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On se lève tous pour La Darude

Les bonnes soirées à Paris, c’est comme les bons coins à champignons : on réfléchit à deux fois avant de refiler le tuyau de peur que le filon se tarisse. Exceptionnellement, il convient de mettre sous les projecteurs les soirées « La Darude », convaincu que le crew Bel Air qui se cache derrière ces soirées, saura comment continuer à faire les plus belles kermesses de Paris.

Débutons par une petite leçon d’Histoire contemporaine. Darude, est le nom de scène d’un producteur finlandais, qui a connu le succès à l’orée du troisième millénaire grâce au titre « Sandstorm ». Bien que le morceau ait eu un succès indéniable à l’époque, il aurait pu tomber dans l’oubli collectif comme bon nombre de tubes de l’époque. Au contraire, il a acquis un statut culte avec le temps, devenant même un meme internet. Et finalement c’est assez logique pour un clip qui est la quintessence de cette époque : une course-poursuite truffée d’effets spéciaux moisis, à la croisée des chemins entre une sous-production Luc Besson et un Matrix de télévision ; du sportswear pour faire du parkour tel un Yamakasi ; une musique énergisante malgré un son de synthé totalement pété. C’est tellement kitsch qu’on se dit que ça ne peut pas être sérieux.

Mais c’est ce second degré qui sonnait comme une évidence pour Karl (aka DIE KLAR) et Romaric (aka kwamē), les fondateurs de La Darude : « Karl voulait lancer une soirée trance à la base et du coup il s’est dit, il faut un nom qui claque. Donc La Darude parce que tout le monde connaît le nom Darude. Il faut aussi rappeler qu’on fait partie d’un collectif Bel Air, où notre base c’est le second degré et le délire ».

La touche eurodance ne viendra que plus tard, à la fin de l’été 2018, quelques mois après que l’idée de lancer des soirées de trance 2000 ait germé. D’abord, par les petites bombes eurodance lâchées par Karl en rave tout au long de cette année, puis à l’occasion d’un week-end à Amsterdam, lors d’une soirée trance, derrière une église : « Tu avais un côté trance, et un côté avec un karaoké eurodance. Eux ils faisaient ça pour le délire mais ça nous a donné une déclic, on s’est dit “on se tape des barres avec nos potes sur l’eurodance, pourquoi on la rajouterait pas à nos soirées” » précise Romaric.

L’eurodance, un courant musical un peu fourre-tout, très décrié à l’époque car superficiel, marketé. C’est pourtant aussi ce qui en fait son intérêt, comme le rappelle Romaric : « on sortait d’une époque avec beaucoup de genres musicaux très politisés et ce style ne l’est pas vraiment, c’est surtout une musique pour faire la fête et pour se défouler. » « Aller en soirée, c’est surtout faire la fête, pas se prendre la tête et s’assumer ce qu’on est » résume Karl.

L’insouciance incarnée par l’eurodance rappelle également celle de l’enfance, une époque où on mangeait notre bol de Crackles ou d’Apple Minis devant le Hit Machine de Charly et Lulu en pyjama DDP, en compagnie de ses frères et sœurs. L’époque, aussi de la cour de récré où on s’identifiait à tel·le ou tel·le membre des 2BE3 ou des Spice Girls, à tel ou tel joueur de France 98, où les parties de Pogs et les échanges de cartes Pokemon étaient aussi tendus et interminables qu’un sommet pour résoudre le conflit israléo-palestinien. Une époque qui nous paraît plus douce et plus libre que celle que nous vivons actuellement, peut-être plus futile, en tout cas plus porteuse d’espoir, y compris pour ceux nés avec le XXIème siècle et influencés par cette époque qu’ils n’ont pas connue. Une époque où un morceau comme « Let Me Be A Drag Queen » pouvait passer partout sans que personne ne s’en offusque. Une époque où, en revanche, on s’offusquait de l’arrivée de Loft Story, sans savoir que 15 plus tard, la téléréalité serait devenue la norme.

En tout cas, le concept trouvé à la sortie de l’été 2018, il fallait ensuite chercher un lieu acceptant de les accueillir. Mais taper aux portes en présentant la soirée comme un mélange de trance festive et d’eurodance – et sans tête d’affiche – c’est aussi compliqué que de créer une coloc de quatre personnes dans Paris intramuros pour 600€ par mois.

