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Aux armes musiciens

Petit panorama de musiciens s'étant lancé dans une carrière politique.

« Président de la République est une fonction, pas un métier ». Youssou N’Dour vient d’annoncer avec ces mots sa candidature à l’élection présidentielle du Sénégal qui se déroulera le 26 février prochain. Une candidature qui peut surprendre vu de France, pays par excellence où le politique reste un métier, avec ses réseaux et ses écoles. Mais au Sénégal, le roi du mbalax peut légitimement espérer battre le président sortant, Abdoulaye Wade. Auteur de chansons devenues de véritables tubes, récompensé par de nombreux prix en Europe et aux USA, Youssou N’Dour est l’un des artistes africains les plus connus au monde. Il jouit d’une énorme popularité dans son pays, pour lequel il n’a jamais cessé d’investir, autant musicalement que commercialement : il a ainsi créé sa propre société de micro-crédit, un studio d’enregistrement à Dakar et un groupe de presse (regroupant un quotidien, une radio et une télévision).

Youssou N’Dour n’est pas le premier musicien à se lancer dans la politique. Il y a 40 ans, Fela Kuti s’affranchissait déjà de l’étiquette d’artiste pour revendiquer sa légitimité politique. Dans le Nigeria des années 70, en plein boom pétrolier, l’inventeur de l’afrobeat utilise alors ses chansons pour dénoncer violemment les dérives et la corruption de la dictature militaire de l’époque. Il crée en 1979 son propre parti politique, le Movement Of the People, et se déclare candidat aux élections de 1983. Il paiera très cher cet engagement avec une répression des autorités à la hauteur du danger que constituait sa candidature : Fela Kuti fera plusieurs années de prison (officiellement pour détention de cannabis et de devises illégales). Kalakuta Republic, son petit village autogéré où il produisait sa musique et son programme politique, fut totalement rasé par l’armée. Sa mère fut tuée au cours de l’opération.

Heureusement, tous les destins n’ont pas fini aussi tragiquement. L’exemple le plus fort reste l’expérience de Gilberto Gil en tant que ministre de la culture du président Lula, de janvier 2003 à juillet 2008. Le guitariste devenait ainsi le deuxième Noir à rentrer dans un gouvernement brésilien après le footballeur Pelé (en 1995). Gilberto Gil avait pourtant connu lui aussi la prison en raison de sa musique jugée subversive par la dictature militaire de l’époque. On était alors au début des années 70, avec une contre-culture qui explosait aussi bien en Europe qu’aux États-Unis ou en Amérique du Sud. Aujourd’hui, le Brésil semble avoir gardé une bonne image du passage de Gilberto Gil au gouvernement puisque depuis un an, la nouvelle ministre de la culture, Ana de Hollanda, est elle aussi chanteuse et compositrice.

L’autre exemple tout aussi fort et actuel nous vient d’Haïti. Le pays est en effet dirigé depuis mai 2011 par Michel Martelly, considéré comme le roi du Kompa. Ce mouvement musical est pourtant associé à une notion de légèreté dans les paroles et dans l’ambiance festive. Longtemps, le Kompa a été considéré comme un instrument du pouvoir pour endormir le peuple, à l’opposé du courant Rasin (également appelé Boukman), très virulent politiquement et plus proche des racines traditionnelles (notamment vaudou) du pays. Il n’empêche : Michel Martelly était engagé depuis de longues années dans l’aide aux plus démunis, par le biais d’associations. « Sweet Micky » ne se prédestinait pourtant pas à briguer la plus haute fonction de son pays. C’est le rejet de la candidature de Wyclef Jean qui l’a poussé à franchir le pas.

Aux États-Unis, les exemples sont beaucoup plus difficiles à trouver. Il y eu toutefois le parcours atypique de Sonny Bono. Auteur, chanteur et producteur, Sonny fut surtout connu pour avoir épousé la chanteuse Cher. Ils formèrent pendant quelques années le duo Sonny & Cher avec quelques tubes dont le légendaire « I Got You Babe« . Trente ans plus tard, après s’être essayé à une carrière d’acteur, il rejoint le parti républicain puis est élu à la chambre des représentants en 1994. Mort d’un accident de ski quatre ans plus tard, son nom restera pourtant à jamais lié à la politique et à la culture : l’amendement pour l’extension du droit d’auteur, dont il était à l’initiative, a été voté l’année de sa mort et porte ainsi son nom (Sonny Bono Copyright Term). Pas vraiment une avancée pour la culture libre au passage…

Dans notre chère France, nous n’avons pas trouvé d’ancien chanteur ou musicien devenu membre d’un gouvernement ou parlementaire. Tout juste peut-on citer deux exemples de droite : Yves Duteil, maire de sa petite commune de Précy-sur-Marne (688 habitants) et qui s’était engagé auprès de Jacques Chirac pour la présidentielle de 1995. Et Gilbert Montagnier, nommé en 2009 Secrétaire national chargé des handicaps au sein de l’UMP puis candidat aux Régionales 2010 sous l’étiquette de l’UMP. Pas franchement du même calibre que les exemples étrangers…

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