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AZF : « En rentrant des free, j’écoutais du rap »

AZF a déboulé dans le paysage techno comme un petit boulet de canon. En à peine six mois, la protégée de Krikor et Teki Latex a cassé la baraque, à grands coups de sets techno indus sans chichis. Fan de rap, celle qui adule autant Booba que les soirées moites de la Java nous parle de son esprit caillera, des soirées du Pulp et de ses débuts de DJ, à l’arrache. Rencontre sur les internets.

Tu te souviens de ta première nuit de rave ?

Evidemment, c’était une free en banlieue, en Seine-et-Marne plus précisément, vers chez moi. J’avais 17 ans. À mon époque il y a avait deux groupes bien distincts au lycée : les cailleras et les teufeurs en kaki, j’ai eu la chance de naviguer très tôt entre les deux, je pense que c’est de là que vient mon ambivalence techno/rap. Après, je suis consciente que ce n’était déjà plus l’âge d’or des free, les arrêtés préfectoraux se multipliaient déjà, je me souviens que pour le maire de ma ville par exemple, les free c’était un peu l’incarnation du diable. En même temps, le maire de ma ville, c’était Copé donc bon ça paraît logique.

A quoi ressemblait AZF à cet âge-là ?

A pas grand chose. J’étais une caillera, c’était l’âge d’or des jogging Lacoste depuis l’album d’Ärsenik Quelques gouttes suffisent. Jogging ton sur ton avec pas mal de trou de boulettes de shit, couleur bordeaux de préférence.

Quand es-tu tombée dans la techno ? Tu te souviens de tes premiers disques ?

Je peux pas dater exactement mais même quand j’allais en free, j’écoutais surtout du rap en rentrant. La techno, c’est venu plus tard quand j’ai commencé à sortir à Paris. J’avais 20 ans, je pense. Et mes premiers disques, c’était ceux de Kill the DJ.

Avant tu étais physio, qu’est ce qui t’a poussée à aller derrière les platines ?

Concours de circonstances. J’étais physio de la soirée Corps vs Machine de Léonie Pernet, chez Moune. On était assez proches à cette époque, on passait notre temps à écouter du son chez moi. On a décidé de faire un duo qu’on n’a jamais fait (rires). Et puis elle est partie un long moment aux Etats-Unis donc j’ai dû la remplacer. C’est comme ça que ça a commencé.

Après avoir calé tes premiers disques, tu t’es dit quoi ?

J’ai mis du temps à bien caler des disques. J’ai commencé sur laptop donc tu cales rien du tout, c’est plus tard que je me suis dit qu’il fallait quand même que je joue sur des platines. La première fois que j’ai joué sur des platines, j’étais terrorisée, puis au bout du troisième morceau c’était parti. Après je pense que comme tout outil, tu mets du temps à te sentir vraiment à l’aise. Il faut d’abord les appréhender, puis au bout d’un moment tu te sens bien. Mais chez moi ça a pas été immédiat du tout.

Tu as tout de suite joué techno ?

Oui. C’est la musique que j’écoutais chez moi du soir au matin, j’ai un rapport viscéral à cette musique, je n’ai jamais pensé jouer autre chose. Après j’ai débuté pendant l’âge d’or de la minimal. Ma musique s’est radicalisée avec le temps, en vieillissant.

Tu fréquentais déjà le Pulp étant assez jeune, tu gardes quels souvenirs de cette époque ?

Le souvenir que tout était possible, que les gens pouvaient se mélanger et faire la fête ensemble, j’y allais surtout les jeudis, tu avais de tout, toutes les catégories socio-professionnelles, des homos, des trans, des hétéros, des hipsters, des banlieusards, c’était magique.

AZF Shooting - La Station - Gare des Mines

Photo : Jacob Khrist

Le Paris de l’époque et les teufs qui allaient avec, tu les trouvais plus libérés qu’aujourd’hui ?

Au Pulp oui, mais c’était un oasis de liberté. Il y avait encore pas mal de ‘clubs à bouteilles’, donc non globalement pas plus libérés mais moins encadrés certainement.

On parle souvent de la misogynie de la scène techno. Te sens tu investie d’un rôle par rapport à ça, maintenant que tu commences à être exposée en tant qu’artiste ?

C’est la question qu’on me pose le plus. Je m’investis à ma manière, je prends position quand des choses me révoltent vraiment. Et il y a encore un gros travail à faire, sur « l’invisibilisation » des meufs dans la musique électronique, mais comme toutes les minorités en fait. Je pense qu’on en parle de plus en plus, alors quelque part peut-être que les choses avancent un peu. C’est toujours plus compliqué de réussir dans la musique quand tu es une fille, car on te fera toujours le procès de la technique. On va te dire : « Putain, c’est pas mal ce qu’elle fait mais elle est pas technique » alors qu’un mec qui ne cale pas deux disques, on ne lui dira jamais ça. On va aussi te dire : « Putain c’est vraiment bien ce qu’elle fait, t’as vu elle joue comme un mec. » Ou pire : « Elle joue pas mal pour une meuf. » Si tu savais comme ça me met hors de moi…

On m’a soufflé à l’oreille que tu es aussi une grosse fan de rap, au point de caler un petit morceau de Booba à la fin d’un de tes sets. Vrai ?

Oui ! Comme je te l’expliquais plus haut, je viens de là, j’écoute du rap depuis toujours, la techno est venue plus tard. Et pour Booba, c’est le Duc, il sera toujours au dessus. Je pense que Lunatic et Temps mort, son premier album solo, sont les deux albums que j’ai le plus écoutés de toute ma vie. Je connais encore toutes les paroles.

Teki Latex t’a beaucoup soutenue à tes débuts. Si à ton tour tu devais parrainer un artiste, ce serait qui ?

Oui, comme je le dis souvent, sans Teki je n’en serai pas là. C’est lui qui m’a offert tous mes grands rendez-vous, c’est l’un de ceux qui a cru en moi bien avant les autres. On est très proches et c’est quelqu’un qui compte énormément même si on ne joue pas forcément la même musique, ou que du moins on ne l’appréhende pas de la même façon. Pour le parrainage, je l’ai déjà fait et ça a souvent mal fini, je pense que parrainer quelqu’un trop tôt ça ne lui rend pas service, car la grosse tête arrive vite derrière. Il y a des jeunes que je kiffe et que je soutiens comme Waldman, que j’ai invité récemment dans mon show sur Rinse. Mais je pense qu’il faut laisser du temps au temps, ne pas aller trop vite.

Si un jour un gars type Moodymann te kidnappe et t’oblige à mixer house toute ta vie, tu penses que tu tiens combien de temps ?

Franchement… Deux heures, pas plus. Et c’est déjà beaucoup !

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