Dans cette enquête sortie de nulle part, j’interroge des acteurs du mouvement techno et des musiques actuelles pour savoir s’il y a toujours moyen de se détendre en 2018 ou si tout est foutu. Ensuite, j’enchaîne par dire que le capitalisme c’est mal (eh ouais bim) et je rappelle qu’il existe des choses dont on ne peut pas se moquer en place publique si on veut garder son Underground Resistance street cred. Ah et j’en profite pour présenter (avec la méthode d’un troupeau de chèvres tombées dans un fleuve et essayant de se sauver) quelques médias sociaux qui font de la moquerie clubbing un passe-temps.
Je me suis interrogé sur la capacité de la techno à rire d’elle-même.
En 2017, je publie tour à tour deux papiers au ton ouvertement léger afin de servir un propos, lui, pas forcément drôle. Certaines réactions se sont révélées assez surprenantes. La numéro 2 va même vous étonner.
Le premier est le repost d’un article nommé Le comité de défense des sous-genres ennuyeux de la techno. Dans ce papier, j’y évoque des ramifications de la techno que j’adule malgré leur façon bien à elles de jouer sur l’ennui. J’y écorche des artistes au talent certain : Donato Dozzy, Zip, Ricardo Villalobos, etc. La très bonne fréquentation de l’article s’est accompagnée de partages rageurs de l’intelligentsia de la techno. Les fameux étendards du Touche Pas À Ma Techno.
Deuxième fait d’armes avec Tiga, acteur de série B italienne, une humeur en réaction à un post du DJ et producteur adoré de nos années 2000, Tiga, larmoyant sur son Facebook, et s’attirant la compassion de tout un mouvement. Quand les médias saluent unanimement son courage, sa transparence, sa clairvoyance, on a préféré y voir une humilité très relative tant l’artiste joue sur la comédie et la mise en scène. Même résultat en terme de trafic, même résultat en terme de critiques : « beaufs », « franchouillisme méprisant faussement intelligent », « moralisme condescendant », « aigreur ». Snif. Snaf. Snouf.
#HanounaKraviz
On est donc en droit de se demander
Comment vouloir s’en prendre même ironiquement au mouvement techno ?
Au détour d’une vanne qui taquine les étendards de la culture, il n’est pas rare, vous le remarquerez, de prendre malgré soi le rôle de celui qui crache dans la soupe, du petit con qui a oublié le combat ou qui ne l’aurait tout simplement pas connu. Pire : comment critiquer la techno, même constructivement, sans avoir l’air du mec assis en fond de club qui moque les danseurs insouciants, heureux, en sas de décompression ? Il règne comme la peur constante de casser l’ambiance, telle une extinction soudaine d’une paire de Funktion One, quand on parodie les djs starifiés, les agents, les intermédiaires agaçants, les cachets mirobolants, les festivals mastodontes, les puristes, les ayatollahs du vinyle ou les clubs hors de prix.
On a donc réuni dans ce papier une dizaine d’interlocuteurs aux points de vue parfois contraires pour essayer de démêler notre affaire : artistes, médias parodiques, promoteurs, bookeurs, artistes, programmateurs de festivals techno, de raves et de festivals grand public. Ils sont venus peupler cette enquête exclusive, à mi-chemin entre Cash Investigation et Confessions Intimes, pour essayer de répondre à la question La techno se prend-elle trop au sérieux ? qu’on pourrait aussi renommer Peut-on rire de la techno ?.
I – Mémoire de luttes
et de turlutes
« Il s’agit de connaître le chemin parcouru
Pour en juger les virages »
Lao Tseu, dans Ce qu’il n’a jamais dit
Luttes
La techno a trop vu, trop vécu, trop pris sur elle. Entre les stigmatisations, les arrestations, les agressions, les lois répressives, les circulaires absurdes, elle en a bien chié, mais s’est toujours relevée, avec légèreté et sourire revanchard. Elle a prouvé à la sueur de son front son évidente marque sur l’histoire de la musique.
