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Back to school avec les Lemon Twigs

À mi-chemin entre le concept album, l’opéra rock et Broadway, les frères D’Addario racontent avec Go To School l’histoire d’un chimpanzé, nommé Shane, qui va au lycée, et se confronte au processus de grandir. Le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Derrière cette histoire, il y a évidemment celle de ceux qui l’ont écrite. Rencontre.

2016, deux frères, âgés respectivement de 17 et 19 ans, décrochent les mâchoires du monde entier avec un premier album, Do Hollywood, convoquant avec maîtrise et brio d’innombrables fantômes sacrés (des Beach Boys à Todd Rundgren ou Queen, et on en passe) et d’infinis styles musicaux (bubblegum pop, yéyé, classic rock, pour ne citer que ceux-là). Un joyeux pot-pourri de symphonies, de fanfares, de polyphonies, de dynamiques cassées, de cadences accélérées et de silences inattendus. On en retient une excellence dans la  feel good song, légère et ingénue, contant l’amour impossible.

Le groupe n’a pas chômé depuis. Pour preuve, Michael et Brian D’Addario sortent déjà Go To School. Si l’on peut déplorer l’incapacité à se réinventer de nombreux groupe, ce reproche ne pourra être fait à ces deux-là qui se sont lancés dans une entreprise inédite : dépoussiérer l’opéra rock et le faire muter en comédie musicale dans un album concept. Nous avons rencontré le plus jeune, excentrique et bavard des deux : Michael, pour qu’il nous en dise plus.

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Ce sont tes parents qui t’ont initié à la musique. Ça n’a jamais été quelque chose qui t’a été imposé, contre lequel tu as voulu te rebeller ou dont tu as voulu t’écarter lors de ton adolescence ? 

La musique de manière générale, non. En revanche le style de musique, oui. Quand j’ai eu treize ans, j’ai voulu jouer du grunge. Mais cette période a été assez courte. Peu importe ce que j’aimais je n’ai jamais arrêté d’apprécier les Beach Boys et pas mal d’autres groupes avec lesquels j’ai grandi. Mais j’ai laissé tombé pas mal de groupes en chemin, rien de terrible mais des groupes qui ne tiennent pas dans le temps. Je ne déteste pas la musique psychédélique mais je n’en écoute plus vraiment. De la même manière que je n’ai pas écouté Nirvana depuis très longtemps. 

Tu faisais partie d’un groupe de reprises. As-tu eu du mal à te détacher de celles-ci ? 

C’est vraiment un genre de plaisir différent. Rien à voir avec celui que tu ressens lorsque tu joues tes propres sons. Je n’ai pas encore réussi à prendre mon pied en jouant mes propres sons. Parfois, en jouant « Fooling Around » je m’amuse bien mais sinon je préfère me faire le traducteur de ce que les autres ont pu écrire. Surtout parce que je ne me pose jamais la question de savoir si c’est bien. Je suis persuadé que c’est bien. Mon seul travail c’est de correctement l’interpréter. Je suis du genre à trop douter de la valeur de ce que j’enfante. C’est une relation différente. Surtout avec les classiques. Si quelque chose vieillit bien et supporte bien le passage du temps… Tu ne peut être que sûr de sa valeur. 

Que fais-tu pour calmer le doute ? 

Je passe plus de temps à douter qu’à ne pas douter. Vraiment.

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Et sur scène, tu doutes aussi ? 

Assez. D’autant que les chansons que l’on jouait jusque-là ont été écrites par mes soins à l’âge de 15 ans… Pour y échapper sur scène je fais le malin. Je mets l’emphase sur la prestation scénique afin de détourner l’attention du contenu chansons. Que tu aimes la chanson ou pas, tu ne peux pas nier mes efforts. J’essaye vraiment. Peut-être avec un peu trop d’acharnement. Ça, c’est quelque chose qu’on ne peut pas m’enlever. On va dire que j’ai un plus confiance en mes capacités de showman qu’en mes capacités de compositeur.

Quand tu joues un des morceaux que tu as écrit à l’âge de 15 ans, est-ce que ça te ramène à cette période ? 