Fort heureusement, la Java accepte de leur faire confiance, ce qui a donné lieu à une soirée pleine de promesses, aux allures, justement, de crémaillère géante. D’ailleurs, cette ambiance perdure aujourd’hui, grâce à un public composé de grappes d’amis éclectiques mais unis le temps d’une soirée, pour faire la fête, et se sentant suffisamment chez soi pour se lâcher complètement. Cette sensation d’être comme à la maison, tient à quelques détails qui font la différence : des personnes déguisées, des éléments de déco, la bonne humeur de l’orga, mais, surtout, à l’absence de têtes d’affiche. Pas de DJ déifiés qui seront pris sur toutes les coutures pour les stories Instragram, pas de storytelling pour nous rentrer dans la tête que nous allons vivre un set unique ; seulement de la spontanéité. Ça pourrait sonner comme un cliché mais l’élément central des soirées La Darude, c’est bien le public, en témoigne le choix de mettre le DJ booth dans la fosse de Petit Bain lors de leur anniversaire, et ce afin que le public ait plus d’espace pour danser et puisse se faire face, créant une émulation bon enfant. Un public qui a de l’autodérision, car pour payer une soirée où il y a Loana en photo de couverture, il en faut une bonne dose.

La Darude - © Oriane Robaldo  4
La Darude - © Oriane Robaldo
La Darude - © Oriane Robaldo 2
La Darude - © Oriane Robaldo 3

Selon Romaric, les trois ingrédients pour faire une bonne soirée sont les suivants : « le fait de se sentir chez soi, un esprit safe – tu peux faire à peu près tout ce que tu veux du moment que tu respectes les personnes – et de la bonne musique. ». On l’a vu, les deux premiers ingrédients sont bel et bien réunis, reste la question de la bonne musique. En principe, le plus simple sauf quand le public n’est justement pas un public de connaisseurs. Il faut réussir à le tenir sur la durée, et pas simplement en balançant des tubes de l’époque. Pour cela, Karl et Romaric peuvent s’appuyer sur d’autres DJ, qui les sollicitent parfois spontanément, mais qui sont largement plus doués derrière des platines que Jean-Edouard. Donc, 6h de La Darude, musicalement, donne à peu près ça : après un début de soirée assez abordable qui enchaîne les tubes pour échauffer les jambes, le son évolue sur de la trance euphorique à 140 BPM, une musique blindée à l’EPO comme la team Festina des années 90. Ça va vite, ça va fort et ça ne connaît par la fatigue. Ça paraît tellement fluide qu’un break peut se transformer en climax, comme lors de l’anniversaire de La Darude, où Reno Le dj déposa sereinement un « Everytime We Touch » de Cascada, putasserie EDM éhontée. Et le public en redemande, sautant dans tous les sens pendant des heures à en faire sauter les platines.

Fort d’une première saison idyllique, Romaric et Karl reviennent donc chauffés à blanc pour cette saison 2. Déjà par l’annonce d’un nouveau logo, qui aurait fait un magnifique autocollant pour notre agenda Dia ou Diddl. Ensuite, par une nouvelle série de soirées mensuelles qui commencera au Petit Bain, le vendredi 13 mars. La Darude partira également en Belgique et aux Pays-Bas, temples de l’eurodance et de la trance 2000. Et même si l’envie d’avoir une scène dans des festivals ou dans des soirées plus grosses existe, afin de pouvoir démocratiser ce genre de trance et d’autres styles également confidentiels, pas question pour Karl et Romaric de voir trop gros, sous peine de mettre à mal la convivialité, la positivité, le fun et le second degré qui caractérisent leurs soirées et qui font le sel de la fête.

Vous pouvez également retrouver le collectif pour les soirées Ciel Ouvert, cet été, et la nouvelle série de soirées hip-hop dénommée « La Tchoin » qui sont « destinés avant tout aux femmes et aux communautés qui ne trouvent pas de soirées hip-hop safe ».

Photo en une © Gabriel Boyer
Photos dans l’article © Oriane Robaldo

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