Artiste cosmopolite, Cheikh Lô parcourt le monde en chansons depuis 40 ans. A bientôt 60 ans au compteur, le Sénégalais né au Burkina-Faso s’amuse à parcourir grandes et petites scènes du globe. Ce multi-instrumentiste et chanteur nous a confié vouer une admiration pour Charles Aznavour. « Comme lui, je ne prendrai jamais ma retraite. » Son dernier album solo réunit Tony Allen, Fixi, Flavia Coehlo et Ibrahim Maalouf. L’occasion de nous glisser quelques anecdotes sur eux, sans oublier deux maîtres de la musique africaine… Avant de finir sur un titre évocateur de « Balbalou », disque pacificateur et enjoué.
Tony Allen
Tony Allen ? C’est fou ça, j’ai passé toute la soirée d’hier chez lui. On a mangé ensemble avec Fixi. Je suis rentré à l’hôtel vers 00h30 pour dormir. Je ne connaissais pas l’endroit où il habitait, c’était l’occasion vu que je suis à Paris en ce moment. La première fois avec Tony, c’était aux États-Unis. Il y avait les Nubians. On avait fait une sorte de compilation. On jouait à trois un morceau de « Shakara » (album légendaire de Fela Kuti, le père de l’afrobeat) avec Manu Dibango au sax, Tony à la batterie – il vivait là-bas – et moi aussi à la batterie… Chacun d’entre nous avait son solo un peu blues à jouer. La connaissance s’est donc faite aux États-Unis, puis on a joué avec les Tribute of James Brown. J’ai fait une tournée européenne avec la section de vents de ce groupe, dont Maceo Parker, où je faisais la reprise de (It’s a Man’s) Man’s Man’s World. Si j’ai fait toutes les tournées européennes, il y a une date où Tony a joué avec ce groupe. En 2010, à l’apparition de mon disque « Diam », il a joué deux titres.
Fixi
Depuis Dakar, je suis en contact régulier avec Romain, qui travaille dans le label parisien (Chapter Two). Il m’a envoyé une partition de Fixi, de ce qu’il fait à l’accordéon. J’ai écouté et me suis dit tout simplement : « C’est fantastique ! ». Voilà comment ça a commencé avec Fixi.
Flavia Coelho
Je suis venu en octobre pour les additionnels de l’album. On a eu l’intervention de Flavia qui jouait pour la première fois à l’Olympia la veille. Avec l’équipe du studio, on a été la voir. C’était son show. J’ai vu une bête de scène africaine sur scène. C’est une petite fille mais qui a une énergie ! J’ai dit à Romain : « Est-ce que demain elle aura le temps et la force de venir chanter ? » parce qu’on avait calé une date en studio. On a été la voir dans la loge, tout le monde était heureux, ça buvait du champagne, rigolait… Les gens étaient heureux ! Je lui ai demandé si elle était prête pour chanter le lendemain. (Cheikh imite une jeune femme enjouée) « Oui, vivement demain ! ». Là où elle m’a impressionnée, c’est qu’elle te propose sa manière de chanter pour s’adapter à toi : « Tu la veux comme ça ou plutôt comme ça ? ». Flavia est une femme qui sait ce qu’elle veut et c’est bien de travailler avec elle.
Ibrahim Maalouf
Je ne l’ai pas encore rencontré. Je le vois demain. Dans le morceau « Balbalou », il a apporté sa touche. C’est une belle touche que j’ai aimé, que beaucoup de gens ont aimé aussi ici. Au Sénégal également, ils ont aimé la manière de jouer de Ibrahim Maalouf.
Fela Kuti
Je ne l’ai pas rencontré physiquement. Le jour de sa mort, j’étais en pleine tournée en Angleterre et lui était programmé à Glastonbury, l’un des plus grands festivals du pays qui réunit 100 000 spectateurs. On m’appelle : « Cheikh, Fela est décédé, on a pensé à toi pour le remplacer ». On a donc joué là-bas. Pareil pour Ali Farka Touré : on était de la même maison (ils avaient le même producteur) et je ne l’ai jamais rencontré. C’est fou ça !
« Baissons les armes »
un titre lie a l’actu ?
Oui, bien sûr ! C’est peut-être après que j’ai réalisé que j’aurai dû écrire une chanson sur les fabricants d’armes. S’il n’y avait pas d’armes, les gens s’engueuleraient mais se réconcilieraient ensuite. Il y a cette politique de mafia aussi derrière. Daesh et les fabricants d’armes sont en train de sacrifier le futur. La paix, c’est ce que tout le monde cherche. C’est dans la paix que tu t’épanouis. La paix apporte la santé. Imagine qu’il y a la guerre aujourd’hui, tu as de l’argent mais tu ne peux pas dépenser ton argent. Le boulanger est fermé, les boutiques sont fermées. On te dira de rentrer chez toi à 18h. C’est ça qu’ils veulent les gens qui font la guerre ?
Le Sénégal devrait être un modèle, au moins sur ce point… Sur le mélange entre les musulmans et les chrétiens. Il y a de la place pour tout le monde à vivre en paix. Je voudrais que tu dises sur ton site qu’il existe l’île de Fadiouth, au large du Sénégal. Je crois qu’à la base il y a 30% de musulmans et 70% de chrétiens (l’inverse du reste du Sénégal où les musulmans sont aujourd’hui 90% et où l’unité entre le christianisme et l’islam perdure). Les habitants se sont mélangés, ont fait des enfants depuis des générations et des générations. Le métissage fait qu’on ne se pose plus la question de savoir l’origine des gens.
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