira que « [son] expérience et [son] parcours [lui] permet d’investir les champs culturels (nouveau modèle de développement, médias, web, édition, musiques…) traversés par les grands enjeux économiques, technologiques et démocratiques dans le contexte de crise de nos sociétés. » Rien que ça. Pour nous, il a joué le jeu d’imaginer Marseille en 2050.
LE FUTUR SELON
VINCENT MAZER
Le futur sera d’abord construit par les publics, par les communautés sur les différents territoires, sur les différents espaces de reconnaissances mutuelles. Le public est devenu de plus en plus expert, informé, militant, passionné et exigeant, dans 30 ans il sera au centre de la programmation et de la diffusion. Il se reconnaîtra autour de communautés d’affinité, de valeur, de défense de certains droits et de certains principes (liberté de pensée, respect
des identités sexuelles, de son identité sociale, environnementale…).
Le futur de la musique est donc lié, me semble-t-il, à la capacité des artistes, des producteurs de contenu et d’événement à faire écho à ces valeurs, à ces affinités et à ses revendications sociales, communautaires et progressistes. La musique et son écosystème va devenir de plus en plus un vecteur de message, de diversité, d’exploration des autres cultures, de disparition des frontière et d’ouverture à une vision commune et pointue de chaque micro scène, de chaque esthétique dans sa pluralité.
On voit déjà la multitude de scène qui se développe en Amérique du sud, en Asie , en Afrique, au Maghreb, qui mixe et se réapproprie les cultures électroniques pour créer un nouveau souffle et donner leur propre version de cette longue évolution esthétique. Marseille possède une capacité à réunir des métissages culturels et artistiques très fort,
c’est dans son ADN et ce brassage va se développer avec une circulation des musiques qui explosent depuis plus de 15 ans. Il n’y a aura donc pas une musique unique dans 30 ans mais une constellation de musiques qui se brasse et réactive les héritages musicaux et culturels à travers le monde. Marseille qui se structure actuellement comme une métropole importante dans le sud de l’Europe et de la méditerranée va jouer un rôle dans cette constellation.
Dans le futur le rôle des radios sur le web qui diffusent la richesse et la diversité des musiques me parait le moteur de cette évolution, il est déjà fortement en cours. Les labels qui défrichent et rééditent certaines scènes vont également jouer un rôle essentiel de croissance et d’enrichissement des musiques. Les lieux et festivals vont s’appuyer sur ces collectifs et ces groupes d’affinités liés à ces niches musicales, à ces courant musicaux exploratoires et ils vont amener les publics à la découverte de ces musiques. Là encore la programmation des lieux pourra être porteuse de
valeur et de message plus politique sur le respect des identités, la lutte contre les nationalismes et la reconnaissance des cultures du monde entier.
Foncez au Bon Air Festival, du 24 au 26 mai
0 commentaire