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Collectif Dix-15, le crew qui accompagne les jeunes artistes à Mayotte

De l’extérieur, rien n’indique la présence d’un studio de musique dans cette ruelle de Petite-Terre, la seconde île habitée de Mayotte. De l’intérieur, on est également surpris par les conditions de travail dans lesquelles évolue l’équipe : une cuisine transformée en secrétariat, une petite pièce dédiée à la production, une autre à l’enregistrement. Fin de la visite. Pourtant, derrière cet équipement sommaire, se cache un travail immense réalisé par le collectif dix-15 en termes de sensibilisation à la production musicale auprès des jeunes. Rencontre avec Kais Darouechi, le coordinateur de l’association.

Quand l’aventure du collectif a-t-elle commencé ?

Kais Darouechi : On fait ça depuis 2013 mais au début on fonctionnait en tant que groupe de musique. On était une dizaine et on chantait. On est passé en association vers 2015 – 2016 et c’est là qu’on a commencé à monter des demandes de subventions. Pour ma part, je suis membre fondateur du groupe Dix-15 mais pas de l’association.

Quelles sont les missions de l’association ?

L’association accompagne des jeunes adultes pour faire de la musique, dont certains ont déjà quelques sons sur YouTube. On n’a pas forcément de style musical, tout dépend du jeune qui vient nous voir. On essaye de faire un parallèle entre ce qu’il aime faire et ce qu’il doit faire pour s’en sortir dans la vie. Le but ce n’est pas de dire : « nous ? on fait du zouk ». Amène ta direction et on t’accompagne. Mais en principe, ce sont des artistes qui sont dans l’« urbain ». Certains ont déjà une forte visibilité, en tout cas sur le territoire.

On accompagne aussi des plus jeunes, on fait des ateliers d’écriture en langue française mais surtout en langue mahoraise, des ateliers d’enregistrement studio, des ateliers pour la présence scénique. On travaille sur le logiciel audio Cubase Pro 11 (Steinberg). Quand on les amène au studio pour faire des sessions d’enregistrement, on simule des sessions studio donc on essaye de faire en sorte qu’ils soient autonomes. Aujourd’hui, ils sont capables de s’enregistrer, de chanter, mais pas de mixer parce que ça demande trop de compétences. Ensuite, on prend une salle on simule un concert et on travaille leur présence scénique. Sur demande, la mairie de Pamandzi ou celle de Labattoir nous prêtent des salles. Donc c’est une association qui encadre des jeunes qui aiment la musique, afin qu’ils ne sortent pas trop dehors et finissent par traîner dans la rue à faire des bêtises. On fait même un travail sur le développement personnel et l’insertion professionnelle parce qu’il y a beaucoup de jeunes qui ont arrêté l’école. On essaye de faire découvrir aux jeunes leur savoir-faire et leur savoir-être à travers la musique. Parfois, on voit avec eux comment faire un CV, comment se présenter à un rendez-vous. Mais on n’est pas assez nombreux pour pouvoir gérer tout ça.

Combien êtes-vous à travailler pour l’association ?

On est trois salariés, l’ingé-son qui s’occupe de toute la partie studio, l’assistante de direction et moi le coordinateur. Il y a également les membres du bureau et les adhérents qu’on doit renouveler cette année. On a aussi des intervenants bénévoles qui viennent proposer des ateliers, et l’association travaille avec deux beatmakers qui sont à Madagascar, qui composent et nous envoient leur travail ici. En fait on s’organise en fonction des jeunes qu’on a… et aussi du budget qu’on a.

Recevez-vous beaucoup de jeunes artistes ? Et le public est au rendez-vous ?

Comme l’île de Mayotte est petite, on se connaît tous. On n’a pas besoin de communication sur les réseaux, tout se fait au bouche à oreille, et ça tourne assez vite. En 2020, on avait un objectif de 17 jeunes à accompagner et on est monté jusqu’à 24. Le financement ne permettait pas de faire les 24 mais l’association a pris sur elle pour permettre d’accompagner les jeunes supplémentaires. Au total, ils ont fait environ 60h d’atelier et 30h de répétitions.

