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3somesisters : « La modernité, c’est la tradition d’aujourd’hui »

Les membres de 3somesisters se caractérisent par une énergie et un humour généreux dont ils font aussi bien preuve en live qu’en conversation. Le groupe est composé de gauche à droite de Florent Mateo, Anthony Winzenrieth, Bastien Picot et Sophie Fustec. Après avoir tourné avec Yaël Naïm et fait bien des reprises de tubes des années 90, la bande s’est lancée dans un type particulier de créations musicales. On les a rencontrés pour parler de genre, de divas, du « fish gape » et des vieux. Vous pourrez les retrouver le 7 octobre dans le cadre du festival MAAD in 93 et le 14 octobre dans le cadre du Festival MaMA.

Vous avez tous des origines différentes et dites vous inspirer de nombreuses musiques traditionnelles. Quelle est votre folklore de prédilection ?

Florent Mateo :  Ça change selon les humeurs, donc autant dire que ça change tout le temps. Dernièrement, j’étais à Bâle et on a participé à une émission de radio où il fallait faire des propositions culturelles diverses. J’ai fait pour l’occasion une immersion dans le kabuki et me suis passé en boucle le même titre de musique traditionnelle japonaise.

Bastien Picot : Ça peut surfer entre les chants bulgares, le maloya et des sons issus d’Amérique du Sud… C’est un panel. On ne peut pas en choisir qu’une.

Vous aimez jouer avec l’opposition tradition-modernité. Vous aimez quoi dans le vieux ?

Bastien Picot : On aime les vieux. On est gérontophiles. (rires)

Florent Mateo : Ce n’est pas qu’on les oppose. On considère que la modernité, c’est la tradition d’aujourd’hui. C’est l’évolution. Mais c’est sûr qu’on aime jouer avec ce qui paraît opposé, ce qui paraît être un grand écart. Et justement même dans nos tenues, on s’est aperçus qu’il y avait beaucoup d’associations diverses et opposées.

Vous définissiez beaucoup votre musique avec des mots-valises que vous inventez. On vous force à le faire ?

Florent Mateo : Il le faut. Les gens en ont besoin. Quand on a fait notre proposition, on a pensé pendant un moment à se présenter comme étant inclassables en disant : « voilà notre style ». Parce qu’on aime tellement de choses. Mais on s’est aperçus qu’il est important de se définir. C’est aussi une question de partage et de communication de pouvoir dire « voilà c’est ‘ça’ qu’on fait » pour pouvoir être identifiés. C’est très européen et français. D’ailleurs j’ai remarqué qu’on veut toujours savoir d’où viennent les gens. Ça nous obsède. On nous demande souvent « c’est quoi vos origines ? » ou « alors, d’où tu viens ? »

Bastien Picot : Si on était aux États-Unis, on nous demanderait plutôt combien on touche par cachet.

Florent Mateo : Il y a cette idée de s’identifier avec des mots. Après tout, on est profondément français. On joue le jeu et on s’en amuse. Si bien qu’on fait des associations de mots valises : folklore étrange, glam-ethnique, trad-queer, etc.

Bastien Picot : On a envie d’être définis par tous ces mots là. En même temps, on veut qu’ils laisse une porte ouverte, qu’ils attisent la curiosité. On espère que les gens auront envie d’écouter notre musique pour comprendre ces catégories étranges.

Florent Mateo : On aime faire des associations antinomiques. La dernière fois j’ai dit qu’on faisait de l’ethnico-glam, ça a fait sourire parce que le glamour et l’ethnique, c’est une association dont on entend pas trop parler généralement. On n’aime pas être mis dans des cases donc on préfère créer les nôtres.

Sophie Fustec : Et les assumer.


La question du genre agite nos société ces derniers temps. Vous dites que vous êtes « non-genre » ». Pouvez vous le définir ?

Bastien Picot : On est du genre fluide. On est multi-genres. En tout cas, on ne parle pas de transgenre parce que ce n’est pas un parcours qu’on a expérimenté nous-mêmes. La question du genre, que ce soit en musique comme dans la vie, nous intéresse. On se sent concernés et on aime l’idée que notre image puisse ouvrir le débat.

Florent Mateo : Je crois qu’on correspond bien à notre époque sur ces questions de frontières du genre. On s’aperçoit depuis quelques temps qu’il y a des grosses conneries qui ont été dites à des fins commerciales et publicitaires pour nous ranger. C’est une évolution qui est tout à fait logique : dans les années 1970, quand les filles portaient les pantalons et les garçons avaient les cheveux longs, c’était hallucinant. Aujourd’hui la sexualité ne définit plus personne. On ne doit pas définir quelqu’un par son statut social, par sa provenance ethnique, par son sexe ou par son genre car il y a beaucoup trop d’exceptions. C’est une idée sociologique qui a été petit à petit intégrée à l’université et qui se diffuse. On est en train de comprendre que l’identité d’une personne ne tient qu’à ses expériences et à sa vie.

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Vous aimez les belles scénographies. Si vous aviez carte blanche, ça donnerait quoi ?

