17 Juin 2016, Istanbul. Nous sommes en plein mois de Ramadan. Si la Turquie compte 99,5% de musulmans, toute la population du pays ne se prête pas à la pratique du jeûne. Surtout à Istanbul, ville riche où se croisent nombreuses religions. En cette soirée chaude, les amateurs de musiques indépendantes se sont réunis dans le magasin de Lee Seok-woo, un expatrié coréen, pour écouter le nouvel album de Radiohead.
Velvet IndieGround, c’est le nom de ce refuge pour mélomanes, jeu de mot évident évoquant une des références musicales les plus subversives de l’histoire : le Velvet Underground. 30m² nichés dans une ruelle escarpée qui abrite nombreuses galeries et cafés tendances. Dans cette boutique exiguë s’entassent depuis 2014 vinyles et CD d’artistes pointus et de niche. Pas vraiment fructueux en terme de vente, le propriétaire n’a de plaisir que de voir les habitués se rassembler autour d’une même passion, la musique.
Les ardoises entourant le lieu annoncent à la craie les noms des sorties du moment, tandis que le vinyle A Moon Shaped Pool tourne paisiblement. Éclats de rires, discussions passionnées et échanges d’interprétations fusent sans doute alors que les bières se vident doucement. Sûrement trop de bruit, d’amusement et de rires pour une poignée de frustrés rustres qui passent par là. C’est armés de battes et tuyaux que sont venus une vingtaine d’extrémistes tabasser les amateurs d’indie. Plus d’un éclat de bouteilles de bière, lâchement cassées sur les têtes des fans.
Jamais punis, le président turc Erdogan les a même défendus. L’injustice et le drame de cette soirée, Lee Seok-woo n’a jamais vraiment pu l’oublier. Chaque jour, les passants entrant dans sa boutiques lui rappellent l’événement, jasant sur causes et motifs. Et puis les habitués ont déserté, effrayés. Alors, sept mois après, celui que Rolling Stone a surnommé « le disquaire le plus triste du monde » a dû agir. Et la décision lui est apparu évidente, fermer et partir. Simplement.
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