Foi de John du site parodique de la culture électronique Ravelations, à l’époque de la création de la techno, on est loin de la grosse marade. Quand on s’inspire de la froideur de Kratwerk et des moteurs de General Motors, difficile de parler d’humour : « Historiquement, sans se la jouer Alain Decaux et pour faire court, ce mouvement est né à Detroit sur les cendres de l’industrie automobile. Cette ville a perdu 60% de sa population au cours des 50 dernières années et, sur ceux qui restent, la moitié est au chômage. Elle compte parmi les villes où la criminalité est la plus importante aux Etats-Unis. C’est pas vraiment Ibiza quoi. L’idée de Mike Banks, Jeff Mills and co n’était très certainement pas de faire de l’humour. Les sonorités des productions de l’époque n’avaient rien de joyeuses. »
Turlutes
Comme le ying et le yang, Stéphane rattrape son collègue au sein de Ravelations : « Attends, je pensais pas à ça, moi. C’était décontracté, les gens voulaient continuer à faire la fête jusqu’au bout de la nuit alors que les clubs fermaient à 2h en Angleterre, découvrir de nouvelles drogues ». Sans parler du « smiley, symbole du mouvement. » Un laisser aller que Fabrice Gadeau, boss du Rex Club nous confirme : « C’était un environnement plutôt sympathique et agréable, on travaillait dans une norme assez décadente, notamment au début avec les rave parties, les free et autres. On avait même une volonté de non-sérieux. »
Ce sujet a été pour nous l’occasion d’échanger avec l’un des ambassadeurs des musiques électroniques ouvertes et non-snob dans l’hexagone, monsieur Teki Latex, membre de TTC, parrain du streaming électro français (Boiler Room et Overdrive Infinity), producteur, boss du label Sound Pellegrino, chroniqueur de Game of Thrones et détenteur de mille et une autres casquettes. Selon lui « il y a une notion de fun dans la techno puisque c’est une musique qui permet de s’échapper de son quotidien. Même dans la plus sérieuse des techno des origines il s’agit tout de même de faire la fête et de parler de voitures de l’espace. » Et pour revenir à la prétendue noirceur ambiante de la musique de nos amis du Michigan, Teki rappelle quelques anecdotes qui se sont perdues, avalées par le raz-de-marée de techno. « Jeff Mills jouait du funk, du freestyle dans ses émissions de radio à Detroit sous le nom « The Wizard », ça restait de la musique souriante, chaleureuse, pointe-t-il pour nous. L’un des premiers trucs de techno que j’ai vraiment adoré c’est Detroit Grand Pubahs. Eux mettaient des perruques et parlaient de sandwiches et en même temps de cul dans leurs chansons et c’était marrant. »
« La techno c’est tout ce que tu veux y mettre. C’est la manière dont les Allemands blancs nuls l’ont récupérée qui est sérieuse et chiante. » Teki Latex
II – Un milieu devenu
tellement (DJ) boring
« Sous le capitalisme, les gens ont davantage de voitures.
Sous le communisme, ils ont davantage de parkings »
Winston Churchill
Certains évoquent les années 2010 comme celles de l’âge d’or de la techno. Un public croissant, des clubs professionnels, une programmation de qualité, une démocratisation de la culture club, des festivals qui pullulent, des sponsors. Banco. C’est nous qu’on a gagné. Gagné grâce à nos combats, grâce à nos victoires, grâce à notre sincérité, et malgré nos pleurs, nos coups reçus.
