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Blind Digital Citizen : « Voir le monde au premier degré me semble une erreur fondamentale »

Hasard du calendrier, un an jour pour jour après les avoir filmé en session acoustique au Festival Panoramas, on a retrouvé cette fois-ci Blind Digital Citizen « à domicile », dans les locaux de leur label (Entreprise). On a rencontré les cinq compères qui défendaient leur premier album « Premières Vies ». Ils sont restés fidèles à notre souvenir. C’est-à-dire chambreurs, entiers et bavards. Un créneau qui nous parle.

Charles, t’es aux calviers du groupe Encore!Louis, à la batterie de Concorde. Considérez-vous Blind Digital Citizen comme votre side project ?

Charles : Non !

Louis : Pour l’instant, Concorde est en stand-by.

Charles : Tout s’est fait à la même période, mais Blind s’est fait avant Encore!. C’est vraiment la réunion de potes qui voulaient faire de la musique ensemble. On part beaucoup en vacances ensemble, par exemple. Ce n’est pas le groupe où chacun a sa position – truc à la basse, machin aux claviers – là, c’est vraiment la bande de potes. Non pas que Encore! ne soit pas mes potes, mais l’idée de départ est précise dans le genre musical : faire quelque chose de house rock. Blind, c’est plus dans le partage, chacun ramène ses influences.

Louis : Quand on joue avec Izia avec Charles, on a de l’affect aussi, c’est normal. L’essence de Blind se fait dans la liberté qu’on prend. C’est le seul projet avec lequel je pourrai encore jouer de la zic dans une cave dans 30 ans, sans la montrer à personne.

bdc

Êtes-vous des perfectionnistes ou des fainéants ?

Louis : Un mec qui avait vu François dans un concert lui avait dit : « Je déteste ce que vous faites. C’est de la musique de fainéants, de fumeurs de joints ». Il n’a pas peut-être pas tort. Même si…

François : … Si, il a tort car s’il voyait la gueule des sessions Pro Tools, il verrait qu’on est pas des fainéants. J’aurai dû lui casser la gueule sur le moment alors que j’ai été poli (Rires).

Florent : On passe énormément de temps à travailler nos morceaux. Nos structures musicales sont en permanente évolution. On n’en a rien à péter de devoir changer une chanson, quitte à la rechanger pour un set après. En ce sens-là, je ne pense pas qu’on soit fainéants. Par contre, se dire qu’on peut monter une chanson en une semaine sur nos cartes son pourries, si ça c’est de la fainéantise, OK… mais c’est de la bonne fainéantise.

Dans « Ravi », comment ne pas s’extasier devant vos paroles : « Ta mère est une pute / Ton père est un flic / Et tu marques des buts le week-end au foot ». Plus que l’explication de texte, dans quel état et à quelle heure écrit-on pareil couplet ?

François : Tu mets le doigt sur quelque chose de véritable. Ce morceau a été fait assez tard. Je ne sais pas s’il était tard dans la journée, mais il était très tard dans nos têtes. Au départ, ça part d’une jam de deux heures faite en vacances. Pas mal de choses partent à l’oral, que ce soit dans la musique ou les textes. T’as plein de matières à sculpter que t’extrais ensuite. Pour l’album, sur les trois dernières années, on était dans cette optique : travailler au calme pour retrouver la petite graine, tout en essayant de déstructurer la chanson.

Étant donné que c’est toi qui chante, tu finalises les textes ?

François : Certains textes, ouais. Sur l’album, “Fantôme” a été coécrit avec Flo, il y a Jean sur “Parachute ». Flo fait aussi un travail d’écriture. Après, on en discute. Pareil sur les compos. Même sur le dessin : c’est Jean qui tient le stylo mais on en parle ensemble.

Vous le prenez mal si je dis que vous êtes plus un groupe à voir qu’à écouter chez soi ?

François : Ce n’est pas forcément un truc que t’écoutes en buvant un thé avec ta grand-mère, mais tu l’écoutes bien tranquille dans ton canap’ en fumant.

Charles : En bagnole aussi. Ça s’écoute bien en voyage : en train, en avion.

