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Municipales : échec et SMAC ?

Lors des municipales 2014, 155 villes de plus de 9 000 habitants ont basculé de gauche à droite. L’impact de ces changements de majorité ne pourra être connu que dans quelques mois. Voire quelques années. Mais les conséquences se font déjà sentir pour certaines villes, notamment sur les politiques culturelles en matière de musiques actuelles : Evreux, Tours, Vendôme, Saint-Ouen… Petit tour d’horizon de ces villes où les élections ont déjà fait de la casse.

Les musiques actuelles n’ont clairement pas été un enjeu central de ces municipales 2014. Pourtant, dans plusieurs villes, le changement de majorité semble déjà avoir de lourdes conséquences. La logique est souvent la même : en cette période de crise, il faut faire des économies. Et les projets culturels, notamment sur les musiques actuelles, se retrouvent souvent en première ligne. Pour Vincent Launay, directeur culturel du Temps Machine, « la plupart des SMAC parviennent à faire beaucoup avec des moyens raisonnables, bien loin des budgets d’un opéra ou d’un symphonique. Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui encore les musiques actuelles ne parviennent pas à s’imposer comme légitimes auprès de certains décideurs, puisque non académiques. Les clichés ont la vie dure. »

C’est justement à Tours et à Evreux que la question a été clairement posée pendant la campagne. Dans ces deux villes, le candidat UMP (et désormais nouveau maire) a pris position de façon très claire : à Evreux pour stopper les travaux de la SMAC (censée remplacer l’Abordage), à Tours pour remettre en question l’avenir du Temps Machine, nouvelle salle située sur la commune de Joué-lès-Tours.

Pour Vincent Launay, tout est parti d’une simple prise de parole d’un député-maire UMP de l’agglo (alors vice-président de l’agglo qui, depuis, en est devenu le président) : « Probablement, ça n’aurait pas du aller plus loin que la boutade facile d’un politicien devant un public convaincu. Un truc du genre : « tant d’argent dépensé pour si peu de spectateurs. » Mais c’était sans compter sur la présence de la presse locale qui a décidé de rebondir quelques jours après sur le sujet et a eu le délicieux goût de réaliser un dossier au sobre titre de – Pour ou contre le Temps Machine – Maintenant, la campagne est terminée, les couteaux sont rangés et la droite a remporté Tours, Joué-lès-Tours et par voie de conséquence l’agglomération. On est désormais dans l’attente. Le maire de Joué, après nous avoir chargé pendant la campagne, dit désormais ne jamais avoir mis les pieds au Temps Machine mais qu’il trouve sa programmation de qualité ! « .

Le Temps Machine, remis en cause pendant la campagne, espère finalement la continuité du projet tel qu’il est mais reste vigilant. Une remise en cause du cahier des charges de la délégation n’est pas encore complètement à exclure à terme. Il faut dire qu’il parait plus compliqué d’abandonner une salle ouverte en 2011 que de stopper un projet encore en cours de création. Ainsi, à Evreux, Guy Lefrand, le candidat UMP, avait annoncé de façon fracassante qu’il stopperait les travaux de la salle s’il était élu. En lieu et place de la SMAC, il proposait la création d’une MJC et d’un conservatoire. Dès le lendemain de son élection, un comité de soutien à la SMAC s’est formé sur les cendres d’un collectif qui existait depuis de longues années : le projet de SMAC date en effet de plus de dix ans. Le premier échec en 2006 avait conduit au départ de Jean-Christophe Aplincourt, aujourd’hui directeur de la SMAC du 106 à Rouen.

Quelques jours après son élection, Guy Lefrand a dû se positionner clairement sur la question puisque les travaux étaient en cours de réalisation. Il se retrouve pris entre ses promesses électorales et la réalité du dossier, bien plus complexe. Impossible en effet de stopper net les travaux. Et sa solution de faire du lieu une MJC et un conservatoire enlèverait le label SMAC et donc une grosse partie des financements (DRAC, Région, Département…). Aujourd’hui, le maire tente un grand écart en gardant la SMAC (pour les financements) mais en élargissant le plus possible le champ d’action du lieu. Il laisse aussi entendre qu’il n’est pas encore acquis que la gestion du lieu soit confiée à l’Abordage (en charge de la salle du même nom et du festival du Rock dans tous ses états).

A Tours comme à Evreux, même si rien n’est acquis, les annonces de remise en cause globale des projets de musiques actuelles semblent avoir laissé la place à une négociation beaucoup plus fine et à la marge de ces projets. Les postures idéologiques de campagnes ont laissé place au pragmatisme du terrain.

