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The Mystery Lights discutent d’abord et frappent ensuite

Le label Daptone, plutôt tourné soul et funk, a récemment redoublé d’efforts en ouvrant une division rock, Wick Records. La première place est offerte à The Mystery Lights, de passage à la Mécanique Ondulatoire pour sa dernière date française. Une première conquête sympathique qu’on est allé interviewer. Coolisme par intraveineuse et tympans défoncés.

Politique du cool

Alors qu’il était risqué, il y a 50 ans, de s’aventurer à devenir acteur de la grande histoire du rock, le danger réside aujourd’hui dans l’originalité, dans l’affirmation « identitaire » – si galvaudé soit le mot. D’un univers défoncé à la musique fantastique, on est passé à un monde édulcoré où il faut faire original pour ne pas se faire taper sur les doigts. Le label n’a pas peur, le chanteur non plus : « Un risque ?! Nan nan… On n’a peur de rien nous, juste peur de me faire mal ce soir car la scène est vraiment petite. » Bad boys. Le premier échange pose le ton.

Les garçons du Queens sont tous présents, et nous voilà au centre d’une pièce de 14 mètres carrés. Le pianiste est torse nu, la température parisienne atteint les 28 degrés aujourd’hui. On enchaîne, malgré Mike Brandon, le chanteur, consterné par notre interrogation quand à la précarité du rock. On apprend qu’ils sont tous autodidactes et que « c’est vraiment cool. » Et l’apprentissage académique alors ? : « It’s cool, yeah it’s cool. » Mike Brandon se confie ensuite ironiquement – on l’espère – sur ses premières compositions : « Elle s’appelait “Insane Girl” à propos d’une fille folle de mon collège. “Die Hi Ha” aussi, c’était notre crew au collège. Et ouais, j’étais dans un gang… Mais je le recommande pas. »

Trump around

Republican U.S. presidential candidate Donald Trump speaks in Janesville

Suite à un début houleux, on embraye sur une discussion à l’improviste. La campagne américaine arrive rapidement : «  Oh men, c’est une grosse blague. Trump… Il est terrible. Pour nous c’est marrant, beaucoup de gens en Europe nous demandent ce que l’on pense de lui. Il est fou et immoral. Le seul truc positif qui peut en ressortir, c’est que ça peut éventuellement ouvrir les yeux des Américains sur notre structure politique, ce qui pourra je l’espère, faire changer les choses. Si ça peut alerter les gens sur le système dans sa totalité… » déclare Kevin Harris, le pianiste visiblement touché par le sujet.

Sur la problématique des armes, le groupe est contre, à l’exception du chanteur, marquant un point d’arrêt à la contestation générale : « Attendez une minute ! J’ai regardé un documentaire sur Netflix qui évoquait la nécessité d’avoir des armes pour les habitants d’une ville super dangereuse. Ils en avaient vraiment besoin pour se sentir en sécurité et protéger leurs familles. » Le pianiste s’insurge alors : « Personne n’en a besoin ! Ce n’est pas automatique ! Il y a eu tellement de tueries aux Etats Unis… Ça craint, les armes ont une très forte emprise chez nous. Il y a un clivage important entre la ville et les campagnes. Quelques habitants des grandes métropoles sont, je pense, contre les armes. A l’inverse, beaucoup de gens vivant dans les zones rurales comme ce putain de Wyoming ne sont pas éduqués et veulent être armés. Ils sont stupides et bloqués sur l’idée que c’est un droit ! » On avait finalement réussi à lancer un débat qui se fermera sur l’avis mitigé du chanteur : « Je connais aussi des gens qui sont bloqués sur les armes parce qu’ils ont peur d’une éventuelle dictature de leur gouvernement et veulent être capables de se défendre et combattre en retour. C’est bizarre, il y a différentes facettes, je suis partagé. »

Hargne rock

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On pénètre dans la rue et les éclats de voix résonnent alors. Le bar de la Mécanique Ondulatoire est plein et tous se bousculent pour être premiers servis. L’heure du concert approche. « Bonsoir Parri ! » Le groupe se lance dans un set maîtrisé, fidèle aux codes garage. « Too Many Girls », « Too Tough to Bear » et « Follow Me Home » sont des réussites. La lenteur charismatique de « Flowers In My Hair » balance en métronome le public qui semble se réjouir que le rock conserve sa hargne. Les chœurs ne sont pas toujours perceptibles mais tant pis, c’est professionnel. « One more song ! » pour flirter avec la tradition du diable sur « What Happens When You Turn The Devil Down ».

Le quintet domine. Un rock hédoniste qu’on bouffe à pleines dents, nous renverse dans l’instant à l’image des musiciens, amis de l’action, amis de Camus. Sans anticipation, sans se prendre la tête. Le public est aspiré par le pogo engendré par le tournant punk que prennent les Américains à la fin de leur prestation. Le rock’n’roll tendu et compressé des 60’s explose en un vacarme égoïste des instruments, isolés dans leur bordel. Le label Daptone a du goût. Tout le monde retourne au bar pour essuyer sa sueur. Un vieux rockeur en cuir noir entame une discussion durant laquelle nous parlerons de l’interview, du concert et du lieu. On s’échappe pour négocier des photos avec un des photographes de la soirée, look punk. Raté : « ah non, je ne mets pas mes photos dans un article de politique. » Il s’éloigne, le cliquetis de ses boucles d’oreilles-croix parachevant mon scepticisme. Le vieux rockeur en cuir noir vient aux nouvelles et conclura savamment : «  Mais ce qu’il n’a pas compris c’est que… tout est de la politique. »

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