Bastien Picot : On aime beaucoup l’idée de collaborations avec d’autres corps de métiers et types d’artistes.

Antony Winzenrieth : Genre un troupeau de cerf qui arrive sur une plage.

Florent Matteo : Un hélicoptère, en toute humilité. Vraiment.

Sophie Fustec : Il ne faut pas nous dire qu’il n’y a pas de limites.

Bastien Picot : Comme on sait que la religion c’est le meilleur business plan qui puisse exister, on s’est crée notre propre religion avec nos insignes et notre croix.

Florent Mateo : Est-ce que c’est Beyonce qui est arrivée avec un treuil sur scène ?

Bastien Picot : C’était pas Miley Cyrus plutôt ?

Florent Mateo : En parachute !

Sophie Fustec : Pink avait fait une arrivée en trapèze aussi.

Florent Mateo : Je pense que si on avait beaucoup de moyens, on ferait beaucoup d’extravagances, mais avec humour. On trouve ça grotesque en vrai. On aurait bien des envies de meilleur goût mais là ça ne me vient pas.

Bastien Picot : Apporte-nous l’argent on te dira ce qu’on en fait ensuite.

Pour vos costumes vous parlez de streetwear « ecclésiastique » et concernant votre musique vous évoquez des influences religieuses… Quelle est la place de la religion dans votre musique ?

Florent Mateo :  Elle est présente en toutes petites touches. C’est vraiment infime. Au moment des arrangements, lors de la dernière étape, on intègre des éléments religieux. Dans les musiques religieuses, la lumière est beaucoup faite sur les voix donc on s’est dit qu’on pouvait prendre cet angle sur le traitement des voix. Dans nos morceaux, il y a des bourdons au niveau des voix comme des mantras, il y a des gongs, etc. On aimerait banaliser la religion. Par des tenues comme celles que l’on porte, on essaie finalement de montrer un aspect mode et moderne de la religion. De la désacraliser aussi.

Bastien Picot : Comme on sait que la religion c’est le meilleur business plan qui puisse exister, on s’est crée notre propre religion avec nos insignes et notre croix.

Sophie Fustec : Ce qui nous intéresse dans la religion, c’est plutôt l’aspect rituel.

3SS_photo-presse-Rope_©Leny-GuettaBD

En parlant de costumes, comment avez-vous rencontré Lia Seval ? Comment l’avez-vous convaincue de vous aider à trouver votre style vestimentaire de scène ?

Sophie Fustec : On a eu à la convaincre ou pas ?

Antony Winzenrieth : Il a suffit d’une chanson pour qu’elle devienne folle de nous. [Rires]

Florent Mateo : C’est du démarchage sauvage on va dire… J’avais vu ce qu’elle faisait sur le net, j’ai demandé et elle a commencé par nous faire du prêt de vêtements. Notre projet lui a plus et ça a matché. Et puis, est venu le temps de confectionner véritablement des tenues. On lui a donné beaucoup de responsabilités. On lui a demandé de chapeauter toute notre ADN visuelle. C’est une nana brillante qui a le goût des responsabilités. Elle travaille pour Jean-Charles de Castelbajac depuis trois ans maintenant !

Vous aimez incarner des divas. Quelle est la diva de référence de chacun ?

Bastien Picot : Naomi Campbell. Elle me fait hurler de rire.

Sophie Fustec : Mariah Carrey… Madonna. Mais Madonna elle est au-delà de la diva.

Florent Mateo : C’est une déesse.

Florent Mateo : Mariah Carey elle a ce petit truc. Elle a l’air de rien… Mais en fait, elle assassine et plante des couteaux. (rires)

Vous aimez bien les selfies et vous avouez être égocentriques. Vous posez beaucoup et vous faites même des duckfaces. Alors êtes-vous comme ça dans la vraie vie ou est-ce un genre que vous vous donnez ?

Florent Mateo : Malheureusement on est égocentriques… Enfin on n’a pas le choix pour le métier qu’on fait. Après, y’a le narcissisme qui est l’étape pathologique au-dessus. Pour ça, on s’en moque un peu. On se moque de nous-mêmes aussi.

Antony Winzenrieth : Je pense qu’on est encore plus loin que le narcissisme. (rires) Il y a du premier et du second degré dans tout ça.

Sophie Fustec : On est conscients de l’époque actuelle. Même si on singe ça, quelque part il y a quelque chose qui fonctionne aussi. Ça fait partie des nouveaux codes de la société et des nouveaux repères des gens. Quand on nous voit sur un selfie faisant des duckfaces, les gens retrouvent un repère. Certains vont se marrer, d’autres vont voir les membres d’un groupe peinturlurés, plein de paillettes, ça les impactera de manière différente mais ça les impactera tout de même.

Bastien Picot : En tout cas nous ça nous fait bien marrer. On a d’ailleurs eu vent de l’apparition du fish gape. C’est le genre de truc inutile qu’on apprend sur le web.

Sophie Fustec : C’est une légère ouverture de la bouche. Le nouveau duckface.

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