Austra est de retour en tournée pour défendre son album Future Politics. Un titre et un contenu engagé peu courant pour un groupe électro-pop. Un mélange des genres inopportun ? Leur concert parisien nous a montré tout le contraire.
En ce vendredi 31 mars au Trianon, il y a comme une envie de se lâcher, de faire la fête et de célébrer le retour du printemps. Dans le public, les filles et les garçons s’enlacent, les filles se caressent les cheveux et les garçons s’embrassent. Pour la clôture du festival Les Femmes s’en mêlent, c’est au tour d’Austra d’être la tête d’affiche. Depuis le dernier passage des Canadiens à Paris, sa chanteuse Katie Stelmanis s’est réappropriée le projet, en composant et en écrivant l’ensemble de Future Politics, sorti en début d’année. En apparence, un album moins dansant, plus sombre et plus difficile d’accès que les deux premiers.
Mais dès l’arrivée sur scène avec « We Were Alive » première chanson de l’album, le pressentiment initial se confirme : en live, le groupe libère la puissance sous-jacente contenue dans l’album. Katie Stelmanis a bien réussi à sortir un album-hybride : calme et sombre à faible volume, puissant et optimiste quand le son vous enveloppe. Y sont exprimées la froideur et la solitude pesante des métropoles occidentales (« Utopia »), la destruction de l’environnement (« Gaia »), la dépression («I Love You More Than You Love Yourself ») mais aussi l’espoir en l’amour de son prochain et la prise en mains de leur destin par la jeunesse (« We Were Alive » ou « Future Politics »). En somme, un album-concept, parfaitement ancré dans la réalité d’une civilisation occidentale aux allures décadentes, une période transitoire dont personne ne peut prédire sur quoi elle débouchera. Des thèmes sublimés par l’interprétation impeccable de Katie Stelmanis, dont la technique hors-norme lui permet d’exprimer dans une même chanson la vulnérabilité, la rage, l’espoir et la vie.
Cette tournée marque une rupture avec les précédentes, Austra cherche clairement à faire découvrir Future Politics. Pour preuve, les quatre premières chansons du concert sont également les quatre premières de l’album et la quasi-intégralité des morceaux seront joués. De cette façon, Austra a pu montrer toutes les potentialités d’un album baignant toujours dans l’electro-pop mais avec une production inspirée de l’IDM et des technos sombres et complexes d’Objekt, de Peter Van Hoesen ou de Lena Wiilikens. En revanche, mis à part « The Choke », « Beat And The Pulse », « Lose It » et « Painful Like », peu d’occasions pour le public de se déchaîner sur les morceaux aux allures de tubes présents dans Feel It Break ou Olympia et de donner au Trianon des allures de club. Peut-être, avec cette tournée, que les concerts d’Austra perdent en folie. Mais avec tous les regards attirés vers cette femme en robe jaune pétant, tels des tournesols, on se dit que le public y trouve son compte.
Avec ce nouvel album et cette nouvelle tournée, Austra démontre quelque chose que l’on croyait perdu : faire danser et faire passer un message politique n’est pas contradictoire. La fête n’a au contraire jamais été aussi facile d’accès qu’à notre époque et certains bas du front oublient que le club et les musiques électroniques ont d’abord été un moyen d’émancipation pour des minorités marginalisées avant d’être un simple terrain de jeu pour un trip égoïste. Par ailleurs, la danse, la recherche de la chaleur humaine a également quelque chose de politique dans nos sociétés de plus en plus aseptisées et réglementées, où l’autre est d’abord perçu comme une menace. En ce sens, Austra constitue un pont entre une pop mainstream parfois porteuses de messages et une culture club devenue un peu lisse et politiquement correct. Voilà pourquoi Austra mérite des audiences plus larges, quels que soit les festivals, généralistes ou électroniques.
En tout cas, au Trianon ce soir-là, le message d’Austra a pris la forme d’une synthèse de ce qu’a toujours été Paris : une ville de fête, de diversité, d’affirmation de soi, d’amour, de bouillonnements, de contestations et de combats politiques. Une piqûre de rappel toujours bonne à prendre.
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