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Cinq livres de contre-culture musicale conseillés par les Éditions Allia

C’est bien simple, à chaque fois qu’on ouvre un ouvrage de la collection aux couvertures minimalistes, la séduction opère. Le bientôt quarantenaire éditeur français Allia ouvre les portes de la perception plus vite que son ombre, et explore les champs de la philosophie et des arts avec insolence. Un contre-pouvoir littéraire populaire qui n’a besoin que de nous pour lui permettre de poursuivre sa folle course poursuite et ses virages au frein à main. On a demandé à l’équipe de nous conseiller et commenter cinq bouquins musicaux de son catalogue. Exercice relevé avec brio.

Les éditions Allia ont vu le jour en 1982. Leur délire, on vous l’expliquait en 2018 : donner la parole à des textes négligés à tort par les autres éditeurs tout en donnant la part belle aux auteurs contemporains, dans le but de diversifier et satisfaire un lectorat pointu. Une plongée dans le précis, des rétrospectives en pagaille et un fort caractère social.

Si vous êtes amateurs de musique, vous avez sans doute déjà feuilleté un de leurs livres, dont une bonne partie est consacrée aux différents mouvements (musicaux, historiques, philosophiques) qui ont émergé au fur et à mesure des années. Au total, les Éditions Allia accumulent à ce jour plus de six cents ouvrages dans leurs rayons, qui vont des traités de philosophie à des textes de Marx en passant par des romans sur l’histoire du punk et du reggae. Il y en a pour tous les goûts.

Comme on les aime d’amour dans notre coin et qu’on a trop peur de leur proposer de sortir avec nous au bal de fin d’année, on leur a soumis l’idée d’une petite selecta de bouquins de musiques bien de chez eux. Voici donc l’équipe des Editions Allia à la plume pour nous parler de cinq bouquins : d’abord signé Nik Cohn, le « premier livre sur le rock’n’roll » selon le mythique rock critic Greil Marcus qui publie d’ailleurs pour l’éditeur une encyclopédie de la subversion entre les Sex Pistols et Guy Debord, puis une bio de Jerry Lee Lewis par le non moins excité du bocal Nick Tosches, mais aussi une histoire du post-punk par Simon Reynold et enfin la belle odyssée de la house music par David Blot & Mathias Cousin.

Nik Cohn – A Wop Bop A Loo Bop A Lop Bam Boom

Awopbopaloobopalopbamboom

Enfant, Nik Cohn voit sa vie basculer en entendant pour la première fois Little Richard éructer « A Wop Bop A Loo Bop A Lop Bam Boom ». Jeune adulte, en 1969, il signe le « premier grand livre sur l’histoire du rock’n’roll » selon Greil Marcus. Avant que n’advienne l’âge d’or de la critique musicale, Nik Cohn fut en effet le premier écrivain à ne pas considérer le rock comme un simple phénomène de mode ou un banal divertissement. Avec un enthousiasme adolescent, il livre un regard éminemment personnel, et parfois très drôle sur les grandes icônes de la pop des années soixante. Très tôt, il prend le contre-pied du phénomène de sacralisation des pop stars, et se montre un critique intraitable. En témoigne cette description de Bob Dylan, qui à l’époque était encore loin de son prix Nobel de littérature : « Question technique, il était nul : il jouait mal de la guitare, mal de l’harmonica, ne chantait presque jamais juste et possédait une voix moche, nasillarde, geignarde ». Il va sans dire que dans le petit monde de la critique musicale une telle liberté de ton est rare, voire sans équivalent.

Simon Reynolds – Rip It Up and Start Again

Rip it up and start again

Avec Rip It Up and Start Again, Simon Reynold ne se présente pas seulement comme l’un des plus brillants critiques de sa génération : il propose ici un véritable travail d’historien pour retracer l’épopée post-punk. Par delà la dimension encyclopédique de l’ouvrage, il s’attache tout particulièrement à inscrire son objet d’étude dans le contexte d’une époque minée par les tensions sociales et les conflits internationaux. Il livre ainsi un récit érudit, truffé d’anecdotes, sur l’une des périodes les plus passionnantes de l’histoire du rock. Il décortique une à une les différentes scènes post-punk : de la cold-wave du groupe mancunien Joy Division, à l’art-punk déglingué de Devo dans l’Ohio… sans oublier les scènes de New York, Londres ou encore Los Angeles. En ressort un livre définitif : un véritable outil de réflexion pour comprendre les aspirations esthétiques et politiques d’une avant-garde musicale au temps du néolibéralisme.

Nick Tosches – Hellfire

Hellfire

On aurait tort de présenter Nick Tosches comme un écrivain doublé d’un rock critic. Car chez lui les deux activités se confondent pour ne faire qu’une. La preuve avec cette « biographie » hallucinée de Jerry Lee Lewis. Tosches réussit l’exploit de raconter en détail la vie d’une des légendes du rock’n’roll, avec un ton prophétique, digne des plus grands écrivains américains. Il revient sur le parcours chaotique de ce musicien pionnier, qui a mené une vie digne d’un roman policier, sur fond d’alcool, de drogues et d’arrestations en tout genre. L’ouvrage peut ainsi être lu la fois comme un précieux document sur la vie d’un brillant musicien, mais aussi comme une œuvre de littérature à part entière, capable de ravir un individu peu familier de la musique de Jerry Lee Lewis.

Greil Marcus – Lipstick Traces

Lipstick Traces

Lipstick Traces est le livre culte d’un auteur qui l’est tout autant. Intellectuel pop devenu historien des marges et des avant-gardes, Greil Marcus signe ici « une histoire secrète du XXe siècle », véritable encyclopédie de la subversion où se croisent les Sex Pistols, Guy Debord, le mouvement Dada, le rock’n’roll, les gnostiques du Moyen Âge… Comme si tous les courants souterrains de la révolte convergeaient en un seul livre ! On suit ce fil invisible comme un fil d’Ariane jusqu’au cœur de ce labyrinthe érudit, électrique et fou, en cornant les pages fébrilement, en notant des dizaines de noms de groupes, d’artistes, d’écrivains, de révoltés.

Paru en 1989, traduit en français aux éditions Allia en 1998, ce livre situé sur la ligne de faille entre pop culture et contre-culture fut un séisme. C’est aujourd’hui un classique, réédité en 2018 à l’occasion de son vingtième anniversaire, dans une édition revue, corrigée et augmentée, illustré par une nouvelle iconographie.

David Blot & Mathias Cousin – Le Chant de la machine

Le Chant de la machine

Le Chant de la machine, c’est l’épopée de la house music racontée dans une bande dessinée devenue mythique. Cinquante d’ans d’histoire que l’on parcourt au pas de course, au long d’une virée miraculeuse qui nous emmène dans tous les clubs légendaires (Paradise Garage, Studio 54, Palace, Hacienda), à la rencontre des grandes figures, de New York à Chicago, de Detroit à Manchester….

D’un noir et blanc hachuré somptueux au début du récit, le style devient plus abstrait et coloré au gré des montées d’acides de la rave culture : de quoi mettre d’accord les amateurs de musique comme ceux de bande dessinée ! Chaque chapitre est accompagné d’une playlist, le tout préfacé par les Daft Punk. Passion, fièvre, danse : votre cœur fera boum.

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