Industrie vaincra
Trente ans après les débuts du mouvement, la techno est aussi devenue, comme toute musique avant elle, un produit commercial. Pop. Une industrie de la musique électronique, un empire même à certains niveaux. Allons plus en arrière : « La musique électronique a existé parce que la musique de l’époque ne correspondait plus aux standards qu’on voulait, se remémore Fabrice Gadeau, rêveur. On était un peu des punks. Il y avait une légèreté qui était due à notre fonctionnement hors système. Maintenant, on est dans le système. »
Fabrice, Stéphane et John savent bien qu’une part de folie ne quittera jamais la techno, que ses promoteurs resteront envers et contre tout des fêtards, et que l’environnement restera relativement plus dissipé qu’un séminaire d’experts comptables. Ce qu’ils savent aussi, c’est que leur amour de jeunesse rapporte désormais de l’argent, beaucoup d’argent, et en attire encore plus. Fabrice Gadeau: « L’arrivée des majors, des grands groupes qui rachètent les salles, les artistes, les agences de booking… On rentre dans une ère de gains financiers et ça rend les choses systématiquement plus sérieuses. C’est ce qu’on rejetait au tout début de notre mouvement. » Qu’on se le dise, le principal défaut du néo-libéralisme pragmatique n’est pas uniquement qu’il est mauvais pour la santé, il est surtout très ennuyeux.
Pourtant, on ne parle ici ni de Diplo, de Calvin Harris, de David Guetta ou de Bob Sinclar, envers qui le milieu techno a tant de blagues en stock. Non, non, que nenni. À l’instar de tous les courants musicaux, le pan underground de la techno subsiste toujours, dominé par le spectre de l’overground qui se lèche les babines en la regardant. Ou comment quelques têtes dures parviennent toujours à cohabiter avec une espèce en voie de développement, celles des promoteurs qui font jouer en boucle les quinze plus gros noms de la famille techno pour le compte d’une marque de vodka ou de chaussures. Toujours vivante, toujours debout, mais aussi toujours plus divisée en familles, avec des tentatives de récupération criantes.
L’underground, comble de l’ennui ?
La techno underground – aujourd’hui souvent un oxymore – a créé ses propres puristes. Teki Latex a notamment été l’une des cibles régulières du Ed Banger bashing, le précédent monopole du clubbing parisien. C’est en réaction à cette période que la Concrete et un retour à la techno des origines s’y sont réémancipés. Avant le prochain cycle, bien entendu. « J’ai vu des gens du monde entier aller a Berlin une fois dans leur vie pour aller en teuf pendant 24 heures, nous confie Teki Latex, et revenir remplis de MDMA en disant : ‘Oublions tout ce qui nous a touché depuis qu’on est en âge d’écouter de la musique, maintenant on s’habille tout en noir – ou en survet vintage, ces dernières années -, on prend de la drogue et on écoute de la techno dark’ ».
« Jeremy Underground… il est underground? Parce qu’il y a le mot « underground » dans son nom ? Parce qu’il joue la house music de ton grand-père en 2018 ? » Teki Latex
Il y a aussi le terme « d’underground » qu’on entend à tout va et qui donne à sa scène ce côté brun ténébreux inaccessible. Mais le discours reste plus ou moins diffus d’une personne à l’autre : « L’underground, poursuit Teki Latex, est-ce que ce sont des blancs qui ont de quoi se payer des vinyles hyper cher sur Discogs et des machines analogiques ? Ou un gamin de 17 ans méga nerd qui fait du son sur Fruity Loops en remixant Nicki Minaj ? Ou une DJ trans noire qui a un talent de fou et qui joue nulle part parce que ça fait trop peur aux gens ? Ou un gars qui fait des morceaux en samplant des casseroles qui tombent par terre et qui sort ça sur une cassette audio à 3 exemplaires ? »
« Il y en a qui méritent qu’on soit un peu méchants : les agents. » Fabrice Gadeau, Rex Club
Mais d’où vient le mal qui ronge la légèreté de la techno ? Qui sont ces êtres diaboliques qui malmènent un milieu qui n’avait qu’une envie, celle de décompresser et considérer les djs comme des gens normaux ? Sont-ils ces reptiliens nazis qu’on nous cache pour mieux starifier les pousseurs de disques ?
III – Rouages du secteur,
illuminati et star system
« Bagarres, course-poursuites, crises de démence, tel est le lot
quotidien des équipes de police chargées d’assurer la sécurité. »
90′ Enquêtes
Agents = diable ?
