Voir Black Country, New Road sur scène tient du miracle. Rares sont les groupes qui arrivent à survivre au départ de leur chanteur. Et pourtant, ils sont là, les six autres, sur la scène de la Route du Rock. La setlist intégralement dépourvue des morceaux d’Isaac Wood (ayant quitté le groupe en janvier dernier pour des raisons de santé mentale) n’est composée que de morceaux spécialement écrits pour la tournée. “Nous avons fait cela par respect pour Isaac, même s’il nous a autorisé à jouer les anciennes chansons, cela sonnait faux” nous confie Charlie Wayne (Batteur) et Tyler Hyde (Chant/Guitare). Ce choix audacieux fait d’abord douter les festivaliers : les nouvelles chansons seront-elles à la hauteur de Ants From Up There ? Quid du phrasé de Wood ? Et au fond c’est quoi Black Country, New Road ? Toutes ces questions s’évaporent en un roulement de batterie. Sans rien vous en dire, il est clair que le groupe est plus soudé que jamais et que cette nouvelle formule tient à la fois d’une évolution nécessaire et de l’hommage à ce que le collectif a construit jusqu’ici.
C’est votre première participation à La Route du Rock, comment se passe la tournée jusqu’à présent ?
Tyler Hyde : Très bien, mais ça n’a pas été facile de venir ici.
Charlie Wayne : Pas du tout, c’était un cauchemar logistique.
Tyler : La tournée s’est déroulée sans encombres jusqu’à ce que le van tombe en panne à Düsseldorf. On est donc allés à l’aéroport pour récupérer Nina, notre violoniste, et puis on a dû attendre quelques heures pour qu’une voiture vienne nous chercher et nous amène à Haldern pour un de nos concerts.
Charlie : Pendant ce temps, notre tour manager faisait une énorme crise d’angoisse, il ne pouvait pas y croire à tout ce bordel. Son premier objectif était de trouver une camionnette de remplacement, mais comme c’est la pleine saison des festivals, il n’y a pas de camionnettes de rechange. On a donc dû prendre quatre trains différents de Zurich à Saint-Malo. On a transporté tout notre équipement, comme dans le métro.
Tyler : On a dû laisser nos amplis et notre batterie à Haldern et on a pensé qu’on ne les reverrait plus jamais, mais tout va bien maintenant. Notre tour manager est enfin là avec tout notre matériel. Le van a été réparé, c’est un miracle.
Comment les tournées affectent-elles votre créativité et comment cela influence votre son ?
T : C’est parfois un peu frustrant quand on joue beaucoup de concerts, car c’est là qu’on réalise ce qui ne va pas dans nos chansons et ce qu’on veut en faire pour les changer et les améliorer. Mais nous on n’a pas le temps de faire ça en tournée, on n’a pas encore trouvé le bon équilibre pour écrire et tourner en même temps.
C : Les concerts que nous donnons sont relativement plus importants que tout ce qu’on a fait jusqu’à présent. Si on jouait dans des festivals plus petits, je pense que cela ne nous dérangerait pas de changer des choses, on ne se soucierait pas tant de faire un show qui nous semble « solide », digne du public qui paie pour nous voir jouer. C’est une sorte de courbe d’apprentissage pour comprendre qu’on peut encore le faire.
T : Oui, c’est une attitude qui doit changer pour nous, c’est sûr.
Quel est votre processus créatif lorsque vous êtes en studio, qui prend les rênes ?
C : Nous sommes un groupe assez constant dans notre façon de travailler, depuis le temps qu’on bosse ensemble. Et je pense que c’est dû au fait qu’on se fréquente beaucoup en tant qu’amis en dehors du groupe, ça a toujours été la base de notre façon de jouer ensemble. Mais aussi en tant que musiciens, je pense qu’on a beaucoup de respect les uns les autres et pour les instruments dont on joue. C’est beaucoup de conversations, de tests, et je pense que jusqu’ici ça marche.
