Et si Bigger nous offrait une des rares raisons de sourire en ce début de printemps 2022 ? Le groupe franco-irlandais vient de nous livrer un lumineux premier album baptisé Les Myosotis. Nous les avons rencontrés afin qu’ils nous dévoilent les secrets de la cueillette de ce bouquet de fleurs vénéneuses.
Depuis quelques années déjà, à coup d’EP réussis et de concerts très convaincants, Bigger se fait remarquer pour son sens de la mélodie aiguisé, son goût pour les ambiances cinématiques et son élégance rock’n’roll chevillée au corps. Avec Les Myosotis, sorti le 5 février dernier, le groupe passe encore un cap avec des chansons finement ouvragées, fourmillant de détails et débordant d’âme.
Fièrement pan-européens
Avec intelligence, le groupe est allé débusquer au nord de l’Angleterre le producteur Jim Spencer (New Order, Johnny Marr, Liam Gallagher, The Vaccines…) pour la réalisation de leur album. Le Mancunien apporte une british touch inimitable aux Myosotis évoquant The Last Shadow Puppets ou les Arctic Monkeys.
Autre atout : le chant assuré par l’Irlandais Kevin Twomey combine accent impeccable et absence de prétention, rendant la musique de Bigger immédiatement attachante. Elle peut aussi compter sur le guitariste Damien Félix, dont les riffs surfs et abrasifs et les arrangements inventifs tissent des toiles magnifiques sur l’ensemble de l’album.
Nous avons rencontré l’ensemble du groupe, Kevin, Damien, Benjamin, Antoine et Mike pour en savoir plus sur l’histoire de ce bel album qui porte haut les couleurs du made in France, mais pas que.
Interview : Bigger
Votre album est sorti le même jour que le dernier single de Liam Gallagher ? Ça vous a fait quoi de partager l’affiche avec la dernière des rockstars ?
Mike (basse) : Il ne nous avait même pas prévenu ce traître ! (rires)
Plus sérieusement, comment s’est passé le processus d’enregistrement de l’album ?
Damien (guitares) : On avait tout calé pour enregistrer l’album juste avant le Covid. Le réalisateur, Jim Spencer, devait venir travailler avec nous en France. Et puis, l’histoire s’en est mêlée. Le calendrier a été complètement bousculé et les restrictions de déplacement ont changé tous nos plans.
Antoine (batterie) : Upton Park, notre label, a commencé à chercher des pays où il serait possible de nous retrouver entre français et anglais. Ils nous ont fait des propositions au Portugal, en Norvège, en Grèce… Nous avons fini par tomber sur ce studio incroyable à Dresden, en Allemagne.
Damien : Castle Studio se trouve dans un immense château, avec une communauté qui vit sur place et même un forgeron. C’est un studio gigantesque, avec une vraie chambre d’écho, un matos incroyable. On s’est retrouvé là en plein confinement, en huis clos total, coupés du monde. On dormait au studio avec Jim Spencer et Arno Jordan, le propriétaire des lieux, qui ne pouvait même pas retrouver sa famille qui habite pourtant à 20 mètres de là. C’était fin novembre, il faisait un froid glacial venu de Russie, avec un épais brouillard. On surplombait Dresden en entendant monter le son des cloches. C’était une ambiance très particulière.
Puis vous avez mis le cap sur le nord de l’Angleterre…
Kevin (chant) : Avec Jim, on s’est donné rendez-vous à Manchester, à Hope Mill Studio, pour enregistrer les voix et des overdubs de guitare. C’était à nouveau le confinement total : tous les pubs étaient fermés, tu imagines, et nous étions les seules personnes dans l’hôtel de 5 étages dans lequel nous dormions. On a eu des problèmes d’annulation de vols…
Pourquoi avoir choisi de travailler avec Jim Spencer ?
Antoine : C’est Upton Park, notre label, qui nous a proposé son nom. Dès la première visio, nous avons eu un coup de cœur général pour son approche très simple, très humaine. Il nous a proposé plein d’idées sans dénaturer le travail que nous avions fait en pré-prod.
Benjamin (claviers) : Ce que nous avons aimé aussi, c’est sa façon de vivre la musique. D’être dans l’émotion brute plutôt que dans un truc lisse et technique. Il était impressionnant pour ça.
Mike : Il nous incitait sans cesse à expérimenter. Il n’hésitait pas à prendre beaucoup de temps pour faire des essais pour finir par tout abandonner si ça ne le faisait pas. Mais quand nous avons eu la version finale de l’album, nous nous sommes rendu compte qu’il avait dès le début une vision très claire de là où il voulait nous emmener. Il a révélé plein de trucs dans nos morceaux.
