Aujourd’hui, il existe une tonne de playlists vous disant quoi écouter pour travailler, faire du sport, quand il pleut, quand il fait beau, quand vous mangez un cassoulet ou vous roulez en Renault Dacia. D’où l’idée de faire une playlist totalement subjective et non exhaustive pour voir comment les artistes traitent un sujet brûlant. Aujourd’hui, le soleil. Une playlist garantie sans Négresses vertes, Nicoletta ni Claude François.
Après un hiver interminable où les journées de pluie se sont succédé, le soleil est enfin revenu. Les gens se ruent sur la moindre parcelle arrosée par le soleil, les rues sont bondées de hordes de piétons, cyclistes, skateurs, et les terrasses sont devenues aussi convoitées qu’un T4 avec vue sur la Tour Eiffel. Le soleil est devenue une drogue bon marché, chacun prenant sa dose de vitamine D.
L’obsession pour le soleil, on ne la retrouve pas seulement autour de la machine à café et dans les JT du printemps mais aussi dans la musique où les références sont multiples.
Il y a d’abord ceux qui chantent le retour du printemps, la rupture qu’elle induit et le bonheur qu’elle produit. A ce sujet, comme souvent, les Beatles font figure de référence. Quand George Harrison chante « Little darling, it’s been a long cold lonely winter / Little darling, it feels like years since it’s been here / Here comes the sun » il a tout résumé sur le plaisir mêlé de soulagement que provoque le retour du printemps. Plus proche de nous, Radio Elvis exprime la vitalité qui rejaillit à l’intérieur et autour de chacun de nous après une saison où l’immobilité des corps et de nature semble être une règle interrogeable. A cette époque de l’année, on est tenté de croire que tout le monde aime le soleil, et ce n’est pas Roy Ayers qui dira le contraire, ni Bob Marley qui y voit une manifestation divine.
Ce n’est pas tant l’endroit où l’on profite du soleil qui importe mais la simple relation qui nous relie à lui, la sensation d’être enveloppé par sa chaleur. Cette indolente plénitude, Gainsbourg, l’a écrit pour Anna Karina. Etre sous le soleil exactement, c’est bien mais avoir l’impression que le soleil s’est rapproché de nous pour mieux nous irradier, c’est encore mieux ; le soleil est près de moi et à cet instant rien n’autre n’a d’importance semble déclarer en douceur Air.
C’est un fait, même la pire gueule de bois peut être guérie par le soleil. Il suffit pour ça d’enfourcher son vélo et de voir la joie de vivre autour de nous comme le raconte Atmosphere. Pour certains, le soleil a même les effets d’un opioïde qui nous rend léthargique alors qu’on a tout perdu, tel que le chantent The Kinks. Bref, le soleil, le soleil, le soleil, on ne vit que par rapport au soleil, on est obsédé par lui comme dans le tube de Caribou.
Souvent en musique, la référence au soleil sert à parler de l’être aimé. Pour Norah Jones, l’éclat lumineux apparaissant dans les yeux de son amant tient davantage à l’amour qu’aux rayons du soleil puisque la hauteur du soleil dans le ciel, ils n’en ont cure, eux qui ont décidé d’occuper le lit tout le jour et la nuit. Samuel T Herring va plus loin car son amour est SON soleil de chaque jour (en plus d’être son étoile et sa lune) dans « Sun In The Morning ». Il peut arriver qu’une femme rayonne tellement qu’elle n’est plus comparée au soleil mais elle en est la personnification, comme dans le jazzy « Sun Goddess » d’Earth, Wind and Fire. Rayonnant, lumineux, solaire, éclatant : autant de qualificatifs qui se rapportent au soleil. Dans ce monde dur, parfois sombre, les personnes à qui on attribue ces qualificatifs sont un repère, une force qui nous pousse à avancer. Eddie Vedder : « There’s a big/A big hard sun/Beaten on the big people/In the big hard world ».
Le soleil est aussi associé à la séduction, à la sensualité, comme le « Mambo Sun » de T.Rex, bourré d’érotisme en associant le soleil et la danse. Cette même association, on la retrouve chez Tellier, lui qui rêve de caresses en été. Dans « Aller vers le soleil », il est irrémédiablement attiré par celle qui danse comme le soleil. Le soleil échauffe les esprits, fait tourner les têtes et pour un peu que les tenues vestimentaires ne couvrent que le strict minimum est là, notre vie ne se résume qu’à un délicieux triptyque : sea, sex and sun.
Parler du soleil peut se passer de mots et les musiques électroniques sont propices aux développements sur un thème donné. Certains nous font voyager comme Nathan Fake et son « Long Sunny », d’autres élaborent une vision métaphysique (« First Day of Sun » de God is An Astronaut) quand The Field, lui, semble résumer sa musique, réunion du soleil et de la glace, de l’humain et de la machine pour livrer une mécanique hyper lumineuse et énergique.
Alors, le soleil est-il toujours traité positivement dans la musique, qu’il soit synonyme de renaissance, d’amour ou de vitalité ? Et bien, évidemment, non. Quand le soleil tape, brûle, martyrise les corps, la musique s’en ressent. Le stoner ne pouvait naître que dans un endroit aride comme Palm Desert et la musique de Kyuss dans l’album Blues For The Red Sun ne fait que retranscrire musicalement les corps chauffés à blanc, lourds et sanguins.
Par ailleurs, pour les mélancoliques et les écorchés vifs, le soleil ne résout rien car ils savent pertinemment qu’il ne dure pas, qu’il soit chassé par la pluie, l’automne ou la nuit. Le soleil, comme l’amour, est une question de cycles et quand il disparaît, il n’y a plus qu’à prendre son mal en patience, chérir ses souvenirs lumineux et attendre qu’il revienne comme le scande Local Natives dans « Sun Hands ». Pire, une éclaircie dans la vie ne fait jamais disparaitre définitivement les idées sombres, celles qui sont marquées la vie et la musique des génies torturées Sparklehorse et Barbara.
Enfin, s’il fallait choisir une chanson, alors cela pourrait être « Staring at the Sun » de TV on The Radio. Car quand on fixe le soleil, qu’on soit bien ou mal dans sa peau, on prend conscience de son état, de sa pauvre condition d’être humain dominé par la nature, la vie, la mort. Alors, autant que faire se peut, faisons jaillir la lumière de nos mornes existences, comme une réponse au soleil qui scintille au-dessus de nos têtes.
Et maintenant place à la musique dans cette playlist qui comporte donc de la pop, du hip-hop, des musiques électroniques, de la soul, du reggae ou du rock car la richesse du traitement de ce thème n’a d’égal que les différentes façons de le mettre en musique. 24 morceaux comme autant d’heures dans une journée. A ce sujet, vous pouvez justement écouter et regarder le formidable Road One de Sigur Ros, d’une durée de 24 heures, à l’occasion du solstice d’été en Islande.
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