Justement, d’où viennent vos financements ? Avez-vous des partenaires qui vous accompagnent ?

Pour acquérir le lieu et le matériel, on a fait appel à différents financeurs et partenaires : la Direction des affaires culturelles (DAC), la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS), la Direction régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES), puis la Communauté de communes de Petite-Terre. On a aussi comme partenaire la mairie de Labattoir qui nous donne des classes d’écoles pour faire des ateliers d’écriture.

Comment l’association vit-elle avec la crise sanitaire ?

La situation sanitaire a compliqué les choses. Par rapport à l’accueil, c’est compliqué parce qu’ici c’est petit. En classe c’était facile parce qu’on pouvait mettre des distances. On a donc été pas mal en stand-by. On espère reprendre rapidement car toutes les activités ont pris du retard. Afin de pallier ce retard, nous avons sollicité un partenariat avec le collège de Pamandzi pour la mise à disposition d’une de classe pour des ateliers, en plus de la salle du studio d’enregistrement. Il n’y a pas eu de vrai concert depuis 2020 donc les jeunes n’ont pas pu effectuer de réelle prestation. Au final, on se concentre surtout sur la maitrise scénique et la finalisation des morceaux en studio avant de les promouvoir.

Quels sont les projets et les perspectives d’avenir pour l’association ?

Le président a envie de continuer les ateliers car il a des retours des jeunes qui sont contents, et augmenter le nombre d’intervenants lors de ces ateliers. On avait réussi à avoir des artistes déjà engagés sur le territoire qui ont un minimum de visibilité pour aider à écrire, et justement les jeunes ont beaucoup aimé ça. Il a aussi envie de développer les clips vidéo. A moyen et long terme, l’objectif c’est de pouvoir donner à ces jeunes une vision sur le fait qu’on peut vivre de la musique. Comme ça prend du temps, on ne veut pas qu’ils délaissent les études parce qu’il faut quand même aller chercher du travail. Dans nos plus grands rêves on aimerait arriver à un moment où la musique fait vivre des gens à Mayotte. On peut créer de l’emploi ici par rapport à ça. Les grands artistes d’ici disent qu’on ne peut pas vivre de la musique à Mayotte. Pourtant, en dehors de l’association, j’ai une société de production et d’édition depuis 2019 et elle est encore là. J’ai été formé par un label en France métropolitaine sur le business lié à la musique. J’ai retravaillé mon idée par rapport à Mayotte mais on peut tout à fait en vivre. D’ailleurs l’association produit l’album de l’artiste mahorais Bodo, dont je suis le manager. Sur cet album, on a été en mesure de créer des partenariats. Bien qu’il avait un style plus adapté aux plus de 35 ans, il a réussi à s’adapter pour toucher un public de moins de 18 ans. Il a réussi à mélanger ces deux univers et en faire un produit pour tous les habitants de Mayotte et ça a marché. On attend quelques financements encore pour continuer les actions.

En tout cas à Mayotte on sent véritablement une montée en puissance dans la volonté et la nécessité d’encadrer les artistes. D’ailleurs on collabore avec un autre studio pour développer un bureau Sacem afin que les artistes puissent faire facilement leurs déclarations et se fassent accompagner par rapport à leurs droits d’auteur. Je suis éditeur à la Sacem et le travail d’éditeur consiste à gérer tout ce qui est dépôt, répartitions, contrats, conflits, droits d’auteur, demandes de subventions. Je dois aussi faire un travail au niveau de la diffusion. La Sacem n’est pas en mesure de savoir précisément où et combien de fois a été joué ton son, il faut donc arriver à avoir des relevés de diffusion. Ici il n’y a qu’avec NRJ et Mayotte la 1ère qu’on peut avoir une trace des diffusions. À Mayotte, les artistes ne sont pas du tout sensibilisés et informés sur cette partie du métier d’artiste. Et c’est le travail qu’on essaye de faire avec la DAC également ; on va tenter de débloquer un budget pour inscrire les auteurs-compositeurs à la Sacem et payer leur adhésion !

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