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À Paris, on ne se tait pas après 22H

Un nouvel arrêté de la préfecture de police de Paris, applicable depuis le lundi 28 septembre, a été publié vendredi dernier. De nouvelles réjouissances y sont prévues : fermeture des bars après 22h, vente à emporter d’alcool interdite de 22h à 6h, rassemblements interdits au-delà de 10 personnes dans l’espace public, fermeture des salles de sport et des gymnases.

S’il n’est pas à nous de commenter la pertinence de telles mesures et d’ajouter à la névrose générale, on constate qu’une petite ligne totalement arbitraire s’y est insérée. Ni vu ni connu, l’arrêté prévoit l’interdiction de diffuser de la musique sur l’espace public entre 22h et 6h du matin. Ce n’est pas tout, il n’est désormais plus possible de la diffuser chez soi si celle-ci est « audible sur la voie publique ». Dans le genre violence psychologique, vicieuse et gratuite, on n’a pas mieux.

Chez Sourdoreille, on a une petite tendance à défendre la musique comme l’un des plus courts canaux reliant le rêve, les sensations et la rencontre. Il nous semblerait hallucinant de ne pas l’ouvrir un peu, en cette période angoissante. Contrairement au Figaro qui voit cet arrêté comme « un moyen de lutter contre les fêtes sauvages dans les habitations » (décidément le mot « sauvage » est à la mode), nous refusons de réduire la musique à des fantasmes sécuritaires.

Si le ministre de l’Intérieur et le préfet de Paris perçoivent le silence comme un rempart au Covid, eh bien qu’ils le pensent. Après tout, ils ont bien le droit. Mais qu’ils le gardent pour leur pause thé glacé à la Rotonde. On peut également penser qu’il est possible d’éradiquer la grippe en versant du sel devant sa porte, ou le rhume en faisant trois fois le tour d’un pommier, tant qu’on n’oblige pas toute une population à en faire de même.

On ne tombe pas des nues. On a bien vu le peu de considération qu’ont nos chers préfets vis-à-vis de la culture, surtout lorsqu’elle est gratuite et libre : la fête de la musique en 2019 à Nantes avec le décès de Steve suite à une charge policière, ou la récente free party à Orléans lors de laquelle les danseurs inoffensifs se sont fait gazer et matraquer sans sommation, nous le rappellent.

Il existe une différence fondamentale entre mettre tous les moyens à sa disposition pour enrayer une épidémie ; et favoriser le repli sur soi, sans parler de l’incitation à la délation remise au goût du jour. Avec cette nouvelle interdiction, la préfecture de Paris s’abaisse à un niveau de publicitaire qui intercale ses conditions de vente frauduleuses en taille de police 8, en bas de l’affiche.

La musique serait responsable de tous les maux ? Pourtant, des études montrent que les regroupements dans des événements publics ou privés provoquent moins de clusters que dans les transports en commun ou les entreprises. Il faut croire qu’il existe des regroupements utiles au bien commun, d’autres non. Qui décide de cette hiérarchie ?

Nous n’avons jamais autant eu besoin de musique et de vie. Pour lutter contre l’absurde, jouons de la musique depuis nos balcons, chantons à nos fenêtres, faisons des bœufs par appartements interposés, montrons notre science du mix, et organisons des battles de playlists entre voisins.

Rions aux éclats de nos rires les plus gras.

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