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K.O du spectacle vivant : « Même les anciens ne peuvent pas te raconter un truc pareil »

Face au coronavirus Covid-19, le secteur de la musique live a mis un genou à terre. Les annulations de festivals, de concerts, les reports en cascade sont en train de mettre des structures entières en danger et sans possibilité de se projeter dans l’après. Si la crise sanitaire empire et que l’été est condamné à se dérouler sans festivals ou presque, le K.O. sera d’une violence terrible. Personne ne peut aujourd’hui dire avec certitude ce qui adviendra, mais les raisons d’être inquiets sont nombreuses.

« Inédit », « hors-normes », « incomparable »… Aucun terme ne semble assez fort. Jamais un tel raz-de-marée ne s’était abattu sur l’industrie du spectacle et de la musique live, qui s’apprête à vivre des jours, des semaines et des mois extrêmement difficiles. Si la situation sanitaire due au Covid-19 continue d’empirer, des structures, des entreprises, des festivals en nombre pourraient bien mettre la clé sous la porte, tout simplement. On n’aime pas être alarmistes, mais là, pas le choix.

Pour illustrer l’état d’esprit qui règne au sein des différentes branches du milieu, l’exemple du festival Panoramas est révélateur. Initialement prévu du 10 au 12 avril prochain à Morlaix, en Bretagne, il est depuis sa création un éclaireur qui ouvre la saison, mais qui, cette année, est frappé de plein fouet par les interdictions des rassemblements décidées par le gouvernement jusqu’au 15 avril face aux risques sanitaires. « C’est sidérant, assène Joran Le Corre, directeur artistique de Wart, la société qui gère le festival. Personne, même pas les anciens, ne peuvent te raconter un truc pareil. » Alors certes, il y a bien eu les attentats du 13 novembre 2015 qui ont poussé le public à moins sortir, la crise des gilets jaunes qui a eu des répercussions sur la fréquentation des événements. Mais rien d’une telle ampleur.

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Le bateau coule

Comme bien d’autres pans de l’économie et de la vie sociale, tous les concerts et manifestations culturelles ont été interdits jusqu’au 15 avril. Mais tout le monde le sent : l’interdiction devrait être prolongée. C’est par principe de précaution que le Printemps de Bourges (21-26 avril), par exemple, a décidé d’annuler son édition 2020. Plus on avance dans la crise, plus la cascade d’annulations grossit. Avril est presque condamné, mai également, juin est en ballottage défavorable… Même les événements de juillet sentent le vent venir. Car il ne suffit pas de lever une interdiction pour que les gens reviennent danser devant les concerts et que la musique reprenne ses droits. Loin, très loin de là.

Tout le secteur du live est donc dans un train qui file à toute allure dans un mur. D’ailleurs, chez les producteurs de spectacle et les tourneurs, l’heure est déjà au décompte des dégâts. Cheyenne Productions, qui produit notamment les concerts de Gims, Vegedream, Jeanne Mas et des spectacle comme Star80 ou Roméo et Juliette, dresse d’emblée un bilan très lourd : « C’est simple, je n’ai plus aucun spectacle à présenter avant le 19 mai, explique son directeur Claude Cyndecki. En trois jours, j’ai reporté ou annulé plus de deux-cent spectacles. C’est d’une violence inouïe. Toute l’année je prends des risques : je produis tout et ne vis que sur la billetterie. En ce moment, j’ai zéro cash qui rentre. Zéro ! Tout est à l’arrêt. Je ne rentre pas d’argent, et en plus je rembourse les billets, à juste titre par ailleurs. C’est un puits sans fond. Je me demande si je ne vais pas être obligé de reporter certaines dates d’un an par manque de communication en amont, car toute la promotion est gelée actuellement. Je n’aurai peut-être pas assez de cash pour relancer la machine quand les interdictions seront levées. »

