Sept ans qu’on attendait que Chloé prenne le temps de donner une suite à One in Other, son dernier disque. Une éternité. Puis Endless Revisions est arrivé fin octobre, on l’a fait entrer en nous par chacun des pores de notre peau. Aujourd’hui on se décide enfin à vous en parler.
On a quitté Chloé sur la piste du Cabaret Sauvage, le sourire jusqu’aux oreilles, main dans la main avec Vassilena Serafimova. C’était il y a un an, pour le tournage de notre série Variations. Depuis, elle ne semble pas s’être ennuyée. Cet hommage à Steve Reich a continué à vivre à travers une dizaine de dates, mais surtout, Chloé a décidé de se libérer du carcan Kill The DJ, son label et tourneur de toujours, auquel elle a toujours été étroitement associée, parfois jusque dans ses combats militants. Une petite révolution pour celle qui a fait ses armes au Pulp, aux côtés de Jennifer Cardini, Ivan Smagghe et consorts.
Nouvelle structuration, nouveau label, 2017 est l’année où les cartes ont été rebattues. « J’ai monté Lumière Noire, l’idée est surtout de sortir des artistes que j’adore, connus, pas connus, des coup de cœur, des morceaux de musique électronique ou pas forcément ». Sutja Gutierrez, Inigo Vontier, Il est Vilaine, et sa première BO de long métrage pour le film « Paris la Blanche » sont venus montrer, en quelques mois, que le rôle de DA va aussi très bien à Chloé. On ne s’est toujours pas remis de The Legend Of Time, EP bien fucké de Sutja Gutierrez, à ranger à côté de vos meilleurs Red Axes.
Et voilà « Endless Revisions », donc, qu’on attendait un peu fébrilement. One in Other nous avait transpercés par le climat immédiat qu’il instaurait, par son audace contemplative aussi. Notre petit cœur gelé attendait la suite depuis six hivers. « Endless Revisions, je l’ai fait de façon sereine puisque je ne me suis pas donné de deadline précise, c’était un des intérêts de monter mon propre label. Sur ce disque je me suis un peu plus ouverte à des propositions de collaborations [Rhys Chatham, Alain Chamfort et ses gorgées de gin, Nova Materia et Ben Shemie, chanteur de Suuns, ndlr] qui ont chacune un univers bien différent et à la fois très particulier. » Une évolution claire pour Chloé qui, jusque là, travaillait surtout sa propre voix.
Et puis il y a « The Dawn ». Un morceau énormément playlisté depuis sa sortie il y a quelques mois, propulsé dans les hauteurs des charts par un remix de Dixon. La version originale de Chloé est bouleversante, étalée sur plus de 9 minutes. « Je voulais que ce titre soit long, narratif, et qu’il évolue lentement, que ça soit un morceau autour de la mémoire, du souvenir. C’est ce qui constitue chacun de nous. Il y a à la fois des éléments organiques qui évoluent – des matières, des bruits, qui se transforment progressivement en musique – et la voix de ma mère (qui est Anglaise), qui essaie de raconter un souvenir. Ce qui me touche c’est la manière de raconter finalement, parfois quand on cherche dans les souvenirs on a du mal à se rappeler. Je trouvais ces accidents assez touchants aussi ».
Quinze ans après son premier EP (Erosoft, sur Karat), Chloé prouve encore son immense talent de productrice, à l’inspiration toujours aussi fertile et déroutante. Un disque passionnant de bout en bout, sans coup de mou, dont on sent que chaque détail a été mûrement pensé. Une magnifique éloge à la lenteur, en délicieux décalage avec notre époque. On espère qu’il lui permettra d’aller séduire d’autres petits cœurs givrés au-delà de nos frontières.
Endless Revisions est écoutable en intégralité ici.
Photo : Alexandre Guirkinger (home) et Philippe Levy.
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