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Daisy Mortem, interdit aux moins de 18 ans

Dans ce papier où la parole s’est libérée, on vous dresse le portait halluciné de Daisy Mortem, duo bordelais interdit aux moins de 18 ans composé de Cindy Bluray et Vampiro, issu de la scène do it yourself, et qui s’affranchit de tous les codes et barrières de styles, voguant tranquillement de la cold wave au reggaeton en passant par le raï et le goth. Sans pression.

« Hey ! Salut Brice ! On s’était rencontré il y a fort longtemps à Nantes devant un bar de rastas blancs pour parler PNL à l’époque où seuls les vrais savaient ! Comment vas-tu ? », Cindy Bluray.

Fort longtemps, c’était il y a presque deux ans et à la lecture de ce message, il y a quelques semaines, le seul souvenir que j’avais de cette discussion, était une vague silhouette à contrejour des néons de la terrasse de ce bar de rastas blancs qui n’en était pas vraiment un. J’ai rapidement remis un visage sur cette ombre et enfin écouté les différents projets de Daisy Mortem, duo bordelais (qu’il forme depuis trois ans avec son pote d’enfance Vampiro) issu de la scène DIY et récemment signé chez Napp Records, le label de l’Argentine Catnapp. Autant avec NOS, Ademo et les autres partisans du zoo autotuné, je suis dans ma zone, autant là, je suis perdu comme un labrador à qui on aurait jeté deux balles en même temps.

Une perdition entre leur EP La Vie C’est Mort (2018), leur premier album Faits Divers sorti en janvier dernier et une planète sur laquelle on croise : un mec qui veut se faire bouffer par un chien, des magasins de piscines au bord des rocades et nos propres parents littéralement en train de baiser. « Le 28 février on organise une soirée hyper débile (NDLR : La Foire aux Monstres) ! Y’aura Luci, M3C, Adolf Hibou…Une soirée bonne ambiance, en famille, pour se faire plaisir » poursuit-il dans la conversation, juste après avoir précisé qu’il était « en train de faire une reprise raï autotunée goth de Brigitte Fontaine ». Comme j’en connais aussi un rayon niveau ambiance familiale et que je suis toujours (comme Camille Locht et Jean-Paul Mira en Afrique) avide d’expérience, j’ai fait un plein à 1,65€ le litre et pris la direction de Bordeaux pour capter Vampiro et les autres membres de We Are Vicious, collectif auquel ils sont affiliés et organisateur récurent de soirées dans la région.

« On est des galériens du style » m’avait largué Cindy Bluray lors de l’un de nos échanges téléphoniques, revoyant certainement défiler devant lui tous les styles vestimentaires et musicaux par lesquels lui et son pote Vampiro sont passés avant d’en arriver là. « Je me demande encore aujourd’hui ce que j’ai foutu. » De la scène punk, où ils côtoient « des espèces de vamps qui tapent du speed sur la table », à des free parties dans les Landes, en passant par le dubstep, le breakcore – et le rap pour Cindy Bluray qui a réalisé des productions pour des rappeurs bordelais qui, malheureusement, n’ont jamais eu de présence sur les réseaux. « Le premier est parti en prison parce qu’il a tiré sur un mec avec un fusil et le deuxième aussi mais parce qu’il s’est battu avec des flics après avoir volé une bouteille de whisky dans un Vival » – jusqu’à un quasi retour aux sonorités de leurs débuts, leurs parcours musical et personnel semblent plus tenir de la formation accélérée interdite au moins de 18 ans que du Brevet des Collèges avec des points d’avance.

Avec la plume de Cindy Bluray passée de l’anglais au français, leurs productions à quatre mains et la recherche scénique et visuelle de Charlotte Pouyaud, on est à mi-chemin entre Faites Entrer l’Accusé présenté par Hunter S. Thompson en costume de châtelain (mais en latex) et un roman d’Harry Crews version sud-ouest. « C’est vraiment le côté redneck français. Après aux USA, c’est assez péjoratif même si on peut l’être parfois aussi » explique Vampiro, également producteur pour M3C et DALLA$.

« Souvent les clips naissent d’une intuition, des ambiances… L’idée c’est plutôt d’apporter des images qui ne figurent pas dans les paroles mais qui peuvent s’y rapporter et d’enrichir par le visuel des nouveaux sens, d’ouvrir encore plus les significations et les images que ça peut évoquer. Surtout que les textes de Cindy Bluray sont déjà très littéraires », précise Charlotte Pouyaud.

