Le directeur de l’Olympia Bruno Coquatrix y fut Maire et des séquences du film La Boum y furent tournées, voici ce qu’on a trouvé de mieux pour vous introduire qu’entre Cabourg et la musique, il y a définitivement « un truc ». N’allez pas nous demander quoi : la réplique choc prévalant toujours sur le fond dans le journalisme musical. Reportage donc à Cabourg, Mon Amour avec la crème de l’indie, des Parisiens qui remontent leurs jeans en faisant de beaux ourlets tout droits, un cadre à tomber de sa chaise de surveillance baignade, des slams, de la bonne bouffe et un portefeuille vide. Procédure habituelle.
Repaire d’Anglais aux bronzages ketchup-mayo qui se gavent de tout ce qu’une station balnéaire offre de rêve au touriste juillettiste, Cabourg n’a évidemment pas besoin des musiques actuelles pour faire le plein dans la machine à cash. Le casino et le Grand Hôtel remplissant déjà amplement leur rôle. C’est pourtant sur un superbe décor « les pieds dans le sable » que l’agence musicale parisienne Super! (à l’origine du Pitchfork Music Festival), le restaurant parisien Les Niçois et la structure artistique parisienne Premier Amour lançaient la quatrième édition de Cabourg, Mon Amour à deux heures de Paris.
Saison (f)estivale
Les mauvaises langues cachent forcément des molaires mal brossées : oui, on est venus de Paris pour les mêmes raisons que le reste du public. A savoir, la programmation – sorte de all stars actuel et pointu de l’indie pop (Jacco Gardner, Jagwar Ma, Hinds) et d’indie house actuelle (Leon Vynehall, David August, Tom Trago)-, l’idée du sable entre les orteils et du son dans les oreilles, le rythme lent des petits festivals d’été. Tout ça avec hélas le risque de créer une enclave parisienne en terre normande sur un lopin de côte. Comme This Is Not A Love Song, Heart of Glass, Heart of Gold, Hello Birds, Visions, Baleapop ou Yeah!, Cabourg, Mon Amour a le nez très fin et une comm béton pour montrer que primo l’été 2016 n’est pas juste l’occasion de faire des indigestions aux churros trempés 8h dans de l’huile sale en débriefant Tarzan, Nos Pires Voisins 2 ou Independance Day 2 et deuzio il peut être la possibilité d’écouter de la musique en plein air en évitant les mastodontes qui ramènent 500.000 personnes.
Certes, les festivals musicaux pointus ne rassembleront jamais aussi bien que les « mainstream » ou les foires aux squatteurs, les pas ingénieux, les gros familiaux ou les « seul festival de l’année ». La route du secteur est encore longue pour que les milieux indépendants, les alternatives artistiques, les différents langages et les nouvelles pratiques aient le rayonnement qu’elles méritent (parfois). Mais rappelons-le, Cabourg réussit pourtant son pari artistique. Voyons le gobelet à moitié social : comme la plage est à tous, la blindée du 7ème arrondissement venue à l’hôtel et la famille de prolos qui habitent à une heure de la plage ont tous les deux pu profiter des concerts. Les grilles n’empêchaient en effet ni de voir à travers ni d’entendre très distinctement les artistes jouer.
L’ennui du récit de festival
A Cabourg, Mon Amour, on s’est posés des questions, parfois sans réponse, histoire de proposer un récit qui essaiera au maximum de changer du « On était devant le concert de nommer un groupe aux envolées envoûtantes et aux basses rondes, pour enfin nous précipiter vers nommer un DJ à l’électro flamboyante et à l’aisance remarquée (…) On fait une pause pour manger un burger délicieux de chez nommer un food truck pour repartir au combat. » Super ton week-end. Excepté le fait qu’on s’en branle de tes mots valises.
Oui, on s’est fait des remarques, comme sur la large place accordée par les DJs au disco dans leurs sets, véritable fleuron électronique d’un retour de hype auquel personne ne croyait il y a 10 ans. Leon Vynehall, Tom Trago, Paradis, Délicieuse Musique, Palm Trax… Sur la scène Greenroom, l’équation est vite vue : (plage+soleil)*electro = disco*funk*house. On était venus pour voir nos chouchous Vynehall et Trago, on est un peu ressortis sur notre faim. Même si évidemment, le combo était imparable. On s’est aussi régalés du final de Délicieuse Musique sur un edit de Louis Chedid.
