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Adriano Celentano ou la rock’n’roll dolce vita

Véritable vedette chez nos amis romains, celui que l’on surnomme l’Urlatore (l’homme qui hurle) jouit d’une notoriété bien plus confidentielle en hexagone, malgré plusieurs tubes (enfin, un surtout) qui envahirent nos ondes dans les années 70. Comme c’est souvent le cas (ô misérables consommateurs audiophiles que nous sommes), on connaît la musique, beaucoup moins le type derrière.

Mais après tout, cela vaut-il vraiment le coup de s’y intéresser un peu plus ?

Il semblerait que oui et ce pour au moins deux raisons. Peut-être même plus, allez savoir. D’abord parce que l’homme, furieusement indocile, n’a jamais eu peur de bousculer l’opinion publique et de se mettre à dos politiques et religieux, quitte à dénoncer certaines dérives ou impertinences en direct à la télévision, devant des millions de téléspectateurs·trices. Plus qu’un simple rockeur un peu foufou, original et déjanté, Celentano a des convictions qu’il défend avec poigne, sans concession ; une vraie ligne de conduite en somme qui ne cesse de l’honorer, bien loin de ressembler à de simples coups de communication ponctuels et scrupuleusement réfléchis. L’engagement est réel, le militantisme tangible.

Ensuite, musicalement, c’est peu dire que tout ceci tient la route. De sa voix de crooner insolent et séducteur, l’artiste s’est payé le luxe d’une discographie soignée et révélatrice d’une âme artistique sacrément captivante. Le nouvel aveu d’une authenticité qui ne ment pas, à n’en point douter.

Enfin, entre nous, parler de musique rock et d’Italie, n’est tout de même pas chose si courante, si ? « La rareté du fait donne du prix à la chose », disait Jean de La Fontaine. Alors qu’en est-il de ce Celentano, fabuliste déluré des temps modernes ?

Auteur-compositeur-interprète-acteur-réalisation-scénariste et présentateur italien (rien que ça, merci l’esprit synthétique de Wikipedia) né le 6 janvier 1938, Adriano Celentano peut aujourd’hui se féliciter d’avoir vendu plusieurs millions de disques à travers le monde, depuis ses débuts il y a plus d’un demi-siècle de ça. Une longue et fructueuse carrière en effet, remarquablement menée d’une main de maître. Visionnaire, engagé, perfectionniste, attachant… et sans doute (un peu) fou.

En France (puisque c’est bien d’ici que nous dessinons son portrait), l’homme est principalement connu pour le titre à la fois social, rockab’ et barré « Svalutation » (1976), qui restera, et ce n’est pas rien, dix-huit semaines dans les hits-parades nationaux, allant jusqu’à se hisser à la quatrième place du classement. Mais c’est aussi à travers les adaptations françaises de certains de ses succès par nos vedettes nationales que le répertoire de l’italien traversera les frontières : Johnny Halliday ainsi que Dalida en 1961 avec « 24 000 baisers » (reprise de « 24 mila baci ») ou encore Françoise Hardy en 1966 avec « La maison où j’ai grandi » (reprise de « Il ragazzo della via Gluck ») pour ne citer qu’elles·eux (et ainsi oublier, par exemple et en toute innocence, de mentionner Régine ou encore Gérard Darmon).

Car malgré une oeuvre globale délurée et difficilement prompte à porter les couleurs d’une seule et même étiquette, Adriano est et reste avant tout un rockeur. Un de ces véritables loubards au perfecto cuir et lunettes noires qui plus est pionnier dans le rock’n’roll made in Italy.

C’est en 1956, alors qu’outre-atlantique le King affole toute une Amérique conservatrice par ses danses lubriques et ses guitares diaboliques, que le jeune milanais fonde les Rocks Boys, avec son ami Antonio Ciacci, futur Little Tony, chanteur à succès en Italie.

L’aventure ne durera cependant qu’un court temps, puisque le groupe se séparera l’année suivante, ce qui n’empêchera pas le jeune Celentano, bien au contraire, de poursuivre ses rêves de musicien populaire. Décidé à continuer de défendre sa langue maternelle face à l’invasion massive des tubes anglo-saxons, il sort son premier grand succès en 1961 avec « 24 000 baci » l’obligeant alors à fonder rapidement une société de production pour gérer les ventes déjà étourdissantes de ses disques. C’est peu dire donc du triomphe quasi-immédiat remporté haut-la-main par le Jerry Lee Lewis milanais qui, dès lors, enchaînera les réussites discographiques (« Chi non lavera non fa l’amore » (1970), « Ciao ragazzi ciao » (1964), « La copia più bella del mondo » (1971), « Prisencolinensinainciusol » (1972), « L’unica chance » (1973) ou encore, bien évidemment, « Svalutation » (1976)) et sortira plus de 35 albums jusqu’en 2012, date de sa dernière apparition publique le temps de deux concerts en plein air aux Arènes de Vérone, retransmis en direct à la télé nationale.

Tout au long de sa vaste carrière, Adriano Celentano prendra également plaisir à traîner du côté du 7ème art, comptabilisant une quarantaine de films à son actif, auprès de réalisateurs prestigieux tels que Sergio Corbuci, Pasquale Festa Campanile ou encore Castellano et Pipolo (et même Fellini, avec une apparition dans son propre rôle dans La dolce vita, c’est dire s’il fait pleinement partie du patrimoine culturel de son pays).

Avec un son à l’identité forte, un goût certain pour la justice sociale, la chasse au politique et des prises de position publiques pour l’écologie et contre les dérives néfastes du capitalisme, Adriano Celentano s’est rapidement construit une image populaire et respectée par les siens d’une part, tout en ayant réussi à cultiver avec brio la vivacité et la virulence artistique, à l’essence même du rock’n’roll. Il faut dire que l’artiste semble s’être trouvé au bon endroit, au bon moment. Devenu incontournable, il a pu jouir du quasi-monopole de l’export de la musique rock italienne à l’étranger pendant de nombreuses années (avec une petite poignée de pairs), ouvrir la voie à de nombreux successeurs et rétablir, en toute discrétion, la puissance de l’empire romain… musicalement parlant, bien entendu.

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