Même son de cloche ou presque chez W Spectacle, également producteur : « Sur mars, avril et mai, on reporte trois-cent dates de concerts, décompte Simon Nodet. On est une équipe sur un bateau qui coule, et on est en train d’écoper. On avait commencé à reporter des dates sur le mois de juin, mais plus les jours passent, et plus on se demande si elles pourront avoir lieu. Les festivals qui ont annulé sur mars, avril et mai, c’est de la perte définitive pour nous, et c’est conséquent. On vit la course au report, on centralise notre énergie là-dessus. » En somme, on écope, et on n’a pas le temps de regarder l’horizon. Les conséquences sont désastreuses. Chez AFX, agence de booking et de production leadée par Jean-Brice Lacombe, les pertes financières sont d’ores et déjà très importantes : « C’est simple, on est sur une perte qui se situe entre 25 % et 40 % du chiffre d’affaire annuel. On est déjà sous le coup d’annulations jusqu’à fin mai alors que l’arrêté ne porte que jusqu’au 15 avril. Et on suppose que ça n’est pas fini. C’est l’hécatombe. Après l’annonce d’Edouard Philippe samedi, on a perdu 180 000 euros en une journée. On fait travailler une centaine d’intermittents chaque mois, on n’a pas encore de solution pour eux. » Signe de l’ampleur du problème, le géant Live Nation a perdu plus de la moitié de sa valeur en bourse en seulement un mois.

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Des raisons d’être pessimistes

C’est un effet boule de neige. Avec l’annulation de Panoramas, Wart a déjà perdu environ 2/5e de son chiffre d’affaire en seulement deux semaines, et s’attend à atteindre les 50 % d’ici peu. Car en plus d’être un festival, la structure est aussi tourneur, comme bien d’autres. Et sans concerts, pas de rentrées d’argent. Ajoutez à cela les décisions de passer certains employés en chômage partiel, des intermittents qui n’ont plus de travail, des artistes qui doivent amputer des tournées, ou encore l’impact économique d’un festival ou d’une salle de concert sur son environnement local, et vous obtenez une crise sans précédent.

Le grand problème de l’industrie du live, c’est qu’il ne suffit pas que le gouvernement accepte de lever ses interdictions pour que tout rentre dans l’ordre. Bien des facteurs poussent à être extrêmement pessimistes quant à la tenue des festivals estivaux. Actuellement, les événements devant avoir lieu en mai, au-delà de l’interdiction actuelle, n’enregistrent plus aucune vente de billets. Ils sont condamnés à annuler, et le public, qui n’a pas la tête à ça en ce moment, le sait. Idem ou presque pour le mois de juin. Si les rassemblements sont de nouveau autorisés fin avril, par exemple, comment rattraper ce trou béant laissé dans la billetterie ? Les gens vont-ils vouloir revenir tout de suite faire la fête en plein air avec 80 000 personnes ? Les artistes, notamment les internationaux, ne vont-ils pas, par précaution, annuler leurs venues dans les gros rassemblements ? Si les têtes d’affiche américaines ou anglaises, pays où la vague de Covid-19 devrait sévir en décalage avec la France, ne peuvent plus venir, quid de l’attrait des programmations ? Personne n’a de réponse arrêtée, et beaucoup temporisent, comme le festival parisien We Love Green contacté au téléphone, qui doit avoir lieu du 6 au 7 juin, et qui « travaille à toutes les possibilités ».

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Reculer pour mieux sauter ?

Pourtant, certains festivals continuent d’espérer. A la messe électronique brestoise d’Astropolis prévue du 3 au 5 juillet, le discours se veut optimiste : « Le mot d’ordre, c’est de continuer à avancer comme si cette édition allait avoir lieu, assène son directeur Gildas Rioualen. Si c’est le cas, on va tous ressentir un renouveau, on aura envie de faire quelque chose d’encore plus beau après cette catastrophe. Aujourd’hui, on n’envisage pas la chose. On a même des événements qui doivent avoir lieu au mois de mai, comme la Fête de la Bretagne, et on part du principe qu’on sera tous contents de sortir de chez nous à ce moment là. » Un pari très osé au vu de la situation actuelle, sachant que s’engager de plus en plus dans l’organisation d’un événement augmente les coûts, et donc les pertes en cas d’annulation. Cette décision de maintenir un festival en juin ou début juillet, plusieurs autres acteurs du secteur ne la comprennent pas. Surtout après avoir vu que le plus mythique des festivals anglais, Glastonbury, a annoncé son annulation ce mercredi, alors qu’il devait se tenir du 24 au 28 juin. Alors certes, il y a la volonté de garder un esprit de combat dans une industrie sans cesse chahutée, le besoin de se dire que les choses finiront par s’arranger… Mais c’est risqué. « C’est peut-être reculer pour mieux sauter, on ne sait pas », avoue Gildas Rioualen.

