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Boogarins, les nouveaux fleurons du psychédélisme brésilien

Dans la longue lignée de ces groupes comparés (à tort ?) à Tame Impala, Temples ou Ty Segall, il y en a un qui risque bientôt d’arriver à grignoter leur cheville : Boogarins. Depuis bientôt deux ans, c’est à coups de fuzz et de reverb qu’il se fraie un chemin parmi les plus grands. À la différence qu’ils sont Brésiliens, chantent donc en portugais et sortent à peine de leurs études. Portrait de jeunes rockeurs psychés à l’accent chantant.

Les jeunes pousses

Foto22Goiânia – Etat du Goiás – Brésil

À l’origine, ils sont deux. Natifs de Goiânia, en plein cœur du Brésil, Fernando “Dino” Almeida et Benke Ferraz sont encore minots quand ils se rencontrent au lycée, en 2008. Après les cours, parfois pendant, ils se retrouvent chez Benke pour bidouiller quelques morceaux. Les deux ont commencé la musique à l’âge de 12 ans : l’un dans une église, l’autre à travers ses études. Les deux sont touche-à-tout : voix-guitare-basse pour Dino, à peu près tout pour Benke. Sans même se trouver un nom, ils enregistrent des esquisses via le micro de leur ordinateur, pour le plaisir. Coup de chance : grâce aux canaux du grand Internet, le label new-yorkais Other Music (et pas Other People) les repère et les signe. Finalement, les ébauches deviennent fin 2013 une première toile, puissante et colorée, nommée As Plantas Que Curam (Les Plantes Qui Soignent).

Face à la dictature, un message :

« il est interdit d’interdire »

Écho direct à leur nom, le jasmin d’Arabie, ou bogarim en portugais, est une fleur très parfumée dont on dit qu’elle symbolise la pureté et respire l’amour. Chez ces ados, on sent un peu des deux, sans déborder dans le Kumbaya. À l’écoute, le son Boogarins provient de deux influences : la première est celle du mouvement culturel « tropicàlia » des années 60. Pour faire simple, ce courant éphémère est né au Brésil suite à la prise de pouvoir militaire de 1964 par Castelo Branco. Sa pensée tient en une phrase : « E prohibido prohibir », il est interdit d’interdire. Musicalement, on s’autorise la pop comme les ballades, le rock distordu comme la poésie concrète… C’est dans ce mouvement-là, entre autres, que les parents de Dino et Benke biberonneront leurs progénitures, à base de Caetono Veloso, Clube da Esquina et Os Mutantes. La deuxième influence, moins directe, c’est la scène actuelle dite « néo-psychédélique », dont les noms ont été cités plus haut dans notre introduction.

La presse s’en bat le…

 

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C’est un brassage de tous ces ascendants qui constituent le premier album de Boogarins. À sa sortie, les choses évoluent vite. Le groupe, passé en trio entre-temps, devient quatuor. La scène alternative goiâniaise, d’ailleurs réputée pour être la meilleure du pays, commence à les connaître, les reconnaître. Ils se détachent petit à petit de leurs boulots respectifs – quatre lieux pour quatre ambiances : école élémentaire, théâtre, études de psychologie et… cimetière. Ils prennent le rythme de leurs idoles, quittent le Brésil natal pour jouer en Amérique du Nord. Pris dans l’engrenage de la hype, ils s’exportent à l’international, tournent dans les plus gros festivals (Austin Psych Fest, SXSW, Primavera Sound, Lollapalooza), sont adoubés par la presse et le web spécialisés (Pitchfork, Rolling Stone) comme généralistes (New York Times ou le Guardian, s’il vous plaît)… L’emballement pour ces vingtenaires est mérité, quoiqu’un peu surdimensionné, comparé à celui dédié au reste de la scène brésilienne. Qu’importe, leur maturité indéniable les fait garder la tête froide, assez pour donner un petit frère au premier opus.

Un petit chez soi vaut mieux

qu’un grand chez les autres

Manual Ou Guia Livre De Dissolução Dos Sonhos (« Manuel Ou Guide Gratuit De Dissolution Des Rêves ») est le deuxième album de ces Brésiliens. Sorti le 30 octobre 2015, il est écrit pendant leur tournée internationale de six mois, pas étonnant donc d’y retrouver les mêmes sonorités. L’opus est en grande partie enregistré au studio espagnol Circo Perrotti, 100% analogique, puis terminé chez Benke. Un petit chez soi vaut mieux qu’un grand chez les autres. Encore une fois, c’est une réussite. Le parti-pris d’écrire dans leur langue natale, choisi dès le début et naturellement par le groupe, apporte une légèreté déconcertante. Pourtant, l’engagement est bien là : dans « Avalanche » par exemple, Dino dénonce l’impact de la Coupe du Monde Brésilienne de foot de 2014 sur les classes pauvres et moyennes. Pour le reste, l’album est composé comme un album, à la différence du premier qui n’était qu’un ensemble de morceaux. Le son est toujours aussi bon et s’il fallait trouver un bémol, on parlerait de répétitivité. On croise maintenant les doigts pour retrouver Boogarins sous un beau soleil d’été 2016. Pourquoi pas sur la scène du Fort de la Route du Rock ? Bizarrement, on le sent plutôt.

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