A Vendôme, la situation semble en revanche plus inquiétante : les élus veulent stopper net les travaux de l’espace Ronsard (ancien théâtre puis cinéma) entamés quelques jours avant les municipales. Figures Libres (qui organise le festival Rockomotives) a signé une délégation de service public qui court jusqu’au 1er juillet 2017 avec une entrée effective dans le bâtiment pour 2015. Selon Jocelyn Borde, directeur de Figures Libres, la structure devait occuper le club, pour y proposer une programmation à l’année et quelques spectacles pendant les Rockomotives : « Nous ne cherchions pas à faire de ce lieu une SMAC mais un pôle pouvant interagir harmonieusement sur le territoire. L’idée était de réfléchir à toutes les passerelles possibles avec le Chato’do à Blois pour avoir un projet départemental fort sur les musiques actuelles où les compétences seraient harmonisées (résidences, répétitions, actions culturelles, etc.).« 

Le 18 avril, Pascal Brindeau, le président de la communauté de communes (et maire de Vendôme) a signé une lettre stipulant qu’en vertu des attributions qui lui ont été déléguées, il procède à la résiliation du marché concerné. Cette décision arrête définitivement le projet. Un arrêt qui coûtera à la communauté qui doit payer une indemnité à l’entreprise mandatée (environ 90 000 euros). La Fédération régionale des acteurs culturels associatifs musiques actuelles (Fraca-MA) déplore cet abandon sans concertation. Et rappelle l’énorme gâchis : « Le projet voté par la CPV aura coûté environ 1.600.000 € (études, honoraires, travaux, indemnisation pour arrêt de travaux) aux contribuables pour rien et d’autre part perdra le bénéfice des subventions déjà attribuées : 1.200.000 €. Donc au total, c’est presque la moitié du coût du projet global… »

A Saint-Ouen, c’est le lieu Mains-d’Oeuvres qui se retrouve sur la sellette suite au changement de majorité. Ce lieu de résidence d’artistes (où Sourdoreille se plaît à avoir ses bureaux depuis trois ans), de répétition et de diffusion artistiques va devoir compter sans la ville qui vient de couper son aide financière. Le nouveau maire refuse en effet de donner de l’argent à une structure en difficulté financière qui accumule les retards de paiement de son loyer (le bâtiment étant la propriété de la ville).

Il existe pourtant des exemples de villes ayant basculé à droite sans que cela n’inquiète, a priori, les structures de musiques actuelles locales. C’est le cas à Reims où la nouvelle majorité semble décider à continuer la politique de financement de la Cartonnerie. Gérald Chabaud, directeur du lieu, précise : « La Cartonnerie, étant une Régie Personnalisée, a un conseil d’administration composé d’une majorité d’élus du conseil municipal. Ce sera donc le troisième depuis l’ouverture du lieu, le premier ayant eu une majorité de droite, puis au deuxième une majorité de gauche, puis aujourd’hui de nouveau à droite. Question alternance, on est servi. J’essaye toutefois, d’en limiter les conséquences, parlant plutôt de servir la population d’un territoire dans le cadre d’un service public culturel, quelque soit le résultat des urnes. Jusqu’à présent, cela a fonctionné. J’espère qu’il en sera de même pour les 6 ans à venir. »

On remarque enfin dans plusieurs villes une volonté de promouvoir (et donc de financer) prioritairement les événements ponctuels (type festivals) à forte résonance régionale voire nationale. A Evreux et à Vendôme, les nouveaux maires ont ainsi annoncé leur soutien aux festivals (Rockomotives et Rock dans tous ses états) mais se montrent plus sceptiques sur le financement des lieux à l’année, bien plus coûteux et offrant une visibilité moins forte. Un positionnement difficilement tenable pour Hedi Hassouna, directeur artistique de l’Abordage : « L’activité à l’année et le festival sont, de notre point de vue, indissociables. Le festival et la saison se nourrissent l’un et l’autre. La saison permet de travailler, connaître et structurer son territoire, de professionnaliser les équipes, d’entretenir les réseaux, notamment les tourneurs, toute l’année. »

Pour le directeur du Temps Machine, ce positionnement des élus s’inscrit dans une vision plus générale des objectifs confiés aux structures culturelles : « Malheureusement, de plus en plus, la culture est considérée comme un outil au service de la communication ou comme un outil d’attraction touristique. De plus en plus souvent, la confusion ou le mélange volontaire se fait entre divertissement et politique culturelle. »

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