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Ce que doit la techno croate à la vétérane Insolate

Parfois les sentiments les plus noirs procurent, dans un paradoxe douloureux, le plus grand des plaisirs. La dj et productrice Insolate nous démontre par a + b la véracité de cette analyse en produisant une techno dure, sombre et inspirée des tracks du raver matinal. On a donc laissé la déesse acidulée nous parler de fête à Osijek, de son oeuvre et de ses influences.

La Croatie du sable chaud caressé à l’eau turquoise d’Adriatique séduit de nombreux bikinis européens… Non, ce n’est pas de cette Croatie dont on parle. Y-en a-t-il vraiment une autre ? On ne la connaît pas. Comme de nombreux pays subsistant du tourisme de masse, les terres croates regorgent de paradoxes.

C’est alors vers Osijek que l’on s’envole. Cette ville marquée au fer rouge par la guerre de Yougoslavie en porte encore les marques. A première vue, une lourde atmosphère industrielle plane sur ce noyau du grand est croate. Les bars qui bordent la place principale sont constamment remplis de matinaux caféinés, de tôt buveurs, de fêtards de sortie de bureau ou quotidiens.

En se laissant guider entre les ruelles pavées, une cour sombre débouche sur un club caché. L’Epic, au nom évocateur, éclabousse de ses talent locaux la musique électronique. Les soirées durent avec brio jusqu’au lever du jour. Et c’est en ce lieu que l’on a aperçu une jeune dame blonde venant de ce micro-climat underground, une jeune dame explosant de musique angoissante. Son blaze actuel est Insolate, celle-ci a débutée très tôt dans les clubs de sa ville natale pour inonder aujourd’hui de nombreux clubs européens et mondiaux. Alors, on a voulu en savoir plus sur cette énigmatique artiste.

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INTERVIEW

Commençons par le commencement. Quels ont été tes premiers pas dans la musique ?

D’abord j’étais danseuse, je suis devenue dj par la suite. Les 90’s ont été énormes au début de la culture rave chez moi. D’abord c’était l’époque des free dans des lieux éphémères et des anciennes industries. Au départ, je restais seulement quelques heures en début de soirée puisque j’étais très jeune mais ces deux heures d’échauffement ont été suffisantes pour tomber amoureuse de l’ambiance, de la musique. Jusqu’à la fin des 90’s on a eu notre premier club, le Club Oxygène, avec chaque semaine des nuits house et techno. J’y suis devenue résidente et ça m’a beaucoup aidé pour grandir en tant que musicienne et jeune femme. Depuis ce moment-là la musique et moi sommes inséparables. Le mix est venu naturellement à moi. Les djs que je suivais ne m’ont pas enseigné comment mixer. J’ai juste essayé de faire comme je voyais faire et comme je le ressentais. Puis quelque chose de merveilleux s’est produit, de plus en plus de gens attendaient nos soirées et la scène a grossi jusqu’à dépasser la capacité du club lui-même. Un âge d’or clubbing à Osijek.

Comment le public de ta ville natale vit-il la musique électronique ?

Si tu construis le programme club de ta ville natale, tu es celle qui leur apprends le milieu, la musique et la culture rave. C’est une grande responsabilité puisque ton public devient un peu à ton image. Les gens d’Osijek adorent la fête, ils aiment la techno mélodique et douce comme les trucs bien plus hard. Beaucoup de nos invités nous disent que c’est un plaisir de jouer à Osijek parce que les gens sont ouverts et disposés à entendre ce que tu as à leur montrer.

Peut-on vraiment parler d’un phénomène clubbing à Osijek?

Osijek a toujours porté un grand intérêt pour la musique électronique. Ça a commencé après la guerre en guise de protestation. La jeunesse rebelle a trouvé un échappatoire dans la culture rave. Nous avions besoin d’être ensemble. Beaucoup d’entre nous ont été séparés de nos potes d’enfance. On a vécu des moments terribles. Osijek est une ville de 90.000 habitants, et nous avons un milieu techno sain avec beaucoup d’artistes techno non commerciaux qui, la plupart du temps, ont fait leurs premiers pas en Croatie. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a un phénomène de club en Croatie. Nous sommes aussi vraiment heureux que les habitants de nos pays voisins (Serbie, Slovénie, Bosnie ou Hongrie) viennent à nos soirées régulièrement.

Tes soirées Traum invitent de plus en plus de têtes d’affiches européennes et très bons artistes locaux en développement. C’était ton ambition de promouvoir le potentiel artistique de ta ville natale ?