Florent : T’as clairement deux propositions différentes dans le projet, entre le live et le studio. Ça suscite aussi la créativité de ne pas vouloir faire la même chose sur scène que sur le disque. Du coup, plein des gens sont plus frustrés quand ils écoutent le disque. D’autres s’attendent à voir des trucs sur scène, etc. Copier-coller les choses, ça nous emmerde. Donc naturellement, on va dans plein de directions.

Louis : J’imagine que notre musique est plus impressionnante en live, que tu t’en prends plus plein dans la gueule que sur skeud. C’est un enjeu dans le travail de studio d’arriver à trouver l’équilibre entre une énergie qu’on a envie d’avoir brute, et des trucs plus chimiques, plus chiadés. Est-ce qu’on veut un son de batterie plus rock, plus live ?

Le support semble important puisque Premières Vies sort en vinyle et en CD.

Florent : Le support ne doit pas guider la problématique, les idées ou la musique. Le support aide à développer la musique mais ce n’est pas le point de départ de notre réflexion. Il apporte la diffusion du projet. Que tu le sortes en numérique ou en physique, c’est pas ça le plus important, même si c’est un plus et que c’est cool d’avoir plusieurs supports stylisés. Les chansons en elles-mêmes, on les pense parce qu’elles nous font plaisir, qu’elles nous font ressentir des choses.

La violence est présente dans certains textes. Faut-il toujours vous prendre au second degré ?

François : Je ne connais pas le degré. Franchement, je pense que ça doit dépendre des moments où tu écoutes. Voir le monde au premier degré me semble une erreur fondamentale. Personnellement, quand je sors dans la rue et que je vois les choses, je déprime instantanément si je les prends au premier degré. Évidemment, il y a du second degré. « Ta mère est une pute, ton père est un flic », ça peut être une métaphore claire, par exemple,  pour dire que ta mère est une sainte.

Florent : Comme ça peut être pris au premier degré.

François : Le mec qui le prend au premier degré, il a tout faux.

Florent : Non, il n’a pas faux. Il l’écoutera comme il l’écoutera.

François : Il aimera pas.

Florent : Il y a des gens qui ont besoin de prendre des trucs de front, qui kiffent quand ça agresse.

François : Il y a plein de niveaux de lecture.

Florent : Ouais, c’est ça.

Vous avez une idée de votre public ?

François : Je crois que c’est assez varié. Des Algériens de 15-16 ans aimaient notre musique. Ce n’est pas le cas en France, où je pense que notre public a plus de 18 ans.

 Florent : Le projet n’est fait pour aucune tribu en particulier. Ce n’est pas comme un public facilement identifiable, comme quand tu fais du hip-hop ou du rock “rock”.

Louis : Des mecs qui n’ont pas notre culture musicale accrochent direct, mais ce n’est pas la majorité. Je pense que notre public est plutôt pointu-branleur. Il y a aussi pas mal d’anciens qui viennent aux concerts.

Dites-nous en plus sur votre tournée en Algérie qui a eu lieu en janvier dernier ?

Louis : On a été invité à l’Institut français d’Algérie, par le Fair.

Charles : On a fait cinq dates à travers le pays : Constantine, Annaba, Oran, Tlemcen et Alger sur une semaine sous escorte militaire.

François : Depuis la mort d’Hervé Gourdel, ils sont vraiment en panique sur les ressortissants français. Il y a des excès de zèle impressionnants. On a été confronté à quelques-uns d’ailleurs. D’un côté c’est bienveillant, mais pour les gens qui y vivent ça doit être chiant. En rentrant du boulot, ils se font arrêter au milieu de la route, presque à chaque rond-point. Quand tu changes de région, ils te font arrêter sur le bord de l’autoroute par exemple car tu ne pas passer comme tu veux. Tu peux te retrouver avec une file de dix personnes qui attendent le long de l’autoroute. C’était incroyable. Les salles de spectacles étaient géniales. A Oran, on a joué dans un petit théâtre à l’Italienne.

Louis : Un putain de théâtre plus grand que La Cigale quand même.

Charles : C’était magique.

Crédit photo : Pedro Meyer
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