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Alexandre Kinn : « L’époque n’est pas favorable au lâcher prise »

Rencontre avec le guitariste chevelu pour évoquer son deuxième album à paraitre très prochainement...

En 2008, Alexandre Kinn avait enchaîné le JT de France 2, Taratata et une longue tournée après la sortie de son premier album. A ceux qui le croyaient perdu, il est sorti de sa tanière. A une terrasse de café du 11e, le guitariste chevelu a pris une heure pour évoquer son prochain album. Et parler de la vie en général.

Heureux de te savoir vivant. Qu’as-tu fait ces trois dernières années ?

Pas mal de choses. J’ai voyagé pour la première fois de ma vie en Afrique. J’ai également tourné comme guitariste, genre gros rockeur en salopette avec mes potes de Sporto Kantes pour 60 dates. J’avais l’impression d’avoir 20 ans, ce fut une super expérience. Il faut répéter aux gens que ce n’est pas parce qu’on ne sort pas d’albums qu’on ne bosse pas. J’ai travaillé pour d’autres donc. A savoir aussi : on a fait 140 dates en France, Belgique et Suisse après la sortie de « Dans la tête d’un homme ». Ca prend un peu de temps (rires). Et enfin, j’ai écrit mon deuxième album. Ce qui prend beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps !

Ce second album, tu l’as écrit à Paris ou t’as eu besoin de quitter ton quotidien pour composer ?

J’ai surtout besoin d’entendre des histoires, des tranches de vie. Je prends beaucoup de temps pour écrire. Tu sais, c’est facile d’écrire en anglais. Tu mets du « come » et « get » à toutes les sauces et ça sonne à tous les coups. Mais pour donner du sens, et encore plus en français, c’est loin d’être simple. Je suis allé en Ardèche pour écrire notamment. Entendre les histoires des autres est essentiel à ma phase de création.

Fais-tu partie de ces chanteurs qui ont besoin d’être triste, ou du moins mélancolique, pour composer une chanson d’amour ?

Je tiens à préciser qu’il n’y aura pas une chanson d’amour dans le second album. Ce sera un album beaucoup plus marqué dans son époque. Il risque de surprendre certaines personnes. Pour répondre à ta question, on écrit plus difficilement sur l’amour quand tout va bien… Mais je crois que c’est très dur de faire une belle chanson d’amour sans tomber dans le côté mielleux. Perso, j’aime Prince ou Steevie Wonder quand ils chantent l’amour en piano-voix ; là, ça me parle.

Dans Aude, tu disais : « Tu sais la peur d’aimer c’est comme la liberté, ça pousse avec le temps ». Doit-on en déduire que plus tu vieillis, moins tu crois en l’idylle amoureuse ?

Ouais, c’est certain. Un exemple frappant parle de lui-même. J’ai entre 35 et 40 ans et lorsque je regarde autour de moi, la quasi-totalité des couples que je connais ont rompu. L’époque fait que les gens ne se font plus confiance. Plus on vieillit, plus les illusions s’en vont…

A propos d’époque, tu ne fais pas partie de ces chanteurs qui aiment chanter leur vie de tous les jours.

Ça n’a jamais été mon truc de raconter ma vie en musique. Évidemment que dans des chansons, je parle forcément un peu de ma vie. Mais je n’ai jamais vu l’intérêt artistique de raconter qu’on a été acheter une pizza ou une rencontre devant le café. J’ai remarqué que cette manière de chanter s’est accentuée en même temps que l’arrivée de la Star Ac’ et autres télé-crochets. Depuis, la description du quotidien, souvent de façon cynique, a la cote.

Aucun artiste de la nouvelle scène française ne te parle ?

Tu parles uniquement des textes ?

Oui.

Ah non, je ne me retrouve dans aucun chanteur de ma génération. Sachant que j’aime Prévert, Céline, Cendrars ou Bukowski, je peux dire sans peine qu’aucun chanteur ne me fait vibrer par ses textes. Tu vois, lorsque Prévert décrivait dans un poème une scène autour d’un café (Déjeuner du matin) ; là il y a une vraie force. Mais les Bénabar me font pas rêver. Franchement, depuis Cantat qui était capable de t’emmener dans une rivière de mots, je ne vois personne. J’aimais bien l’écriture de Bashung aussi.