On est un petite équipe de quatre : Volster, Kolek3k, Sub Effect et moi. Notre but était depuis le début de combiner un programme techno composé des meilleurs artistes underground et les meilleurs visuels et systèmes sons de la région. Chaque Traum a eu quelque chose de spécial, qu’elles se déroulent dans une vieille locomotive, sur un champ de tir, dans le hall de l’aéroport ou en club. On a toujours voulu donner aux gens la somme de nos plus belles expériences et ainsi rendre la leur d’autant plus inoubliable. On fait aussi beaucoup d’efforts pour promouvoir nos invités et leur musique. C’est très important que les gens soient bien éduqués. On leur donne tout et ils nous le rendent fois dix. Je suis tellement contente que l’on ait amené dans notre petite ville des artistes comme Dj Deep, François X, Milton Bradley, Paula Temple, Antigone, Etapp Kyle, Cassegrain, Janice et bien plus encore. Notre public respecte également les dj résidents et je suis heureuse de dire qu’à la dernière Traum, seulement avec des djs de Traum, c’est à dire Volster et moi, nous avons fait 6 heures de B2B et nous n’avions jamais eu autant de monde.

Tu as la casquette de dj, de productrice et promotrice. Peux-tu nous expliquer comment et pourquoi dépasser ton rôle d’artiste ?

Pour moi, ça a été à la fois une bénédiction et une malédiction d’être engagée dans tant de choses. J’aime me garder très occupée et c’est pour ça que je fais autant de trucs. Étant promotrice de Traum, directrice du label Out of Place records et productrice dans d’autres labels, c’est en m’écartant de la zone de confort limitée du dj que j’ai appris beaucoup de choses. J’en suis heureuse. Parfois, je m’épuise. Mais quand tu es obsédée par le fait de tout contrôler, c’est le prix à payer. C’est avec un travail acharné qu’arrivent les remises en question.

Dans quelles dispositions aimes-tu te mettre pour composer au mieux ?

La production est à la fois difficile et et très simple. Parfois tu te poses au studio durant des heures avec une énorme motivation de faire un truc, plein d’idées te viennent mais ça ne le fait pas. T’essayes de tout faire pendant des heures et tu finis par y perdre tes nerfs et l’intérêt. Dans ces cas-là, j’ai appris que la meilleure chose à faire était d’arrêter et de prendre une pause, prendre un jour off, aller marcher, aller à la gym, lire un bouquin, faire un truc sans rapport avec la musique quoi. Après, je reviens toujours au studio plus forte que jamais. C’est bizarre mais ça marche. Comme si j’avais rechargé les batteries… Comme des supers pouvoirs. Ensuite j’aime écouter quelques tracks ou sets qui m’inspirent et je suis prête pour entamer la session.

D’ailleurs, petit moment track id, qu’écoutes-tu en ce moment ?

En ce moment je passe énormément de temps en studio. Mais j’essaie de trouver du temps pour me reposer et éviter la musique électro. J’adore écouter Kate Bush, Sade, ou des morceaux posés des 80’s ou 90’s qui me relaxent. Allez, je te choisis « Running up that hill » de Kate Bush ou « Space Oditty » de David Bowie.

Peux tu nous en dire plus sur tes projets récents ?

2018 a commencé fort avec la sortie de l’EP Indigo Blues sur le label grec Modular Expansion, 4 tracks principalement acid. Ensuite, il y a eu la sortie d’un autre EP Proletarijat 005 sur le label techno suédois Proletarijat début mars, et qui a une histoire vraiment spéciale. Il est entièrement dédié à et inspiré par mon grand père, un personnage extraordinaire, toujours heureux, rempli de joie et prêt à danser. Il était aussi un membre du mouvement des Partisans en Yougoslavie et un fervent combattant pour la liberté et l’unité. Etant donné que les disques qui sortent sur Proletarijat sont pleinement engagés avec un message anti-fasciste, j’ai été plus qu’heureuse de mettre son visage sur la couverture et garder ainsi en mémoire son travail et sa vie pour toujours. Une nouvelle sortie vinyle (l’EP Obscure Object Of Desire) est enfin sortie fin mars pour le label uk User Experience et est inspiré de mes débuts, avec ce son rave si populaire à l’époque que je suis heureuse que JoeFarr soit l’auteur du remix.

Ta musique est assez sombre, comment tu l’expliquerais à ma grand mère ?

D’abord, on doit expliquer aux grands mères que le dark n’est pas badant et qu’il apporte des sentiments de joie. Peut-être qu’elle devrait mieux comprendre si je décrivais ceci par un sentiment qu’elle a ressentie lorsqu’elle a dansé sur sa chanson préférée.

L’hiver rude a-t-il influencé ta dark-touch ?

Les hivers rudes et les étés chauds ont certainement un rapport avec ma musique sombre et ma personnalité chaleureuse. Je n’avais jamais pensé à ça mais ça peut surement être l’explication.

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