Ah, la foutue nouvelle scène de la chanson française. On a parfois voulu mettre Bertrand Belin dans cette case. Pure connerie, pour peine perdue. Il s’était fait la malle depuis belle lurette, pas senti concerné. Il avait pas tort le bougre, qui accompagnait encore il y quelques années Bénabar sur scène.
En réalité, cet artiste-là pourrait bien être de la trempe des gars qui laissent une empreinte délicate mais durable sur votre table de chevet, avec Hypernuit, son sublime troisième album.
Guitariste, violoniste, chanteur, arrangeur, et surtout auteur, Bertrand Belin sait tout faire. Mais à vrai dire, il semble s’en foutre pas mal. Quitte à tout dépouiller pour revenir et son essentiel.
Bertrand Belin – Y’en a-t-il ?
A première vue, disons-le tout net, l’écoute de ce disque s’annonce plutôt austère. C’est pas un rigolo, le Bertrand. Le genre de gars à préférer passer la soirée avec Dominique A plutôt que faire la tournée des bars avec le père Miossec. Peut-être, mais ce troisième album solo confirme surtout une chose : Bashung n’a pas emporté avec lui le souffle lyrique et la grandeur de la chanson française. Avec Bertrand Belin continue de s’épanouir une certaine idée de l’élégance. On pense aussi au Jean-Louis Murat des grands soirs, quand ce dernier arrive à faire le tri dans sa boulimie de compos.
Quelque chose d’épatant illumine aussi, ou justement obscurcit, ce disque : les textes sont pleins d’ellipses, et laissent place à ce mystère qui fait les grands artistes. Quelques clés, mais pas forcément les bonnes portes. Une poésie qui ne dit pas son nom, pour un disque profondément intemporel. Comme si ces mots de Dominique A dans Immortels lui avait été glissé à l’oreille : « Je ne t’ai jamais dis, mais nous sommes immortels. Pourquoi es-tu parti, avant que je ne te l’apprenne ? Le savais-tu déjà ? ». Bertrand Belin appartient désormais à cette famille-là, et dialogue avec les grands.
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