La cause humanitaire renvoie parfois à d’étranges souvenirs musicaux. Pas plus tard que l’été dernier d’ailleurs, quand on beuglait devant Lionel Richie « We are the world » dans la prairie de Carhaix avec 60.000 personnes qui, comme nous, avaient un peu oublié sur le moment qu’on parlait quand même d’une famine en Ethiopie. A la même époque, les Arméniens pouvaient aussi témoigner de notre légendaire sollicitude avec la fine fleur de la variété française qui avait alors mouillé la chemise. Trois décennies plus tard, voici un nouveau projet qui allie musique et humanitaire. Mais avec une toute autre musique et d’une toute autre manière. Ce projet s’appelle « Amal » et il fallait absolument qu’on vous en parle.
Tout part d’un bonhomme aux idées larges. Il s’appelle Tarafa. Mais si vous le croisez sur scène avec sa plume affûtée et son flow malin, appelez-le Liqid. Né Syrien et devenu Français vers l’âge de six ans, l’actualité internationale a évidemment pour lui une résonance spéciale depuis que Bachar a décidé de martyriser sa population pour s’éviter un scénario égyptien ou tunisien. En tant qu’artiste mais également grâce à son sens aigu de la production musicale via son crew Mutant Ninja, Tarafa a eu une envie un peu folle : rassembler la crème de la scène beatmaking pour construire une compilation de titres dédiés à la cause syrienne.
Les 21 titres sont entièrement instrumentaux, afin de dépolitiser le discours. Instrumentaux mais pas sans voix ni chants, attention. Car voilà dix ans, Tarafa et Bonetrips, beatmaker et autre cheville ouvrière du projet, ont rassemblé une matière enregistrée en…2005 à Damas. Tarafa nous explique : « Bonetrips m’avait rejoint à Damas et on a passé 15 jours avec l’enregistreur sur nous en permanence. On le dégainait à tout moment quand on sentait qu’il se passait un truc cool, qu’il y avait de la musique ou qu’on passait dans un endroit avec du monde, un marché, un café, pendant nos discussions avec les potes sur place. Parfois, on se baladait juste avec l’enregistreur à la main sans réel projet. C’était 100% feeling. On ne savait pas trop pourquoi on faisait ça, je crois« . Onze ans plus tard, il sait. Avant de poursuivre : « L’enregistrement de ces voix, c’est un témoignage « d’époque » un peu aléatoire. Et surtout, rien n’était prévu à ce moment là, évidemment. Après il y a eu un processus, avec tout Mutant Ninja, pas juste moi, pour nous amener à monter ce projet. Et disons que les deux histoires se sont rencontrées dans une sorte de twist ultime et heureux. »
Tous les beatmakers sollicités (ou presque) ont répondu présents, on vous laisse admirer le casting final : Tcheep, GooMar, Vax-1, Chicho Cortez, James Delleck, 20syl, Scratch Bandits Crew, Oster Lapwass, Arom & Butch, Nikkfurie (La Caution), I.N.C.H., Al’Tarba, Sayem, Blanka, Asagaya, Sims, Slivanoe, Vin’S Da Cuero, Guts, (nit), Bonetrips. Très bien, mais comment assembler une matière si hétéroclite alors ? Tarafa nous éclaire : « Ce tracklisting, on l’a construit en studio avec l’équipe : Chicho Cortez, Bonetrips et Tony du studio Polycarpe à Lyon. On a passé trois jours entiers à essayer de donner une cohérence à l’ensemble. Pas facile quand chaque beatmaker t’envoie son morceau avec sa touche, son ambiance et surtout son mix. C’était un super atelier : Chicho dérushait et plaçait les ambiances de Damas, Bonetrips refaisait le tracklisting, Tony masterisait. Et moi, j’emmerdais tout le monde. C’était vraiment cool. »
L’intégralité des fonds (pas seulement les bénéfices, hein.) iront à A Syrian Dream, une association indépendante œuvrant pour l’éducation et l’apprentissage artistique des enfants dans les camps de réfugiés, à la frontière turque. « Tu sais, avec ce projet, on ne va rien changer au conflit, nous précise Tarafa. Avant de rebondir en donnant à Amal tout son sens et sa vertu : « En revanche, on peut influer sur la perception qu’ont les gens des Syriens, de ces individus, comme toi et moi. Et surtout, je l’espère, donner des moyens pour les initiatives indépendantes et héroïques comme A Syrian Dream. Il n’y a pas de signe très encourageant, actuellement. Mais c’est pour ça aussi qu’on doit espérer cette lumière au bout du tunnel et rester debout pour ceux qui sont là-bas. Et être prêt quand il faudra y retourner. Et reconstruire. » Oui, parce qu’on a oublié de vous dire une dernière chose : Amal veut dire espoir en Arabe.
Pour soutenir l’initiative, le CD Digipack collector est disponible ici et le digital est là.
Release party : ce vendredi 4 mars au New Morning à Paris se réunissent les principaux artistes qui ont permis à ce projet de voir le jour, avec notamment la Caution, Scratch Bandits Crew, 2080, etc. Toutes les infos sont là. Foncez.
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