Un festival ne se reporte pas. Une programmation de cinquante artistes ne se décale pas. Une organisation si lourde, une logistique, un lieu, une date, ne se retrouvent pas quelques semaines après par miracle. Sauf exception, visiblement. Vincent Carry, directeur d’Arty Farty, la structure qui organise les Nuits Sonores de Lyon et gère plusieurs sites culturels dans la ville, dont Le Sucre, l’affirme : « Le festival va avoir lieu, c’est sûr et certain. Dans nos esprits, il est hors de question, que ça ne soit pas le cas. La question, c’est de savoir si on est encore en mesure de tenir les dates initiales (19-24 mai). On réfléchit à tous les scénarios de maintien ou de reports, une grosse partie des équipes bosse là-dessus. Il y a la question de la date, mais aussi celle du format, forcément, qui pourrait être différent. » En cas de report, plusieurs dates sont à l’étude, durant l’été ou à la rentrée de septembre. Idem pour le festival Marvellous Island (30-31 mai). Son responsable communication, Gaspard Degueurce, ajoute : « Pour reporter, il faut que le lieu soit disponible. Ça n’est pas toujours le cas, mais on a cette chance. Par contre, ça va être un peu la guerre entre les programmateurs, les artistes pour tout recaler, il y a énormément de facteurs à étudier. »

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L’été sera chaud

Difficile de mesurer l’impact d’un été sans festival ou presque. Ce qui est certain, c’est que la situation, à envisager, serait catastrophique. « Si l’été saute, ça va devenir extrêmement problématique, assure Simon Nodet de W Spectacle. Pour l’instant, on perd un quart de notre volume d’activité. Si juillet et août tombent à l’eau, c’est plus de la moitié. » Jean-Brice Lacombe d’AFX renchérit : « Il y a clairement une menace de dépôt de bilan. Notre métier de producteurs consiste essentiellement à avancer de l’argent, on a donc d’énormes besoins de fonds de roulement. Aujourd’hui, on a un ou deux mois d’exploitation devant nous, mais pour des structures plus petites, un mois d’arrêt peut être fatal. Nous, on se dit que deux mois de perte d’exploitation, ça passe. Mais au-delà de trois mois, c’est extrêmement compliqué. » Si les gros festivals d’été sont touchés, c’est un pan entier de l’économie du spectacle qui va ramasser.

Et l’effet domino n’est pas loin. Car les annulations de festivals, c’est une chose. Mais il y a bien évidemment les concerts en salles, les tournées à prendre en compte. Comme expliqué plus haut, beaucoup de reports de lives sont à l’étude, les structures y travaillent d’arrache-pied actuellement. Mais si tout le monde reporte aux mêmes dates, comment gérer l’énorme embouteillage qui va prendre forme dès septembre ? Comment ceux qui avaient pour projet de lancer leurs tournées à la rentrée vont-ils trouver leur place ? Les salles n’ont pas de murs extensibles, on ne peut pas rajouter de jour dans une semaine. « En huit jours, on a réussi à reporter toutes nos productions, dont une partie sur juin, explique Simon Nodet. Si juin tombe à l’eau, ça va être très dur de trouver des salles disponibles plus tard car l’embouteillage se sera déjà formé. Il va y avoir une répercussion significative et un retentissement jusque sur l’année suivante. Quand tu fais une année blanche, tu casses une dynamique. Quid des artistes qui étaient programmés cette année ? Le seront-ils l’année prochaine ? On ne sait pas, mais ça va poser un certain nombre de questions. C’est vertigineux. » Déjà, les salles de spectacle comme La Cigale, à Paris, prévoient un surplus de demandes jusqu’en 2021. Son directeur général, Jean-Louis Menanteau, contacté par mail, le dit : « Il serait aventureux de tirer un premier bilan lorsque tout évolue au jour le jour, qu’on est visiblement qu’au début de la crise. Le confinement va être prolongé et on ne connaît pas la portée économique et sociale de cette mésaventure qui variera selon la durée. »