Dans notre monde contemporain, l’agent a plusieurs rôles : parmi eux, celui de booker (soit de trouver des dates à l’artiste qu’il représente), celui de négocier les contrats avec les promoteurs (avec des préférences en terme de transport, de logement et d’accueil) et celui de conseil en terme de communication (voire sur l’artistique). Si on pousse la caricature diabolique, on dira qu’il peut être la bête noire des promoteurs en imposant parfois des conditions intenables et ce à la barbe de l’artiste représenté. Plus sérieusement, il est l’intermédiaire qu’il fallait à un milieu qui s’est industrialisé. Au détriment parfois des petits promoteurs qui ne peuvent se payer l’artiste pour ces raisons, ou l’acceptent en se ruinant à petit feu.
« Un agent qui booke un dj le samedi 2 dans un établissement à Paris et qu’il booke un mois après le vendredi 1 dans le club d’à côté dans la même ville, j’ai envie de dire man, change de métier. Lui, c’est vraiment un connard. » Fabrice Gadeau, Rex Club
C’est une question qui interpelle notamment l’équipe de La Station, lieu de diffusion en périphérie de Paris (Porte d’Aubervilliers) pas vraiment caution de ce genre de pratiques. Pour l’occasion, on a échangé avec Thomas Carteron (chargé de communication), Eric Daviron (programmateur) et Valentin Toqué (chargé de production) : « Il y a parfois des gens – agents ou artistes – qui exigent un certain nombre de choses qu’on ne peut pas leur fournir, on leur dit mais ils ne veulent rien savoir : c’est leurs conditions ou rien. C’est donc parfois compliqué pour un lieu comme le nôtre composé d’une équipe passionnée et très volontaire pour faire au mieux, mais ne disposant pas de moyens illimités. »
Une chaîne d’intermédiaires qui ralentit le bordel, qui envoie des messages nauséabonds au public et qui éloigne le dj de son accessibilité, c’est une des conséquences de l’industrie.
Requêtes délirantes, Saunagate et autres blablas
Ces décalages de discours se traduisent souvent par une cassure dans la culture club. La même qu’au Parti Socialiste entre les pro-Valls et les pro-Hamon, finalement : pour grossir le trait bien comme il faut, on trouve le milieu tech-house qui bronze au Pacha et les irréductibles puristes des petits clubs. « Il y a un vrai schisme entre la culture du club « traditionnel », qui a répondu durant des années à des exigences en terme de tarif et d’accueil dans un délire assez Ibiza, et la culture de la salle de concert punk et précaire comme La Station, Gare des Mines, poursuit l’équipe de La Station.
Dans ces requêtes autour de l’accueil des artistes, il n’est pas rare de voir sur un coin du rider une demande du type quatre bouteilles de rosé château La Rose Brana Saint-Estèphe ou une bouteille de vodka Grey Goose originale à 400€ l’unité et de découvrir, à l’arrivée de l’artiste, que celui-ci n’arriverait pas à faire la différence avec un Croze Ermitage et une Poliakov. Cela vaut dans tous les milieu musicaux, nous direz-vous ? Vous avez entièrement raison.
Concernant les cachets délirants de certains artistes à additionner aux frais de transport, d’hôtel et de booking fee, Fabrice Gadeau, du Rex Club, propose une piste à destination des dj : « Si j’étais un artiste aujourd’hui, propose-t-il, j’annoncerai systématiquement le même cachet qui comprend quoi qu’il arrive, mon booker, mon manager, mon tour manager, mon hôtel, mon restau et mon transport. » Ainsi les problèmes liés à un avion hors de prix booké au dernier moment seraient à rayer, tout comme les fantasmes du public sur le niveau de vie de nos chers platinistes. C’est pourtant un point auquel Fabrice tient pour tempérer les ardeurs et les on-dit. Il ne met pas la faute sur ceux qu’on pourrait titiller : « Tu sais pourquoi ils ont tous des hôtels cinq étoiles, les artistes ? C’est parce que les promoteurs les leur ont payés » avant d’enchaîner, avec une logique implacable : « L’équation est toute simple : avant on était dix clubs à faire de la musique électronique, et aujourd’hui, on est dix mille. Par contre on veut tous le même artiste. Si un artiste vaut deux fois le prix qu’il y a un an, c’est parce qu’il y a des gens qui le paient. » Le temps serait donc venu pour les promoteurs de se renouveler, refuser de payer des artistes par dizaines de k€ et éviter de tomber dans une pratique devenue tristement courante dans le milieu des clubs (parisiens notamment) : perdre des dizaines de milliers d’euros pour une simple soirée.
