30 ans du Krakatoa : souvenirs, souvenirs

I Am Stramgram : Après les attentats

Bon ! J’ai quand même un paquet de souvenirs au Krakatoa. J’y ai passé du temps. Entre les concerts, les résidences, les ateliers, les labo’… Je suis passé par beaucoup d’émotions différentes : de l’excitation des release parties au fandage de poire bien en règle lorsqu’on était le backing band des soirées karaoké de fin d’année… Le whisky caché derrière les amplis et allumant des clopes sur scène pendant qu’on jouait une reprise de Gainsbourg… #Classic !

Mais du coup, je vais choisir de m’attarder sur un truc pas drôle. Je me rappelle avoir été le premier artiste à remonter sur la scène du Krakatoa après les attentats du Bataclan, en première partie de Lou Douillon. L’ambiance était extrêmement chelou. Il y avait une ferveur pudique et une attention particulière. C’était comme si cette méga-tragédie avait rendu encore plus indispensable le fait de se réunir pour quelque chose de pourtant si simple. Pour de vrai, je ne me suis jamais senti « utile ». Y’a 50 000 nanas / mecs qui font ça mieux que moi et j’accorde toujours plus d’importance à des gens qui sauvent des vies ou recherchent des espèces inconnues dans d’autres galaxies. Moi, je suis seulement un type qui fait des chansons d’amour dispensables. Mais à cet instant au Krakat’, et un peu malgré moi, j’étais un élément de réconfort. Il s’était passé un truc chelou et jouer, écouter, se réunir autour de la musique résonnait alors comme quelque chose de primordial. J’ai interprété mes chansons et les gens ont applaudi. Sans doute un peu plus fort que d’habitude parce que tout le monde en avait besoin.

Ophélie Herraire (LAGON NOIR Développement & Accompagnement, Production/Diffusion) : Un concert en 1999

Le Krakatoa est une de mes salles favorites à Bordeaux. Ni trop exiguë, ni trop grande, peu importe où on se situe, la proximité avec l’artiste est idéale et le son toujours bon. La première fois que j’y ai vu un concert, c’était en 1999, j’avais 12 ans. Mes parents m’ont toujours amenée à des concerts, dès mon plus jeune âge. Ce soir-là, c’était Calvin Russell qui s’y produisait. Dans mes souvenirs, je me suis d’abord dit, dès les premiers morceaux, que le temps allait être long… Sauf qu’à un moment ce monsieur a saisi mon attention. La salle était plongée dans le noir, au plateau je crois qu’il y avait seulement un tabouret et un micro et puis ce gars assis avec sa guitare, sa bouteille de Jack et sa grosse voix abimée. Dans mes souvenirs il y avait juste une douche sur lui, c’était des plus intimistes.

J’ai eu un coup de cœur pour cette ambiance, et au fil des années j’ai eu envie de travailler dans la musique. Je suis retournée très souvent au Krakatoa, j’ai grandi avec puisqu’on a presque le même âge et aujourd’hui je suis ravie de collaborer avec son équipe. Joyeux anniversaire Le Krakatoa !

Dätcha Mandala : hommage au Chinoi

Le Krakatoa et nous, c’est une longue histoire qui commence à nos débuts en 2008, lorsque nous étions encore lycéens. Le lycée où nous étions scolarisés était située dans la même ville, Mérignac, et avait eu l’opportunité d’organiser des concerts lycéens au Krakatoa. C’est donc tout naturellement que nous y avions participé, ce qui nous a permis de fouler pour la première fois les planches d’une vraie scène, mais également et surtout de rencontrer Jean-Marc André, un ingénieur du son reconnu et connu sous le nom de « Chinoi ».

Ce grand Homme avait derrière lui une carrière longue de 40 ans passés à traverser le monde en compagnie de la Mano Negra, Noir Désir, des Négresses Vertes, d’Hadji Lazaro et des Garçons Bouchers… pour finir par prendre sous son aile 3 jeunes ados qui ont monté un groupe de rock sur les bancs d’école. C’est grâce et avec lui que nous avons enregistré notre première démo 9 titres sur la scène du Krakatoa en juillet 2010. Il nous a accompagné jusqu’à son décès en 2015 en concert, notamment lors de notre première partie de Shaka Ponk en 2012 dans un Krakat’ archi complet.

Au fil des années, après une dizaine de représentations sur cette scène, après avoir participé à la Pépinière, le dispositif d’accompagnement de groupes locaux par le Krakatoa, après avoir travaillé à la billetterie pour les concerts organisés là-bas, nous y avons donné la release party de notre premier album en novembre 2017 dans une salle quasi comble. Pour l’anecdote, Didier Estèbe, directeur et fondateur du Krakatoa, nous avait d’ailleurs dit que voir autant de monde pour un groupe bordelais qui fête la sortie de son album en soirée payante, ce n’était pas arrivé depuis plus de 15 ans lors de la soirée de sortie du troisième album d’Improvisators Dub. Un groupe que l’on n’a pas pu connaître car nous étions trop jeunes à l’époque mais dont faisait partie Francis Passicos, notre sitariste sur scène ce soir-là.