A La Biscuiterie, salle de Château-Thierry dans l’Aisne, la situation se gère au fur et à mesure, mais rapidement. « Bien sûr on a annulé toutes les dates jusqu’au 15 avril, explique Xavier Lelièvre, son programmateur. Pour celles qui viennent quelques semaines après, ça se reporte un peu tous les jours. Actuellement, la question commence à se poser pour les concerts de la mi-mai, le problème étant que même si l’on sort du confinement en amont, on n’aura pas communiqué dessus et mobilisé le public. Si l’interdiction est levée deux semaines avant la date, ça reste compliqué. Toutes les salles sont touchées, le milieu est donc saturé de demandes de reports. On peut décaler à septembre-décembre, mais le problème, c’est que la programmation est déjà quasiment bouclée jusqu’en 2021. On ne peut pas saturer les semaines, il faut rester cohérent dans ce qu’on propose. » Faire quinze concerts à la rentrée si le public ne suit pas, ça ne rime à rien.

Des services d’aide saturés

Tous les interlocuteurs le disent : on ne sait rien, on navigue à vue, on fait le dos rond. Mais il y a déjà des espoirs de soutiens. Via l’État, d’abord, qui a débloqué 22 millions d’euros dédiés à la culture ce mercredi 18 mars. Beaucoup de structures pourront continuer à verser des salaires sans pour autant avoir de rentrée d’argent. Pour combien de temps ? Une goutte d’eau, mais un début, avec des annonces ministérielles et présidentielles globalement bien reçues dans le milieu. Les aides publiques exceptionnelles devront être largement plus grandes, et ne pas arriver dans six mois.

D’autant que la culture est faite de structures parfois fragiles. Le report des charges salariales promis par le gouvernement, comme la prise en charge d’une partie du chômage partiel, sont des portes de sortie certes temporaires, mais bienvenues. Problème : « Les services de l’État sont totalement submergés, observe Jean-Brice Lacombe. Ils avaient annoncé une mise en place sous quarante-huit heures, mais ils viennent de dire qu’ils accepteraient une rétroactivité de trente jours. Imagine un peu le rush dans lequel ils sont… Quand on a commencé les démarches pour y avoir droit, le site de la direction du travail était hors-service, pris d’assaut. On a envoyé un mail à la direction avec accusé de réception, le retour qu’on a eu, c’est : « Votre mail a été supprimé sans avoir été lu. » On ne leur en veut pas évidemment. Finalement, ils nous ont répondu, mais nous ont aussi expliqué qu’ils recevaient environ une demande par minute juste pour le service de la région Rhône-Alpes. Voilà le tableau. » Mais ces mesures renforcent tout de même la détermination de Claude Cyndecki : « Je dois protéger mon bureau, il y a  trente personnes qui y travaillent, trente emplois dont beaucoup sont fixes. Je peux tenir quelques mois, mais pas plus. Pour l’instant, les emplois ne sont pas menacés, mais de toute façon, je les protégerai jusqu’au bout. A condition que la crise ne dure pas jusqu’à l’été. »

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Sauver ce qui peut l’être

Les événements sont assurés contre les coups durs. Le souci, c’est qu’au-delà du 15 avril, aucun festival ou salle de concert n’est légalement tenu d’annuler sa programmation. Il faut une interdiction du gouvernement pour cela. Et sans obligation, les assurances ne marchent pas. D’ailleurs, en Angleterre, certains clubs vont même jusqu’à demander à être obligés de fermer pour être couverts. Mais de l’aveu de bien des acteurs du milieu, c’est un sujet qui sera traité en temps et en heure. Pour l’instant, c’est le branle-bas de combat qui prime. Et la patience, si possible.

