Ben Mazué qualifiait son précédent spectacle de « stand up musical ». Le prochain, « La Princesse et le Dictateur », sera un film chanté. On a profité de son petit tour de chauffe parisien pour satisfaire notre curiosité et on peut vous le dire, tout ça sent très, très bon.
Après 33 ans, sorti en 2014, et qui nous avait quand même bien scotchés, c’est avec une certaine impatience qu’on est allés poser nos fesses dans la charmante petite salle du Théâtre de la Contrescarpe pour écouter les nouveaux titres de Ben Mazué. On ne savait pas exactement à quoi s’attendre, mais on y est allés en confiance, n’ayant jusqu’ici jamais été déçus par ce grand garçon. Et mettons tout de suite fin au suspense, ce ne sera encore pas pour cette fois.
La Princesse et le Dictateur, c’est donc le titre d’un film. Un film d’abord rêvé, puis écrit, mis en musique et, interprété sur scène par Ben Mazué. Le récit d’une année particulière dans la vie de Vincent, le héros et accessoirement alter ego pas vraiment déguisé de l’auteur. La maison de son enfance va être vendue, pas pour oublier le passé mais pour avancer. Il a rencontré sa femme il y a 10 ans et elle est toujours et plus que jamais son âme sœur. Pour Vincent, deux raisons de faire une belle fête. Pour nous, à travers ce personnage, l’occasion de reprendre des nouvelles de Ben Mazué.
Comme on le ferait avec un vieil ami qu’on n’avait plus revu depuis quelques années, à ce moment-là il venait de perdre sa mère et il gérait comme il pouvait, il avait eu son deuxième enfant juste après, il ne savait pas trop ce qu’il y aurait dans son avenir mais il pouvait compter sur son passé pour tenir debout, et son rempart contre tout, c’était sa femme dont il parlait comme on rêve tous qu’on parle de nous. Si, si, ne mentez pas, vous rêvez qu’on vous dise qu’on est tombé raide dingues de vous à la première seconde alors que vous étiez encore de dos, ne faites pas les gros durs. On vous connaît.
Et donc, qu’est-ce qu’il devient, en 2016, Ben Mazué ? L’homme, apparemment, sans pour autant perdre complètement son sens de l’humour, n’a pas la super patate. La vie ne lui a pas fait que des cadeaux ces derniers mois et il a un genou à terre. Nous, comme on est un peu psys, on se dit que ça va lui faire du bien de reprendre la scène et de retrouver les regards embués de son cher public. Oui, on est des psys en carton mais c’est offert de bon cœur.
L’artiste, foutu pour foutu, semble avoir déversé au moins en partie ses doutes, ses peurs et ses nuits blanches dans ce nouveau projet. Le résultat, pourtant encore inachevé (la sortie de l’album étant prévue pour avril 2017), est déjà bouleversant. L’histoire est racontée tantôt par Vincent tantôt par Ben, quelques anciens titres nous rappellent de jolis souvenirs (« 25 ans », « 35 ans »), et les nouvelles chansons se succèdent, instantanés sans concession de vie, à ce moment précis, carrément à la dérive.
Le gros coup de mou d’une sœur aînée, que Vincent croyait solide comme un roc mais dont le costume de Wonder Woman n’est que ça, un costume. Le courage, ou peut-être l’inconscience, d’une épouse idéalisée qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne se reconnaît pas dans le regard de son homme. Le désarroi et la candeur de Vincent, soudain bancale sans ses piliers, mais qui s’accroche comme un bon petit soldat et nous donne envie de le pousser dans la montée. Les autres personnages, simplement effleurés lors de ces petits concerts de rôdage, on les découvrira sans doute mieux l’an prochain une fois le projet bouclé. On a notamment très envie de mieux connaître la seconde sœur de Vincent et son fiancé.
Il y a quelque chose de rassurant chez Ben Mazué. De familier. Pas uniquement parce qu’en parlant de lui, il parle forcément aussi de nous, dans la mesure où on est tous un frère, une sœur, un mari, une femme, un fils, une fille, un père, une mère, un(e) ami(e), un(e) collègue, etc. Mais surtout parce qu’au fil des albums il a installé un vrai langage. La vie de tous les jours, belle ou dégueulasse, mais avec de la délicatesse dedans. Du banal sublime. Des coups durs enveloppés dans des mots doux. Le bonheur, l’espoir, la rigolade… Et paf ! La chialade. Des textes comme des mantras, répétés trois, quatre, cinq fois, chantés, rappés, slammés, allez savoir comment ça s’appelle. Ça existe comme verbe, « benmazuer » ? Nous, à l’autre bout des chansons et des petites scènes qui les relient entre elles, on alterne rires bêtes et reniflements plus ou moins discrets. On s’est laissé avoir, comme les autres fois, ou plutôt on s’est laissé faire, consentants et reconnaissants.
En guise de rappel, un peu foutraque comme on les aime, Ben, accompagné comme tout au long du spectacle par le claviériste décidément indispensable Robin Notte, jouera « Evidemment », « Vivant » et « Confessions d’un rap addict », faisant ainsi de « smoke weed everyday » la dernière phrase de la soirée. « La Princesse et le Dictateur » sera présenté en tournée en 2017, et passera notamment au Trianon au mois de mai. A votre place, on irait.
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