En attendant d’y retourner jouer, on ne se prive pas pour aller voir les concerts qui y sont programmés, Gojira, Suicidal Tendencies, Opeth, The Inspector Cluzo, Salamander Jive, Dewolff, etc, etc. Bref, le Krakatoa est une salle où on se sent à l’aise, où au fil des ans des liens amicaux se sont créés avec toute l’équipe. Joyeux anniversaire le Krakatoa, cette salle qui nous a vu grandir !

Roger Merpillat, chargé d’accueil des publics et des artistes : He provides us with drinks

Archive est venu le 27 novembre 2017 au Krakatoa. Je travaillais en extra au bar à l’époque. Je me souviens du temps du repas au catering avant le concert, il était 19h. Au moment du service, les claviéristes composaient encore tous les deux sur des claviers midi branchés à leurs ordis, assis à une table pas très loin. Je trouvais déjà ça énorme d’être à côté d’eux alors qu’ils enregistraient probablement des idées pour un futur projet.

Assis à la table juste à côté de moi, il y avait Polar le chanteur du groupe. J’étais le premier de mon équipe en bas et j’attendais les autres avec un verre de vin. Polar est allé chercher son ordinateur et a appelé sa famille en visio. Il a commencé à faire un tour à 180° avec son écran pour montrer à ses enfants où il était tout en présentant les gens qui étaient là de loin : « here’s the chef (Tof notre cuisto)», « …and here’s the security service, they watch over me », puis ce fut mon tour : « and here’s Roger (nous nous étions déjà présenté), he provides us with drinks ». Il m’a mis dans le cadre avec lui et m’a présenté ses enfants. Tout le monde avait répondu des : « hello ! » enthousiastes en secouant la main. Autant vous dire que j’étais un peu gêné aussi mais ravi de partager un moment si « humain ». Ça peut paraître débile mais ces quelques minutes d’intimité partagée, au beau milieu du balai incessant des musiciens, techniciens, sécurité, production des soirs de concert, reflètent parfaitement la magie des soirs de concerts au Krakatoa.

C’est une salle vivante et chaleureuse qui abrite une équipe enthousiaste et bienveillante et j’aurais encore beaucoup de souvenirs à raconter alors que je n’y travaille pas depuis longtemps. Ce souvenir soulève aussi la question de l’intimité et du lien avec les proches pour les artistes en tournée. Mais cela est une autre histoire.

The Inspector Cluzo : Les capitaines des musiques actuelles

Le Krakatoa ? Jeunes, on faisait 1h15 de route de Mont-de-Marsan pour venir. Les 1h15 de route étaient théoriques, car il était tellement compliqué d’y accéder en voiture qu’on se perdait tout le temps et c’était plutôt 1h45 à la fin… On y allait pour y voir des artistes internationaux qui ne passaient (plus) à Mont 2 : Maceo Parker, Ben Harper, Fun Lovin’ Criminals, etc. Certains concerts étant devenus mythiques, les trois heures de concert annuelles de Maceo Parker étaient à chaque fois la « leçon ». On y apprenait et étudiait en voyant ce niveau international. On y allait aussi  pour le son car pour nous c’est la salle (et toujours) qui a le plus gros son du secteur, la plus belle dynamique et qui, quand on a des artistes jouant organiquement, vous collent au plafond… comme un live… un vrai, avec les guitares dans la tête et la grosse caisse dans le ventre.

De notre expérience, la longévité d’un projet est une difficile alchimie collective, mais elle toujours guidée et catalysée par une personne. Il y a toujours, dans ces endroits, des gens, des personnalités, des hommes, des femmes de caractères hors normes, des capitaines qui gardent le cap. Le Run ar Puns a Jakez L’Haridon, les Trans ont Jean-Louis Bossard, les Charrues ont Jean-Jacques Toux, les Eurocks ont Kem. Et le Krakatoa a Didier Estèbe. On ne peut pas parler d’un projet collectif aussi long sans parler de cette fameuse personne qui est derrière, souvent dans l’ombre, sans faire offense évidemment à tous celles et ceux qui y ont aussi contribué. Ce(tte) capitaine prend tous les coups, a souvent le sale rôle, mais sans eux pas de longévité. Surtout ils sont garants d’un esprit et de valeurs.

On aime les gens de caractères mais pas les caractériels. On aime les personnalités qui sont LÀ, les deux pieds ancrés, qui ne sont pas lisses. Didier est comme cela, et donc on a dû s’engueuler au moins 153 fois depuis qu’on se connaît mais notre relation avec lui et le Krakat’ a toujours été la même : directe et sans détours. C’est pour cela qu’on l’aime et qu’on aime sa salle et ses équipes (avec quelques cheveux en moins évidemment). C’est la vie, on s’engueule, on s’aime, bref la définition de base de l’amitié. Vive Le Krakatoa !

Par contre à 103 DB, ça fait chier surtout là-bas ! Plus fort ! Adishats

Crédits photo en une : DR