A l’image de leurs derniers clips formant une trilogie (voir « Nuit Sexuelle »), c’est sale, brut, halluciné, poétique avec des textes aux interprétations multiples en opposition aux réalités qu’ils décrivent en creux, comme par exemple le vertige du vide provoqué par la France des zones commerciales, des aires de pique-nique et de ceux qui les fréquentent. Tous ces gens allant comme morts dans l’œuf ou dans leur voiture d’occasion vers un bonheur forcé, calibré, tarifé sur lequel ils croient encore avoir la main mais gâché dès le début par cette idée que ça ne va pas durer. « C’est une sorte de variation dont le grand thème général serait le destin et la fatalité mais avec à chaque fois un récit, un environnement et des personnages différents. C’est ce qui regroupe les trois derniers clips et en fait une trilogie. Ça traite de la fatalité mais plus dans le sens du destin. Le fatum ! Ce n’est pas seulement le fait de mourir mais aussi que les choses arrivent nécessairement. Ça peut-être le déterminisme social mais aussi une fatalité qu’on imagine divine », ajoute la réalisatrice bordelaise.

Entre l’EP et l’album, poind l’extrémisme d’un auteur tantôt surexcité et hystérique, tantôt complètement la tête sous blister. « J’adore cet EP ! Il est très joyeux je trouve. J’avais envie d’allier tous les sujets qui me faisaient peur, qui me déprimaient ou qui me rendaient triste avec de l’humour, du fun, des cris, du punk, de la hardtek… rigoler tout en parlant de ce qui pouvait m’angoisser » lâche Cindy Bluray. Contrairement à Vampiro qui n’est « plus du tout dans ce délire là. On avance assez vite en terme de style. Pour La Vie c’est Mort, on était dans des délires cold-wave, assez rock, avec des guitares… alors que maintenant on est plus dans des bails reggaeton, deconstructed, musiques expérimentales d’avant-garde, très électroniques. » Dans Faits Divers, changement de style musical et d’état d’esprit pour un Cindy Bluray au climax de la sombreur : « je trouve qu’il manque d’humour, de légèreté, d’espoir. C’est quand même vachement dur en vrai ! »  ; « On a eu ce constat là quand on a sorti l’album et qu’on a fait la tournée en Europe avec GFOTY en janvier dernier. On s’est rendu compte que c’était extrêmement dark et agressif. On s’est dit qu’on pourrait repartir dans des délires plus fun » poursuit Vampiro.

Stigmate d’une jeunesse chaotique à se chercher d’un microcosme à l’autre sans jamais réussir à en faire vraiment partie, venant d’études de lettres, venant d’études de lettres et ayant rédigé un mémoire sur la figure du criminel, Cindy Bluray comme son binôme d’ailleurs, nous poussent à écouter Faits Divers comme on feuillette les pages des petites annonces du carnage : avec voyeurisme, révolte et fascination morbide. Entre le motif du monstrueux, celui de nos démons qui nous courent après avec leurs petits baluchons, ou encore celui des légendes urbaines et des tueurs d’animaux, revient en permanence cette envie de dévorer tout et n’importe quoi : « C’est intéressant mais je n’ai vraiment pas fait exprès. La bouffe, les dents, manger quelque chose… cette idée revient dans presque tous les morceaux (…) Après, l’objectif, ce n’est pas juste de raconter des trucs morbides mais d’arriver à porter les anecdotes de la vie, même si elles sont sombres, à un quelque chose d’universel. D’arriver à en extraire quelque chose qui peut nous faire du bien, qui peut nous faire réfléchir et exorciser ce qu’il y a à exorciser » confie Cindy Bluray, qui exorcise aussi pas mal de choses sur scène. « J’aime bien danser, libérer mon corps. J’ai un jeu de scène assez sexuel, où je joue pas mal sur l’androgynie, et ça me fait trop de bien d’avoir passé tellement de temps en banlieue avec des mecs de quartier, d’avoir récemment explosé les barrières et d’utiliser mon corps comme j’ai envie et non pas comme ce qu’on attend de moi. C’était dans ma personnalité sauf qu’avant, c’était caché » conclut-il.

J’ai retrouvé dans mes notes cette phrase de Vampiro à propos de leur état d’esprit du moment, justifiant à elle seule le fait qu’il faille suivre cette histoire de près : « on est en mode comme si on était des Ukrainiens et qu’on allait faire l’Eurovision ! »

Crédits photo en une : Charlotte Pouyaud

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2 commentaires

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Sergio 03.05.2020

Je suis pas fan de ces PNL des cimetières. Les sons darks sont biens produits mais la voix c’est juste pas possible…

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Philippe 16.04.2020

je comprend plus la musique d’aujourd’hui je crois …. .

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