Pour l’équipe de La Station, il n’y a rien de très grave : « C’est le genre qui veut ça : des exigences en terme de standing d’hôtel un peu délirantes, des tables de mixage du futur qui sont impossibles à louer, des gens qui pètent le matos… » Avec toujours ce cynisme en terme de rémunération propre au dj, loin des besoins des rockeurs : « Un groupe de rock qui passe par La Station, avec un/e chanteur, des guitaristes, des bassistes ou des batteurs, un ingé-son, a possiblement tout un tas de frais et de galère à gérer, poursuit l’équipe de la salle en périphérie de Paris. Il faut diviser le cachet entre tout le monde. Par rapport à ça, si tu fais un prorata, un DJ solo ou un petit live électronique qui déboule avec sa clé USB ou son synthé, et qui voyage en TGV ou en avion s’en sort parfois mieux. »
Preuve de cet énervement général que l’overground techno peut susciter, le fameux Saunagate de Jeremy Underground, déferlement de haine sur les réseaux sociaux au sujet d’un agent vindicatif, d’un promoteur pas très fortuné, et d’un sauna, symbole d’un milieu électronique décomplexé.
Une partie de l’insouciance et l’humilité relative des débuts du courant a quitté ce monde. C’est la vie ? À la place, un business s’est immiscé dans le discours. Forcément, des petits malins s’en moquent, d’autres s’en insurgent, et certains se tapent grassement sur le bide.
IV – Le bon filon des fêlons :
vanner la techno
« Voilà donc ce qui vous animait
Rire des autres sans les admirer ? »
Poème bulgare
Enquêtes et Ravelations
John et Stéphane ont monté un site gorafiesque qui parodie le mouvement techno, Ravelations. Entre leurs punchlines #EntenduEnAfter, leurs articles « Il amène des pitchs à l’after : deux morts » ou leur web-roman graphique romantique entre Nina Kraviz, Ben Klock et Marcel Dettmann, ils revendiquent la techno détendue. Parce qu’ils ont roulé leur bosse en after mais aussi parce qu’ils s’étonnent de ce sérieux. Du propre aveu de John (ex-créateur du feu-site La Fédération Française de Clubbing), Ravelations est né de l’envie de « se marrer et pour essayer autant que faire se peut de faire rigoler un milieu qui selon nous, manque cruellement de second degré et de recul. Et aussi pour que les gens nous aiment et nous vénèrent. » Pour Stéphane, son binôme (et ex du label FCom aux côtés de Laurent Garnier), l’idée était également de sortir des « traditionnels articles-podcasts-playlists-reports de soirées » que vous croisez partout sur les médias traditionnels.
Et le concept fonctionne, Ravelations, dont la ligne éditoriale est similaire à celle du site anglais Wunderground, possède près de 65.000 fans sur Facebook et revendique 2,5 millions de visiteurs uniques sur son site. À chaque publication, c’est la marée des partages et des tag d’amis. Si le site souffre évidemment d’un effet Gorafi-like (on lit le titre mais pas l’article), la portée de ses posts est souvent bien supérieure à la plupart des webzines musicaux.