Face à ces aides qui peinent à se mettre en place, urgence oblige, le public est parfois mis à contribution. Pour se tirer du pétrin, Panoramas donne le moyen à ses festivaliers de faire un don à Wart via les réseaux sociaux. Autre possibilité, plutôt destinée aux salles de spectacle, celle de ne pas réclamer le remboursement de son billet, ce qui permet de ne pas vider les caisses des agences de production, des diffuseurs ou des salles. Le Syndicat national des entrepreneurs de spectacle (SNES) se lance d’ailleurs dans une campagne intitulée #SauveTonSpectacleReporteTaVenue, qui vise à inciter les publics à accepter un report de leurs places plutôt que demander un remboursement. Ca laisserait un peu de flouze dans les caisses le temps de voir venir, et ça ne ferait pas perdre d’argent au public. Cependant, les artistes auront aussi leur rôle à jouer, car lorsqu’un festival annonce un nom dans son line-up, il a déjà payé la moitié du cachet. Peut-être que ce sont aux musiciens, aussi, aux gros noms, de sacrifier une partie de leurs revenus. Le public, dernier maillon de la chaîne, ne peut pas être le seul à mettre la main à la patte pour aider des structures.

Un aspect positif ressort tout de même de tout cela : une grande bienveillance, une grande solidarité se met en place entre toutes les branches et tous les protagonistes du live en France. Normal, tout le monde est dans le même bateau, et tout le monde dépend de tout le monde. Mais les soutiens, lorsque le moral est au plus bas, sont les bienvenus. « On a été parmi les premiers festivals à annuler, je ne te raconte pas le moment de solitude qu’on a eu, se souvient Joran Le Corre. C’était extrêmement dur. Même si on a senti une vague de soutien très forte de la part du public, des artistes et des gens du métier, on restait isolés. A partir du moment où c’est parti en cacahuète, quand on est passés de l’interdiction des rassemblements de plus de 5000 personnes en milieu confiné à 1000, puis à 100, dans notre malheur, ça nous a aidés psychologiquement parce que c’était global. On en était réduits à se dire ça, c’est terrible. » Tout le monde s’appelle, se tient au courant, se sert les coudes. Bien obligé.

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« On sait qu’il y aura de la casse »

Mais au-delà d’une date de confinement prolongée, c’est l’absence de date précise qui effraie le plus les festivals, producteurs ou tourneurs. « Jusqu’à nouvel ordre » est devenu un terme épouvantail que personne ne souhaite entendre, puisqu’il signifierait qu’aucune vision à court terme ne serait possible. Et encore moins à moyen ou long terme. Claude Cyndecki le redoute plus que tout : « Qu’est-ce qui va se passer après ça ? Aucune idée. Tous nos comptes avec nos fournisseurs sont bloqués. Les conseils financiers qu’on reçoit c’est : « Vous ne bougez plus, vous figez votre trésorerie, et quand il y aura un semblant de reprise, on avisera selon les directives de l’État. » Voilà. On est en stand-by, mais on sait qu’il y aura de la casse. »

A Astropolis, Gildas Rioualen semble plus philosophe : « Je fais ce boulot depuis trente ans, et je l’ai toujours dit : je ne me projette pas dans le futur. On sait qu’une tempête ou un orage peut tout arrêter. » Justement, Joran Le Corre continue : « On va attendre que l’orage passe. La communauté de commune, la Région vont nous soutenir parce qu’on monte une salle à Morlaix, parce qu’on crée de l’emploi. Mais pour des événements plus jeunes, moins subventionnés, les conséquences vont être terribles. Et on ne les mesure pas encore. J’en vois qui espèrent toujours que les projets de septembre que l’on a prévus avec eux se passeront sans problème. C’est presque touchant, mais ils ne se rendent pas compte de la situation. »

Rappelons-le, cette crise ne fait que commencer. Et comme dans chaque crise, il y a du tâtonnement et de la violence. Pour y palier un tant soit peu, l’équipe des Nuits Sonores a rapidement lancé un appel réunissant des acteurs culturels de plusieurs villes de France incitant le gouvernement à ne pas se focaliser uniquement sur l’aide aux grosses structures. « Si on oublie les plus petits, les plus fragiles, c’est tout l’écosystème qui en pâtira. » Mais ne soyons pas dupes, ni trop utopistes : personne ou presque ne sortira indemne de cette tempête. Et plus les jours passent, plus les dégâts seront irréversibles.