Je me suis détaché du contenu de ces morceaux. Je les joue chaque soir, à chaque concert et cette proximité fait que je me souviens du concert de la veille et de celui de la veille encore. Je ne me souviens même plus les avoir écrits. Quand je chante ces chansons j’ai du recul sur ce que je chante, j’ai l’impression que je dramatisais trop. C’est sûrement ça, le travail d’un auteur : dramatiser les situations. Mais j’essaye à présent d’écrire autrement, d’être plus brut et de faire en sorte que les gens comprennent ce que je dis dès la première écoute. Quand j’écris une chanson d’amour classique, j’essaye à présent de lui laisser sa légèreté, j’évite de lui attribuer un côté tragique. Sinon je préfère écrire sur quelque chose de légitimement plus intense, plus dramatique. Je ne suis pas un poète. Je vois et vis les mêmes choses que les autres et j’écris sur ça. 

À propos de chansons d’amour classiques : dans votre premier album il y en a plusieurs qui évoquent un amour inconditionnel et passionnel. Tu l’as vécu ou c’est de la fiction ? 

Ce n’est pas de la fiction mais c’est excessivement dramatisé. Pas mal de ces chansons sont des réactions à des événements mineurs. Personne ne comprendra jamais de quoi je parle. Ça sonnait juste bien comme ça à cette époque. Il n’y a pas de problème avec ça mais ça me semble un peu irréfléchi au jour d’aujourd’hui. Je ne suis pas en train de descendre mes anciennes chansons mais j’ai juste eu le temps de les analyser depuis et de me dire ce qui n’allait pas dedans. Du coup, j’ai la responsabilité d’essayer de m’améliorer jusqu’à ce que j’ai la sensation d’atteindre la presque-perfection. L’idée c’est de me sentir bien après avoir écrit une chanson, vraiment pas de me dire que les gens l’apprécient ou vont l’apprécier. 

Le nouvel album parle de l’école. C’était comment pour toi cette période de la vie ? 

C’était assez ennuyeux et quelconque. J’avais l’impression d’avoir expérimenté la vraie vie une fois avoir côtoyé d’autres artistes et enregistré mon premier album. Retourner à l’école après ça magnifiait l’ignorance ambiante, ça sonne très condescendant, je sais. Je trouvais ça de plus en plus difficile de parler au gens autour de moi tout en ayant l’impression d’avoir une conversation intéressante. Tout le monde est si grossier au lycée. Je devais éviter la négativité, le cynisme. C’est exactement ce que raconte notre album, c’est ça, la métaphore du singe, pur de coeur, que tu veux être, quand tout le monde autour essaie, peut-être pas consciemment, de te briser. 

Est-ce que ton expérience du collège et lycée ressemble à celle de tous les films américains pour ados ?

Les cliques existent mais ce n’est pas aussi défini et manichéen. J’ai déjà discuté du collège et du lycée avec des Français qui m’ont dit que c’était beaucoup plus petit en France. Donc évidemment, dans ce contexte j’imagine que tu es plus facilement amis avec plus de gens différents et qu’il y a moins de segmentation. Il doit y avoir plus de pression pour être gentil et agréable. 

Comment se passaient les cours de sport pour toi ?

Je n’étais pas très bon. J’étais petit en plus car j’ai grandi très tard. Ce n’était vraiment pas mon cours préféré. Je détestait particulièrement le baseball et le basketball parce que je ne sais vraiment pas viser. Je ratais tous mes coups. Le football ça allait plus ou moins parce que je sais courir. Je n’aime toujours pas le sport. D’ailleurs je ne comprends pas bien ce délire de Coupe du Monde. Il n’y a pas longtemps des amis m’ont forcé à regarder une finale de la NBA. Ils me reprochent souvent le fait de ne pas nous voir assez mais je déteste vraiment cette activité et pourtant on finit toujours par regarder des matchs. Pour autant, je respecte le fait que les joueurs professionnels sachent si bien jouer, je ne saurais pas le faire, c’est sûr. Mais de là à prendre du plaisir à regarder des mecs se passer la balle… Je ne saisis pas bien le principe. Je n’aime pas regarder l’herbe pousser non plus. 