Mur des cons : Anti Tekno et Brigade Anti-Pistolets
Ravelations fait même déjà ses petits (cons) : « Il était une fois, un groupe d’amis en after ou en before en 2016, je ne me souviens plus trop. On délirait sur la page Anti Weed, et soudainement un a mec dit : «Et si on créait Anti Tekno ? » Aussitôt dit, aussitôt fait. » Anti Tekno, aka les sales gosses du mouvement, ont entre 25 et 45 ans, et ne se sont pas pris le chou à créer un site web. Le principe est tout con : poster des vidéos, des photos ou des photomontages glanés sur internet et se mettre dans la position de l’internaute fan de Christine Boutin primitif et pourfendeur de la teuf. Chacun des posts est accompagné d’un texte dans lequel la faute d’orthographe est érigée en genre littéraire. Pendant un an, la page fait des ravages dans l’impertinence, jusqu’à une suppression pure et simple par Facebook (avant un récent retour). La raison : « Strike suite à une publication ». Personne n’a en effet envie de se retrouver prisonnier d’Anti Tekno, sorte de mur des cons 2.0 de la techno.
Question mur des cons et mauvais goût, la Brigade Anti-Pistolets, ou BAP pour les intimes, ne donne pas sa part aux chiens. Dans un article sur Le Voodoo, la nouvelle danse techno qui envahit Paris pour Streetpress, la journaliste Inès Belgacem interroge la bloggeuse Paillette sur ce nouveau phénomène de la capitale. Dans ce reportage, elle parle logiquement de « rançon de la gloire » pour caractériser la BAP, une « page anti-Voodoo » parce que selon Paillette, les danseurs en soirée techno : « font un signe de pistolet quand ils dansent, d’où le surnom : les pistos» Ça se titille sévère dans le milieu, n’est-il pas ?
V – La cour de récré :
Intouchables vs Moqueurs vs Puristes
« Rendez-vous 17h à la sortie des cours
Que j’te tarte ta tronche »
Hugo, teufeur
Pas touche aux intouchables
Les cibles évidentes et trop faciles de la moquerie sur le milieu techno restent (et resteront) l’éternel déglingué Ricardo Villalobos, le dj passé du côté des projecteurs Paul Kalkbrenner (ou Richie Hawtin), les danses ibizesques de Nina Kraviz sur scène ou encore l’existence des festivals EDM.
Mais il y a des choses dont il ne faut absolument jamais se moquer concernant la culture techno, sous peine de s’attirer les terribles foudres du milieu. Arg ! Nonnn ! Pourquoi ?? Qui ?? Réponses : Laurent Garnier, Jeff Mills, Détroit, l’underground, et… en fait les artistes très pointus en général. Selon Stéphane de Ravelations, « la plupart du temps, c’est l’autodérision qui manque, c’est drôle jusqu’à ce que cela parle de moi, là c’est plus drôle si on se moque de moi. »
Les passions sont ce qu’elles sont. Quand on aime une musique avec ardeur, on a une fâcheuse tendance à la défendre comme si c’était la nôtre : avec mauvaise foi. Ainsi, certains se font les apôtres d’artistes qui ne les ont jamais sonné. Alors que l’état d’urgence est en vogue, les gardes du corps en freelance se développent à une vitesse folle. Et tout ça tient la plupart du temps en un mot : le corporatisme. Plaie de tous temps, elle passe pour de la loyauté mais n’est souvent rien d’autre que de l’illégitime défense. C’est le principe du : « Si on se moque de lui, ça signifie qu’on travestit son histoire, donc la mienne, donc mes convictions – parce que je suis convaincu des choses – et ça m’énerve ». Et quand ces étendards de la techno ne sont pas des pros, on trouve aussi un paquet d’énervés d’internet pour qui l’humour taquin est synonyme d’attaque à l’arme blanche, et mérite un aller retour. Teki Latex a un avis plus appuyé :
« J’aime pas les gens qui n’ont pas d’humour, mais j’aime pas non plus les blaireaux qui se croient drôles alors qu’ils ne le sont pas. Les sites genre Ravelations par exemple, la plupart du temps, c’est un humour de merde.«
Mais quel puriste
