Malgré le temps, la révolution poétique des années 60 continue d’être portée avec douceur et folie par Brigitte Fontaine. Un militantisme existentialiste loufoque partagé sur la scène française avec Higelin, son frère de cœur.
Ce mercredi 13 Novembre au Bataclan, un inévitable paradoxe émane de la foule attendrie : si la sorcière a vieilli, l’enchantement opère toujours. Soutenu musicalement par Hareski, son éternel et omniprésent compagnon, l’oisillon bat des ailes fébrilement sur scène, laissant voir toute la fragilité et la grâce de la poétesse. Un trône d’osier siège au centre de la scène, mais elle reste la majorité du temps sur ses pieds à esquisser des danses chaloupées, dans des tenues diverses inspirées par une idée un peu surréaliste du fashion.
Introduit par une improvisation musicale, un entracte s’impose néanmoins au bout d’une demi-douzaine de chansons, histoire de ne pas défier le miracle divin de la vie en présentant son nouvel album : « J’ai l’honneur d’être ».
Si les mots sont parfois difficilement audibles en chansons pour les oreilles encore trop peu habituées à cette dernière œuvre, les transitions sont d’une drôlerie et d’une légèreté qui n’égale que la sincérité barrée de l’artiste : « Si vous avez trouvé la solution, une bonne nuit de sommeil, et, elle sera partie ! » ou encore « Dieu est un poids de liberté » clame-t-elle dans un sifflement de consonnes et une ponctuation qui hoquette.
Le son est résolument rock, expérimental, et ses six musiciens irréprochables. On alterne les parties rythmées dans Crazy Horse ou Au Diable Dieu avec des instants sublimes de poésie et de simplicité : un accordéon, un piano et ses mots, à Brigitte, qui font vibrer l’auditoire, majoritairement touché lorsqu’elle interprète Sur une mer gelée ou Delta. Une très fine minorité est goguenarde (la proximité avec le bar pouvant trouver l’explication à l’hilarité…), un brin irrespectueuse face à une femme originale, marginale et décalée, mais qui continue sur une ligne esthétique qui oscille entre littérature et musique, dans la majesté d’un équilibre précaire.
Son originalité ne tient peut-être que dans l’authenticité d’une crise existentielle permanente, source infinie d’inspiration sublimée par l’absurdité et la beauté joviale de vivre, qu’elle exprime à travers ses textes et ses chansons.
Le refrain et la dernière stance de Prohibition, sorti en 2009 sur l’album éponyme, résume l’artiste ovni français dans sa relation au monde, à autrui et à la vie : « Je suis vieille, et je vous encule, avec mon look de libellule, je suis vieille sans foi ni loi, si je meurs se sera de joie ».
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