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7 commentaires

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raoul dugenoux 22.03.2020

Et bien peut-être qu’il faudra revenir vers l’importance des supports physiques studios qui perdent en créativité et qualité (non non je vais voir du jeune du moins jeune du vieux aussi et dans tous les styles). Rien que le mot « industrie » du live me dit que l’on est arrivé devant un mur. Sortir, voir des concerts, resortir, festival, pass, tout cela doit être revu à la baisse et se limiter pour diminuer les impacts financiers, naturels et revenir à des choses plus humaines. Le jour d’après ne sera pas simple.

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Michael Dian 02.04.2020

Absolument d’accord avec cette analyse. Revenir à des échelles plus modestes, mieux inscrites dans les territoires, où le lien prime sur le gain : sobriété et agilité des organisations culturelles, circuits courts comme dans la filière agricole etc… .La filière musicale, comme toutes les autres filières, est poussée à se réinventer. Quoi que notre Président en pense, le « quoi qu’il en coûte » aura ses limites…

Gaby 05.04.2020

Malheureusement, le secteur musical qui en pâtit aujourd’hui n’est pas uniquement composé de grosses machines industrielles de la musique comme vous semblez y faire allusion (bien que, comme dans toute industrie de notre époque capitaliste, elles existent et prennent beaucoup de place — et la majorité des revenus). Le paysage de l’industrie musicale présente déjà un très grand nombre de structures qui travaillent « à échelle plus modeste », qui sont « plus humaines », et qui agissent pour le développement de la culture au niveau local, en partenariat avec les acteurs locaux.
C’est d’ailleurs ces structures-là — qui comme dit dans l’article n’ont elles pas assez de trésorerie pour « tenir quelques mois », ou encore qui sont moins subventionnées et soutenues par les municipalités/régions etc. — qui seront les plus touchées par cette crise et qui risquent de disparaître en grande partie.
Alors, certes, oui, l’industrie musicale va être obligée de se réinventer et tout cela va créer sans aucun doute de nouvelles choses, de nouveaux projets, et de nouveaux types de structures et de fonctionnements (et c’est très bien — restons enthousiastes et optimistes et raccrochons-nous à ça), mais les raccourcis du genre « c’est pas plus mal que tous ces pourris disparaissent et que ça force les gens à mieux réfléchir et se réinventer », c’est un peu dure à entendre quand on fait partie des gens qui tentent déjà avec beaucoup de difficultés de renouveler un système moisi, et qui sont face à la réalité de leur mort très probable et très prochaine :-)

(Par ailleurs, ce serait se tromper que de croire que limiter l’offre de concerts et de festivals favoriserait un retour aux choses plus humaines. On sait au contraire qu’un grand nombre d’acteurs et donc de propositions signifie diversité, liberté, et plus grand accès à la culture.)

Mary 21.03.2020

Merci pour cet article de qualité

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Thomas 20.03.2020

« Si les têtes d’affiche américaines ou anglaises, pays où la vague de Covid-19 devrait sévir en décalage avec la France, ne peuvent plus venir, quid de l’attrait des programmations ? » >>> On sera tellement assoiffés de culture, qu’on ira ! Enfin, j’espère…

« Cependant, les artistes auront aussi leur rôle à jouer, car lorsqu’un festival annonce un nom dans son line-up, il a déjà payé la moitié du cachet. Peut-être que ce sont aux musiciens, aussi, aux gros noms, de sacrifier une partie de leurs revenus. Le public, dernier maillon de la chaîne, ne peut pas être le seul à mettre la main à la patte pour aider des structures. » >>> Prendre modèle sur Marcus Thuram et d’autres footballeurs évoluant en Bundesliga, qui ont préféré ne pas être rémunéré en mars afin que les salariés de leur club puissent l’être.

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Metaireau 30.03.2020

Bonjour Sourde Oreille, bel article, mais c’est le SNES pas le Snep qui a mit en place la campagne Reporte ta Venue.. Le Snep c’est le phono, merci de rectifier!

Romain 30.03.2020

Bien vu petite erreur, on modifie !
Et merci du mot doux

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