Crois-tu qu’un artiste qui ne chante pas l’engagement peut le revendiquer dans sa vie médiatique, à côté de ses textes ?

Bien sûr ! Le problème, c’est que c’est dur à gérer. Je connais Cali… Et quand je vois comment il est catalogué aujourd’hui dans les médias, ça fout les boules. J’ai des idées politiques, mais l’engagement c’est pas mon délire. Tout simplement car nos deux systèmes politiques – le capitalisme et le communisme – sont dépassés. Puis, honnêtement, depuis Mitterrand, y’a pas un mec à gauche qui a la carrure, qui donne de l’espoir aux gens. Ils ont voulu faire de leur métier la politique les gars, mais ils font quoi concrètement ? C’est super flippant. Faut pas s’étonner ensuite de voir ce que l’on a vu dimanche dans les urnes…

Toi qui a beaucoup voyagé, penses-tu que la liberté d’expression est en danger en France ou c’est une pensée de bobos déconnectés ?

Sauf dans certains régimes, la liberté d’expression est partout. Et j’ai envie de dire surtout en France, un vrai pays laïc. Le truc, c’est qu’aujourd’hui, on oublie que rien n’est acquis. Est-ce que les jeunes utilisent la démocratie ? Est-ce qu’ils défendent la laïcité ? Est-ce que les jeunes se battent tout simplement pour la démocratie ? Je crois que non. Si les Français utilisaient le temps qu’ils passent à râler à faire autre chose, on serait un peuple super créatif. Puis, ça fait un petit moment qu’en France, l’époque n’est pas favorable au lâcher prise.

Qui as-dit : « Etre sous-payé ce n’est pas important. Ce qui prime c’est l’intérêt du métier » ?

Intéressant… Je ne sais pas.

C’est Pascal Nègre, que t’as remercié à la sortie de ton premier album…

Ok, je vois (rires). Je ne renie pas ce remerciement. Pour bien comprendre, je t’explique le contexte. J’étais dans un label indépendant qui était sous licence Universal. J’ai pourtant toujours craché sur les multinationales et ai accepté leur aide pour ce premier album. T’arrives à plus de 30 ans, tu sais qu’ils vont mettre les moyens pour la promo, c’est pas évident de dire non. J’assume donc ce remerciement, car sans Nègre et AZ je n’aurai jamais eu l’affichage que j’ai eu, pas de Taratata, ni faire la grande scène des Francos…
Maintenant, j’ai vu ce qu’était Universal et, non merci, je ne veux pas y retourner (rires). J’ai fait le choix de les quitter pour mon prochain album. Choix que je ne regrette pas une seconde, mais je sais aussi que ça va être beaucoup plus dur pour la promo.

Surtout qu’aujourd’hui, ce ne sont pas les CD qui font vivre les artistes…

Oh oui ! C’est simple aujourd’hui pour gagner sa vie correctement : soit ta musique est reprise dans une pub, soit tu passes en boucle à la radio. Sinon, je ne plaisante pas, tu survis…

Un avis sur Hadopi ?

C’est complexe. En résumé, je suis contre le téléchargement, aussi bien pour le ciné que pour la zic. Je dis souvent que tu paies ta baguette chez le boulanger sans te plaindre parce qu’il a travaillé et ça te semble normal de le rémunérer. Si demain, on vient prendre la baguette sans payer, je ne pense pas que la majorité des gens comprendraient. C’est simple : « Tout travaille mérite salaire ».

Tu ne télécharges jamais illégalement ?

Sincèrement, c’est hyper rare. Quand je vois l’I-Pod de mon petit frère, il ne doit pas écouter un tiers de tout ce qu’il télécharge. Après, je vis avec mon époque. Mais quand t’es intermittent et que tu galères, tu le vois différemment. Et encore, je ne suis pas à plaindre. Mon album s’est vendu correctement et j’ai pu en vivre, à travers la tournée, pendant presque 3 ans. C’est déjà une chance. Car le live reste à mes yeux l’aspect le plus merveilleux de notre métier.

Justement, peux-tu en dire plus sur le concert de ce soir (lire mardi) ?

C’est une salle minuscule. Je parlerai plus de showcase. C’est simple, pendant deux soirs, vous allez être mes cobayes (sourire). Et inversement. J’ai des chansons et il faut maintenant voir lesquelles je garde pour le seconde album, résolument plus rock. J’ai besoin de voir vos réactions.

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