Du 16 au 18 septembre se tiendra la seconde édition de l’Oasis Festival à Marrakech. L’événement électronique a eu la bonne idée de ramener le all-stars de la nouvelle scène de la house mélodique européenne. Vieux briscards et jeunes talents se côtoieront dans un ballet en 4×4 sur un petit 130bpm. Avec eux, quatre artistes de Marrakech et de Casablanca porteront haut les couleurs de leur pays définitivement pris d’une fièvre techno sans précédent.
En 2009 à Marrakech, à l’heure où la culture underground s’éteint à petit feu, la tête de gondole de la house progressive nationale Amine K lance un concept de soirées pour retrouver la douce folie de son pays qu’il lui a semblé égarée. Après avoir sillonné les continents, Moroko Loko est un retour aux racines rendu possible grâce à un bagage nouveau non-négligeable pour l’enfant du pays. Qui bourlingue s’inspire, comme le dit le célèbre proverbe autrichien. Ou indonésien ?
Dans ses DJ sets mais aussi ses productions, l’artiste se laisse aller à un mélange d’une tech-house très (trop) prisée des deux côtés de la Méditerrannée (Ibiza, Grèce, Tunisie…) mais aussi et surtout d’ethno minimal héritée de ses pairs chiliens Luciano et Villalobos, d’une house intemporelle fidèle au label Innervisions (Âme, Dixon, Tale of Us, Kink, Henrik Schwarz, etc) et évidemment de sa culture locale, ses instruments, ses voix, ses rythmes propres. On retrouve certaines de ces caractéristiques chez ses collègues marocains également invités à l’Oasis Festival, Fassi, Kaybe & Majdo. De leur côté, les représentants de la tech-house et house européenne et américaine M.A.N.D.Y., Lee Burridge, Gui Boratto, Matthias Meyer, Satoshi Tomiie, Shaun Reeves ont déjà adopté le DJ, promoteur et producteur du pays du couchant lointain. Ibiza et Burning Man également.
Amine K se fond partout et embrasse la demande de house progressive et raffinée qui a frappé l’Europe, le Japon et les Etats-Unis. Bon moment, bon endroit : le Maroc se crée une scène électronique solide ces dernières années. En témoigne la profusion de ses festivals. Avec de notre côté un espoir difficile à contenir qu’un public vraiment local suive, participe, joue, s’approprie. Pas toujours gagné.
Il est peu de choses de dire qu’au Maroc, « il se passe quelque chose. » Parmi eux, l’Oasis Festival fêtera notamment cette année sa deuxième édition, l’agence Panda Events (à l’origine du succès du festival Les Dunes Electroniques en 2015 en plein désert tunisien dans le décor de Star Wars) remet le couvert avec la première édition du Moga Festival à Essaouira dans un mois avec une prog plus que solide (dans un des décors cette fois de Game of Thrones) et Marrakech a aussi accueilli la première édition du festival Atlas Electronic début septembre. Chaque fois, des line-ups qui claquent avec même un coup de pouce à l’émergence chez le Moga.
L’Oasis comme ses disciples n’oublie pas sa scène locale. En témoigne la venue du DJ Unes qu’il n’est pas rare d’entendre appelé « le mentor » par les nouvelles pousses, le passeur de savoir, le papa les bons conseils qui s’est déjà retrouvé sur les routes d’autres festivals marocains comme le State Of Mind (trance), et l’Essaouira Gnawa (musiques traditionnelles que la jeunesse s’approprie). L’équipe de Sourdoreille avait d’ailleurs posé ses caméras dans ce dernier pour y faire quelques vidéos en 2011. C’est ici au cas où vous demanderiez.
Younes Bahmad aka Unes est de ceux qu’on retiendra surement lorsque la culture électronique héritée de Détroit et Chicago aura définitivement posé ses valises au Maroc. Si elle a la bonne idée de s’implanter durablement et de développer une scène locale avec ses propres codes et influences, elle se rappellera des émetteurs et des transmetteurs comme Unes. Avec Amine K et MAR1, il fait partie des pontes qui ont lancé les fameuses soirées Moroko Loko. Sur un penchant house très produit et donnant une grosse part aux vocals, on y voit évidemment l’école Ibiza et les ponts avec des labels comme Crosstown Rebels (Damian Lazarus), Mobilee (Anja Scheider) Get Physical (Booka Shade) ou Diynamic (Solomun). Chez ces gens-là, on ne lésine certes pas sur le drop, les canons à fumée et les ambiances chill pool-parties, mais on n’en oublie pas non plus de construire ses sets de façon intemporelle et déconnectée. En somme, c’est pas la teuf de l’EDM, loin de là.
Le Maroc n’est pas la destination la plus chère, c’est un fait, mais sachez tout de même que ses grandes villes ne sont pas données. En découle un prix de festival assez élevé, raccord avec des prix parisiens (Weather Festival) ou à des gigantesques festivals européens type Dour en Belgique. L’underground ne paraît pas toujours évident à saisir dans des ambiances hôtel et piscine pas abordables pour la jeunesse marocaine. Pourtant, la capacité d’un Unes à transmettre la technique de djing à de jeunes DJs, celle d’un Amine K d’incorporer des sonorités de sa propre culture dans de la house et la présence d’autres artistes locaux comme Fassi (Casablanca) ou Kaybe & Majdo (Casablanca aussi) nous ont poussé à tenter l’expérience.
« Underground » a souvent eu ces caractéristiques n’est-il pas ? Indépendance, autonomie, alternative, transmission. Notre équipe sera donc du 16 au 18 septembre à Marrakech pour suivre le festival, en prendre plein les oreilles devant le meilleur de la nouvelle génération de house mélodique et intemporelle (européenne et américaine) mais aussi de techno (Jeff Mills, Blawan, Objekt), chercher l’indie où qu’il puisse se trouver et interroger la scène marocaine dans toute sa diversité.
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