On vient de faire un aller/retour express à Bruxelles pour mettre fin à une interminable attente : revoir un jour Damien Rice en concert. Dix ans après. C’était au Cirque Royal. Et ça valait le déplacement.
Que les choses soient formulées d’entrée de jeu : Damien Rice est, à nos yeux, le plus grand songwriter de sa génération. Personne ne fait sonner une guitare comme lui. Aucune autre voix n’occupe l’espace d’une telle présence. Ses chansons sont entrées dans nos vies en 2003 avec l’album « O », par la grâce d’une voix sublime, parfois puissante, souvent chuchotée. Le genre de mélodies certes irrésistibles mais si fragiles et délicatement construites qu’elles ne tenaient qu’à un fil. Elles se sont ensuite définitivement installées un an plus tard en dévoilant toute leur envergure scénique, portées par un chanteur surdoué et habité. On y découvrait alors, stupéfaits, la rage insoupçonnée de ces comptines folk faussement innocentes. C’était violent. C’était inoubliable.
Dix ans et six mois ont passé. La faute à ces tournées qui avaient cessé, presque du jour au lendemain. Le successeur de « 9 Crimes », paru en 2006, se faisait attendre, année après année. On frémissait même à la simple idée de ne plus jamais croiser la route d’un homme qui avait su, un soir de printemps lyonnais, bousculer nos certitudes et redessiner les contours de ce à quoi pouvait ressembler ce fameux concert parfait, longtemps fantasmé, mais qu’on venait bel et bien de vivre. A cette attente presque déraisonnable, Damien répondait simplement qu’il avait perdu l’envie, que la scène ne l’attirait plus. Comme si l’on pouvait subitement cesser d’aimer celle pour laquelle on semblait pourtant être fait, celle avec qui on venait peut-être de partager les plus beaux moments de sa vie.
Il y a bien eu quelques rendez-vous ici et là, au compte-goutte. Mais la poursuite de l’idylle ne s’est confirmée qu’en septembre dernier. Une photo d’annonce. Un album. Une tournée en solo. Les Folies Bergères prises d’assaut en quatre minutes, c’est dans l’écrin magnifique du Cirque Royal à Bruxelles (complet, lui, en neuf minutes) que nos cœurs impatients se sont réfugiés. Dix ans après, on renouait donc enfin avec le premier bonhomme à avoir, à ce point, remué nos tripes de spectateurs.
On vous dévoile ci-dessous la set-list mais elle n’a paradoxalement que peu d’importance. Ceux qui détiennent leur précieux sésame pour la date parisienne du 5 novembre le savent déjà : Damien Rice n’est toujours pas homme à servir la même soupe chaque soir. Tout est revu et corrigé d’une ville à l’autre : choix des chansons, arrangements, participation du public, surprises. C’est si rare. Mais le plus important est encore ailleurs. Il se situe quelque part entre cette rage intacte et sa façon de considérer chaque chanson comme si elle était l’urgence du moment et qu’elle contenait en elle l’impérieuse nécessité d’y consacrer tout son être. En un mot, elles ont une âme. Même sans l’orchestration des débuts. Même sans violoncelle. Même sans Lisa Hannigan.
En live, Woman Like a Man reste cette douleur qu’on hurle pour soulager les tripes. Les guitares se tordent comme on lâcherait enfin le morceau après un secret trop longtemps enfoui. Elles libèrent. Les interprétations de Delicate, Accidental Babies, Amie ou Eskimo, quant à elles, ramènent sans cesse à la finesse inouïe des compositions de l’Irlandais. On aura également droit à quatre nouvelles chansons, dont l’oubliable single I Don’t Want To Change You, qu’on rapprocherait même d’un David Gray, dans un esprit taquin. My Favorite Faded Fantasy et Trusty & True et leur interprétation renvoient davantage aux meilleures heures d’une carrière qui a enfin repris son libre cours. Qu’il est doux de penser à ce 31 octobre et la sortie d’un nouvel album réduit à l’état de chimère il y a de cela encore six mois. Qu’il était beau, en cette douce soirée bruxelloise, de voir à nouveau une âme chanter.
Set-list :
Rappel 1 :
Rappel 2 :
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