T : Le squelette d’une chanson viendra toujours d’une seule personne du groupe et, à partir de là, tout le monde s’y mettra et verra ce qu’il peut apporter à la composition.
La pochette de l’album Ants from up there et la vidéo du morceau « Concorde » ont été largement parodiées sur les réseaux sociaux, quelle est votre réaction au fait de devenir un meme ? Quelle chanson de BCNR a le plus de chance d’être un tube sur TikTok ?
C : On a essayé de faire exploser une de nos chansons sur TikTok, ça n’a pas du tout marché (rires). Luke avait essayé de faire une trend avec « Good Will Hunting » mais ce fut un échec. En tout cas, je pense que c’est celle qu’on aurait choisie. On a eu beaucoup de chance de ne pas devenir TikTok famous.
T : Ouais, toutes les autres sont trop émotionnelles pour devenir des memes, peut-être « Chaos Space Marine » parce que c’est la plus stupide de toutes les chansons qu’on a écrites.
C : Pour ce qui est de notre musique qui se fait parodier… Ma mère lit tout ce qui est mis en ligne sur nous, mais quand il s’agit de memes, elle ne comprend pas du tout. L’autre jour, elle en a trouvé un qui imitait la pochette de notre album mais à la place de l’avion, c’était un sac plein de meths et ma mère était genre « Qu’est-ce que ça veut dire ?« . Je lui ai dit que la tournée était vraiment difficile pour moi…
T : Tu me manques, maman !
Je suis sûr que vous avez beaucoup d’influences différentes, mais quelle est la plus bizarre qui n’a pas encore été détectée ?
T : C’est tellement difficile de savoir quelles sont mes influences.
C : Quand on a enregistré Ants, j’écoutais beaucoup de Joyce Manor et de Title Fight.
T : Je n’ai jamais entendu cela avant, tu gardes ça sous silence.
C : J’en ai parlé à Luke parce que je pensais qu’il trouverait ça drôle. Mais ouais j’ai été inspiré par pas mal de heavy emo. Il faut dire que la batterie dans ce genre de trucs est incroyable.
Certaines personnes en ligne comparent les parties instrumentales de votre musique au Penguin Cafe Orchestra…
T : C’est cool, ce n’est pas un groupe qui revient dans nos conversations, mais ça m’arrive de les écouter.
C : Moi aussi !
T : Je pensais avoir reconnu une influence mais seulement après avoir enregistré quelque chose, c’est peut-être le genre de choses qui nous influencent inconsciemment.
Tyler a dit dans une interview que vous essayiez d’être moins chaotique sur Ants From Up There, est-ce difficile de prendre du recul sur ce que vous créez ?
C : C’est le cœur de notre processus de création. Lorsque nous travaillions pour le nouveau set, on faisait aussi ça pour Ants, on faisait une répétition et on enregistrait deux ou trois fois pour avoir une petite version de la chanson.
T : Comme un mémo vocal.
C : Et ça circulait dans le groupe.
T : C’est comme un devoir, comme à l’école, on rentre à la maison, on y revient, on travaille dessus.
C : Tu reviens en arrière, tu écoutes ta partie et tu penses : « Cela pourrait être tellement différent, cela pourrait être mieux« . Au téléphone, c’est plus facile d’entendre tout le monde et de se concentrer sur ce qui peut être amélioré. Je pense que c’est ce qui rend notre musique qualitative, ce qui nous fait avancer.
La tournée d’été de Black Country, New Road c’est l’histoire d’une réinvention, d’une renaissance, une ode à l’amitié éternelle. Les premières paroles de la nouvelle setlist sonne d’ailleurs comme une profession de foi : « Look at what we made together, BCNR friends forever ». L’avenir est radieux et rien ne peut arrêter la bande du Windmill.
Photo en une : Black Country, New-Road © Caroline Ruffault
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