Après le succès critique de son premier album Eau (sorti en 2015 sur l’excellent label Vicious Circle) Alexandre Delano revient plus discrètement avec Ven Ven Ven, deuxième album pop-folk électronique tout aussi réussi que le précédent.
« Je suis là à vélo sous les toits sous les toits
Prisonnier de vos charmes
Et à la fleur de l’âge
Abandonnerai-je ? (…)
Que dîtes-vous, qu’entends-je ?
N’abandonnez jamais !
Je vous ai vu gravir
De bien plus hauts sommets. »
La fleur de l’âge
Si ce nom vous « dit quelque chose » c’est normal : Alexandre Delano fut, avec Matt Low, membre du Delano Orchestra, groupe clermontois d’indie folk-rock orchestré, ayant notamment collaboré avec Jean-Louis Murat sur ce qui reste à ce jour son dernier grand disque : Babel. Vous souvenez-vous du morceau phare de ce Babel « J’ai fréquenté la beauté » ? Et Murat qui chante « J’ai fréquenté la beauté (…) et n’en n’ai rien gardé. » Eh bien Alexandre Delano semble, lui, avoir beaucoup gardé de cette fréquentation : ces dix chansons suspendues composant Ven Ven Ven en sont la preuve.
Car, oui, ici tout est en suspension : rien ne vient ancrer, asseoir les morceaux : les arpèges et phrasés de guitares, les basses, les nombreuses voix féminines, les nappes de synthé, les notes de piano flottent, les souvent lointaines percussions (batterie et boîte à rythmes) s’envolent, et les arrangements, cuivre et cordes, volètent dans l’atmosphère diaphane quand le chant, tout autant discret que mis en avant, structure les chansons.
Oui, les instruments chantent la mélodie : là c’est une guitare, un clavier, un piano (« Le grand défi »), là des claviers puis une trompette (« Le ciel sur la terre« ), ici un petit riff au banjo (« Le bois de Diane »). Puis vient le poignant duo « Le lac » (« Je vis comme le lac, mes émotions frémissent à rebours »), morceau minimaliste à la fois grave, majestueux et enfantin, sorte de mélange entre musique moyenâgeuse et comptine : quelques notes de guitares acoustiques pleines de reverb et un piano simple pour chanter cette douce mélodie.
Et si, lorsqu’il évoque sa ville, Clermont-Ferrand, Alexandre Delano s’autorise un jeu de mots – « Clairs monts sombres » – c’est pour dire, sur quelques arpèges de guitare électrique, combien il veut la quitter : « A quoi bon attendre que le jour se lève sur la ville que j’aime (…) Il ne reste qu’à vendre / Retirer ses envies / Ramasser son mépris / Et partir en décembre / Vers un peu de verdure, vers la mer vers la pluie ». Puis au sombre, hivernal et montagneux morceau succède une chanson estivale, « Parasol », mais qui évoque des souvenirs d’un amour compliqué : « Tant de grains de sel sur tes tempes / Joli duvet, chemin de langue / Tant de gouttes d’eau touchées du doigt / Ces mini ruisseaux, ces chemins de croix ».
Souvent construites comme des adresses, les chansons qui composent Ven Ven Ven sont profondément ancrées dans l’ordinaire des sentiments, dans l’instabilité du vécu, s’insèrent dans ces moments où nos repères vacillent et que l’on songe aux pertes auxquelles nul n’échappe, lorsque nous sommes faillibles « devant ce grand défi qu’est la vie sur Terre. »
A la fois simples et minimalistes ces morceaux inspirés sont émouvants : entre humeur mélancolique et àquoibonisme, Alexandre Delano continue, mine de rien, à (nous faire) « fréquenter la beauté ».
Photo en une : Alexandre Delano © Alexandre Delano
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