Quart de teinte
Les entières déconvenues n’ont pas été au rendez-vous mais on s’est quand même ennuyés devant Ten Fé et préféré la pétanque pendant LUH qui avait l’air de faire un concert de reprises d’Arcade Fire. On a confirmé nos gros doutes devant Hinds et été confrontés à une clôture du festival absolument bizarre pendant laquelle un type s’est fait passer pour David August.
Casquette, pull à capuche, lunettes, profil normcore, tout pouvait faire penser que l’homme sur scène était bien David August jusqu’au moment où il a commencé son set. Ayant pour certains d’entre nous adoré son unique album Times et aimé son live en groupe à Dour deux semaines plus tôt et ce, malgré les évidentes références à Nicolas Jaar et Darkside, il devait être l’un des climax de cette édition à Cabourg. Loin des ambiances feutrées qu’on lui connaissait, il préférera des atmosphères stridentes, quasi noise, aux couches superposées pour un set épique et peu mélodique, qu’on aurait adoré à un autre moment. Peut-être que désormais on pense plus à David August comme un musicien qui devrait jouer ses morceaux et non comme un DJ jouant ceux des autres.
Au-delà de cet aspect purement musical, on retient souvent plus les galères que les efforts. Ainsi est faite l’humanité. Et même si on s’échine à peser les deux, on ne pourra oublier la queue des chiottes muraille-de-chinesque le vendredi et le samedi du festival à des heures avancées, malgré la réactivité du festival à prendre les devants le dimanche. On a toujours un regard bovin et vide face au mur blanc qui nous fait face quand on se rappelle, circonspects, qu’on s’est fini au casino de Cabourg le premier soir, alors qu’il y avait plein de bars à côté. Un lieu qui jouxterait les enfers selon nos sources.
On tremble enfin encore à l’idée de regarder nos comptes en banque pour avoir consommé de certes délicieux bœufs-frites ayant cuit pendant quatre heures mais également des bières blondes légères tout ce qu’il y a de moins cher à l’achat. Comme on sait qu’un festival, c’est aussi énormément de cachets d’artistes, de dépenses de sécu et d’infrastructures, tout ça, tout ça, on saluera la bonne tenue du festival qui habille avec goût le paysage artistique français et se casse la tête pour qu’on se la mette à l’envers devant ce qui se fait de mieux dans l’indie pop. Ou plutôt dans une certaine idée de la pop.
Les maillots jaunes
S’il fallait faire des choix, Jacco Gardner, Jagwar Ma et Flavien Berger resteront comme les meilleurs moments musicaux du week-end. Quand l’amour régnait en maître pendant le concert du premier, ce sont les cris de la foule qui se fondaient dans les nappes psychées du second alors que la naïveté du troisième a révélé l’enfance pas si cachée du public. On adhère aussi de plus en plus à la folie de Bonnie Banane, dont le set a pris des points depuis le Hors Bord à Bordeaux. Enfin, on n’oubliera pas de suivra Fishbach, qui n’a rien à envier à Catherine Ringer, et dont le show confirme encore et toujours qu’elle en a sous le capot, O dont la mignonnerie des chansons cache un humour fin et un super sens de la mélodie et Claude (aka Fulgeance) qui n’a pas son double pour breaker la house.
Mais les véritables maillots jaunes sont les seuls artistes bénévoles du quotidien : une poignée de festivaliers. Leur particularité est qu’ils ne se connaissent pas entre eux mais se comprennent, s’efforcent de dormir le moins possible (parce que c’est tricher), jouent sur l’absurde pour la postérité ou sont simplement trop saouls pour se contrôler. Sans hésitation, ils sont le cœur de tous les festivals. Ce type qu’on ne voit pas pendant tout le festival et qui saute et crie de joie pour une chanson du groupe C Duncan avant de jeter son peignoir sur scène en est un. Celui qui aura eu toutes les tenues et les tailles de pupilles en dansant comme s’il devait partir en pensionnat le lundi, qui s’est renversé trois fois sa pinte (au moins) en voulant montrer aux autres qu’il pouvait la tenir sur sa tête en est un autre. Ceux qui ont inventé un jeu de basket avec des pneus et des balles de déco super lourdes. Celui qui a slammé pendant 20 minutes pendant le concert de Jagwar Ma.
À tous ceux qui trébuchent, qui se cognent et qui – ensuite – engagent la discussion.
À tous ceux qui sourient dans le vide.
0 commentaire