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On avait cette envie de recréer cette vibe que l’on adore des vieilles comédies musicales classiques. Les gens aiment ça parce que c’est un peu bête, léger et joyeux »

La chanson « Bully » évoque le fait d’être victimisé. Ça vous est déjà arrivé à tous les deux ? 

Non, pas comme ce qu’on voit dans les films. On n’a jamais vraiment été dans cette situation, on avait juste une réputation spéciale. J’avais joué dans quelques films, mon frère et moi avions écrit et sorti un album, on avait joué à Broadway aussi… On avait le droit d’être chelous parce qu’on faisait tout ça et que ça les impressionnait. Quand je traînais dans les toilettes, si quelqu’un passait et se moquait de la manière dont j’étais habillé souvent la personne qui l’accompagnait lui disait « Ce type a joué dans un film » et les deux se prenaient d’intérêt pour cette expérience et me demandaient de la leur raconter. J’ai eu de la chance, ça aurait pu être terrible comme période. 

De ce que j’ai compris ce nouvel album parle du fait de mûrir et de devenir adulte. Ça se passe comment pour toi ?

C’est ça, ça parle d’essayer de ne pas emprunter le mauvais chemin et ne pas laisser le négatif nous atteindre. Je m’en sors plutôt bien je pense. Je regarde beaucoup de films, pour me distraire et me calmer. Les gens méditent, Brian joue de la musique classique à la guitare… C’est des choses dont tu peux aisément te passer lorsque tu es jeune mais qui deviennent essentielles lorsque tu grandis. J’ai essayé la méditation mais c’est trop difficile pour moi, je suis trop impatient. J’ai l’impression qu’il vaudrait mieux faire quelque chose de concret parce qu’il n’y a pas de bénéfice tangible et immédiat lorsque je médite. Enfin, apparement tu finis par le sentir quand tu en fait régulièrement. Au moins, après mon film je peux en parler autour de moi. Ça devient une référence, ça étoffe ma culture générale. Mais pour dire vrai je ne me souviens jamais des films que je regarde donc c’est plus la satisfaction immédiate que je retiens.

Sur le premier disque, vous avez fait peu de prises, pendant les enregistrements. Cette fois-ci, vous avez passé plus de temps à travailler chacun de vos morceaux ?

On avait seulement 12 jours pour faire le premier album, on devait faire ça en une prise. On n’a pas vraiment travaillé nos chansons comme des chefs-d’oeuvres. On les a chiés vite fait sans essayer de les réarranger. On a essayé de mieux faire ça pour le second. On avait besoin de découvrir le besoin de les retravailler. Ça parait évident pour des musiciens plus expérimentés mais c’était notre première expérience, on ne savait pas. On a jamais pensé à ça parce que on n’avait pas encore de public qui attendait.

Je pensais que les opéras rock étaient has been, pourquoi en faire un en 2018 ? 

Oui, je trouve aussi que les opéras rock sont démodés. Notre but c’était plus d’écrire une comédie musicale réfléchie, avec une morale. Alors oui, acoustiquement ça sonne très années 70. Certaines chansons de cet album, telles que « If you’ve given up » et « Born Wrong », sont vraiment des classiques de la comédie musicale. Les comédies musicales continuent d’être pertinentes et créées chaque jour, et elles ne sont toujours pas passées de mode. Pourtant ce côté classique que l’on a voulu j’ai l’impression que même les compositeurs des comédies musicales n’y arrivent plus. Ils ne créent plus que des comédies musicales pop du genre Bob l’Éponge et cie. Mais notre comédie musicale, on l’a voulue rock, pas pop. On avait cette envie de recréer cette vibe que l’on adore des vieilles comédies musicales classiques. Ça, ça ne court plus les rues, mais c’est intemporel. Les gens aiment ça parce que c’est un peu bête, léger et joyeux. 

Go To School est sorti le 24 août chez 4AD (Beggars).

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Eric M. 05.11.2018

J’ai découvert ce jour les Lemon Twigs sur France Inter, et je croyais vraiment entendre un groupe seventies méconnu. J’ai eu la surprise, revenant chez moi et faisant une recherche, d’apprendre que ces petits gars pourraient être mes fils ! (En âge, bien sûr, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !)

Chapeau les garçons !

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