Les Myosotis sont des fleurs symboles de la franc-maçonnerie, de la perte de mémoire, et sont aussi appelées fleurs de l’amour. C’est pour une de ces raisons que vous avez choisi ce titre ?
Damien : Pas vraiment, non. Pour nous, c’est une inscription gravée sur le frontispice du temple dans lequel tu pénètres en écoutant notre album. C’est un mot aussi qui a une part d’exotisme, qui correspond à une direction que nous avons prise sur l’album : nous avons élargi notre palette sonore en intégrant des percussions latines ou nord-africaines.
Kevin : Pour un Anglo-saxon, ça sonne bien, mystérieux, ça crée de la profondeur poétique.
Antoine : Les myosotis ce sont aussi des fleurs sauvages dans tous les recoins. Pour ma part, c’est très évocateur de ces petits détails soniques qui crépitent sur l’album. Ça évoque cette opulence musicale, un peu comme quand tu rentres dans un château et que ton regard se perd dans le moindre détail à regarder.
Cela fait plusieurs années que vous jouez ensemble. C’est quoi votre histoire ?
Kevin : A la base, c’est ma rencontre avec Damien. Moi, je suis un Irlandais qui vient de Dublin et qui arrive au fin fond du Jura. Trouver des gars qui aiment la même musique que moi, c’était inespéré. Damien donnait des cours à ma copine. En allant chez lui, j’ai regardé sa collection de disques : il n’y avait que des pépites que j’adore. On a commencé petit à petit à se passer des paroles, à poser des accords. C’est comme ça que sont nés nos premiers morceaux.
Damien : Nous avons fait le premier EP tous les deux. Puis nous sommes devenus un vrai groupe en nous entourant de musiciens que nous connaissions pour la plupart depuis longtemps. On a aussi eu la chance d’être très bien entourés, notamment par notre tourneur et notre label qui soutiennent à fond le projet et ont agrandi le cœur de cette équipe très cool.
De quelle manière votre approche sur votre musique a-t-elle évolué entre le premier EP et cet album ?
Damien : Notre son a évolué, c’est sûr, mais en même temps, dès le premier EP, nous avons cherché à avoir une signature sonore bien à nous, avec des ingrédients précis. Notre premier album continue à tirer ce même fil rouge. C’est simplement plus assumé, plus cohérent. Peut être que pour notre prochain album je te dirai « on s’était carrément plantés ! » (rires), mais pour le moment, nous sommes fiers de ce que nous avons réussi à faire.
Benjamin : C’est Damien qui pilote les structures, les riffs, les arrangements. C’est ce qui explique aussi cette cohérence. Derrière Bigger, il y a la vision d’un homme, avec sa ligne directrice.
De quelle chanson êtes-vous les plus fiers sur l’album ?
Benjamin : Pour ma part, c’est « Les Myosotis ». J’aime beaucoup ses arrangements de cordes, le titre me touche beaucoup et a une couleur différente des autres. C’est un morceau qui flotte et dont l’âme se diffuse un peu dans toutes les autres chansons.
Kevin : Moi c’est « Brother », c’est un bout de réalité fragile. Pour cet album, j’ai cherché à être le plus honnête possible dans mes textes. J’ai donné un petit bout de moi sans chercher à me cacher car je pense que c’est ce qui touche les gens.
Être un groupe de rock en 2022, c’est quoi pour vous ?
Kevin : Ce qui me plaît le plus là-dedans, c’est que c’est un truc encore un peu dangereux. Tu n’es pas sur scène avec des samples qui tournent et te sécurisent. En live, plein de trucs peuvent aller de travers : des cordes qui cassent, des amplis qui ne fonctionnent plus, des interactions avec le public…
Damien : Je pense que c’est notre point commun à tous les cinq. Cette façon de vivre la musique en live, en groupe, avec sincérité. C’est vraiment jouissif à créer de l’énergie ensemble. C’est un flambeau que l’on porte, un vrai engagement. Une fois que tu as goûté au fait jouer de la musique forte sur une scène, tu n’as plus vraiment envie de faire autre chose.
Benjamin : Chacun s’épanouit avec son instrument aussi : chacun est à sa place et se régale dans ce qu’il fait. Il y a cette magie, cette alchimie entre nous parce qu’on est comme des gosses. C’est une excitation qui ne s’use pas et qui revient systématiquement dès qu’on monte sur scène.
Que peut-on vous souhaiter pour ces prochaines semaines ?
Mike : Qu’on tourne le plus possible.
Kevin : Qu’on aille en Irlande, en Angleterre ou aux USA. Il y a un public pour notre type de musique dans ces pays-là. Notre label nous aide beaucoup en ce sens. On est passé sur l’équivalent de France Inter en Irlande, toute ma famille et mes amis m’ont appelé, c’était incroyable.
Photo en une : Bigger © François Guery
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