Fabrice Gadeau du Rex Club se « considère comme un enfant de Coluche. Pourquoi ne pas rire de Laurent Garnier ou Jeff Mills ? J’espère qu’ils se moquent de moi d’ailleurs. La connerie mérite moquerie. Si dans la musique électronique, certains ne le comprennent pas, qu’ils changent de métier. »
Demandons l’exil immédiat des puristes, ou ce que Fabrice préfère appeler « les extrémistes », que Stéphane nomme joliment « les ayatollah de l’underground » quand ils ne sont pas des « social justice warriors » ou que la DJ techno de Hambourg, Helena Hauff, contactée par mail, décrit poétiquement comme « des connards prétentieux » qui sont « la pire espèce dans le milieu ». Donnons leur une barque, une rame cassée qui prend l’eau, et un disque de Donato Dozzy à écouter en boucle pour toute la traversée de l’Atlantique. Pas sûr que les requins apprécient la techno mentale. Le secret d’Anti Tekno avant de partir au combat en ligne, « c’est de ne pas entrer dans le jeu, ne pas répondre directement. Dans la majorité des cas, la personne qui attaque se ridiculise d’elle-même. »
Il serait bête de jouer dans la même cour que ceux que l’on raille. Avouons qu’il y a un paquet de vannes faciles qui tournent dans les environs et que d’autres sont totalement inappropriées. On se rappellera, par exemple, d’Undergroud Resistance critiqué par une armée de jeunes des beaux quartiers s’insurgeant d’un deal du collectif indé avec Carhartt : « Encore une fois les DJs européens blancs privilégiés n’ont de leçon a donner à personne en termes de « lutte », note Teki Latex. La techno est à l’origine une musique de lutte noire et LGBT et bizarrement ce sont aussi les artistes noirs et LGBT qui y injectent le plus souvent de l’humour et de la fraîcheur. » Ce que valide John de Ravelations : « Les mecs de UR se faisaient “lyncher” par des pseudos puristes de mes deux en se voyant reprocher d’être des vendus et d’avoir cédé devant le “grand capital”. Presque risible quand on sait que les mecs crèvent la dalle et que certains continuent à bosser dans le bâtiment. »
En 2018, la techno se prend-elle
trop au sérieux ?
C’est bien gentil tout ça mais il ne répond pas vraiment à la question du titre, le monsieur de l’article, non ? D’ailleurs, est-ce qu’il ne l’aurait pas choisi uniquement pour que ça claque et qu’il puisse nous raconter sa vie à l’intérieur ? Sûrement. Et d’ailleurs, je vais y mettre un commentaire de hater pour l’occasion. Bien niqué.
Ben oui, parce que ça n’a aucun sens de se demander si la techno est sérieuse, ou si la musique c’est bien ou si les légumes ça parle, ou si la France est réac’, parce qu’un mouvement est à l’image de ses composants, et qu’une société si minuscule soit-elle reste multiple.
On peut pourtant essayer de se creuser le ciboulot au regard de l’état actuel du courant. C’est d’ailleurs l’équipe de La Station qui en parle bien : « L’abstraction de la techno a créé une sorte d’appel d’air pour un petit renfort en matière de discours militant… C’était vrai dans les années 90, c’est aujourd’hui plutôt tombé en désuétude. » Rappelons-nous tout de même que les musiques électroniques ont été évoquées pour la première fois par des mecs hilarants comme Karlheinz Stockhausen, Pierre Henry ou Pierre Shaeffer. Mais tout comme dans le rap, les nouveaux fans de musiques électroniques ont moins besoin de discours militant. Prenons le verre à moitié plein : l’envie de jouissance est toujours entière. Pour exemple, on peut évoquer AZF ou les Casual Gabberz « qui gardent une sorte de discours hyper investi, mais beaucoup plus flou, pas de pompier, pas de surplein de sérieux » continue l’équipe.
Qu’est-ce qui est énervant donc ? Les puristes, les agents, les mecs normcore qui tirent la tronche, sans doute. Ou la concentration de tous ces gens sur les réseaux sociaux ou dans les clubs branchés, peut-être. Ah et puis, il ne faudrait pas oublier les défenseurs de l’étendard techno, les gardiens auto-proclamés des traditions qui tantôt cautionnent tantôt dénoncent, retournant leur veste toujours du bon côté.
Et une excellente journée à vous.
Réponses des artistes
Helena Hauff : À Hambourg, la scène techno est assez relax. À part ça, la scène techno ressemble à ses acteurs. Et de toute façon, ce qui me fait le plus rire dans la techno, c’est moi-même.
Fabrice Gadeau, Rex Club : Si la techno se prend trop au sérieux, c’est parce que certains la prennent trop au sérieux, et c’est souvent pas ceux qui devraient le faire.
Teki Latex : J’en sais rien, et à vrai dire je m’en fous complètement du sort de la techno, puisque c’est un milieu qui ne m’a jamais accepté. Ça ne m’empêche pas de faire des trucs qui sonnent mieux que ton DJ préféré de techno.
Stéphane, Ravelations : Les réseaux sociaux et internet ont ouvert la voie à pas mal de connards et de grandes gueules en mal de reconnaissance. On remarque que ce sont souvent les mêmes qui n’ont jamais rien fait pour faire avancer le milieu. Bizarre non ?
John, Ravelations : A mon grand désespoir, le politiquement correct a malheureusement pris le dessus sur toute forme d’humour, de critique et de dérision. Moi qui suis adepte d’un humour très corrosif, je m’autocensure régulièrement pour éviter les amalgames et les clashs inutiles sur les réseaux sociaux.
Anti Tekno : Le paradoxe constaté sur cette page, c’est que bien souvent, ce sont ceux qui se prétendent vouloir changer le monde qui sont les plus intolérants.
Article très intéressant, assez ouvert et incisif à la fois. Chacun peut y faire son idée. La Techno avait besoin de vivre mieux pour le bien des artistes qui la défendent mais à ce point ?
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C’EST DE LA PURE M*RDE VOTRE ARTICLE LES MECS.
Franchement.
MERCI les leçons de morale de Teki Latex sur la Techno d’Allemands Blancs. WTF TEKI ???
On en parle de la Techno de Français noirs ou métissés des tes potes Bambounou ou ND-DOS fréro ?
C’est pas de la m*rde ça ptet ? C’est le son de la street ? Alors quoi. T’es pas sérieux man tu fais mourrir de rire.
Arrêtez de faire référence à Detroit sans cesse, et de vous prendre pour des juges objectifs avec une vision de précurseurs. Ca reste du son de rave, y’a pas de quoi en faire un plat, croire que ça va changer le monde.
La scène est minuscule, le monde devient de plus en plus grand. Arrêtez d’en faire un plat on s’en bat les steaks.
Rentrez chez vous les mecs, on s’en fout de votre avis sur la musique électronique.
Elle vous survivra.
Bisous
Des légumes qui parlent ? C’est quoi cette histoire !
Teki Latex semble vachement désagréable dans la majorité de ses réfléxions
La légende raconte qu’il aurait même le seum contre sa propre mère « de l’avoir mis au monde dans cet univers d’enculés ».
Pourquoi mon commentaire a t il été censuré ?
Bonjour toi, on aurait en effet pu le citer mais on n’y a pas pensé. Fou, non ?
Ah et ton commentaire n’a pas été censuré, il met juste un petit temps à arriver.
Un petit Xanax et on repart ?
Comment ne pas citer cet article ??!! !HONTEUX !
http://www.jetenculetherese.net/culture/pourquoi-la-techno-cest-devenu-de-la-merde-et-que-maintenant-ca-ninteresse-que-les-encules/
Merci pour cet article plein de bon sens, ça rassure mine de rien. En gros la « führer techno » bouffe tout en y mettant les moyens ; on a vu l’émergence des superstars de la techno l’année dernière — dans le genre des méthodes du hip-hop des 2000 ‘s— avec Amélie Lens, Ch. de Witte et consort.
Les usines de communicants pour créer la hype, en gros !
Bref encore merci, c’est cool de voir ce webzine tjs actif, j’avais un doute sur la continuité éditoriale ! Content !
Toujours vivants, toujours debout.
Merci pour les mots doux.